Présentation

L’Atelier d’écriture de Solliès-Pont a commencé en septembre 2018 à l’initiative de Tristan Choisel, auteur de théâtre et de chansons. Pourquoi ? Pour s’initier à l’écriture de formes brèves (nouvelles, saynètes…), pour perfectionner son style ou pour simplement explorer son potentiel créatif. Nous sommes sept à partager nos textes dans la bienveillance, un peu d’humour et toujours avec beaucoup de plaisir. L’association « L’Atelier de Solliès-Pont » abrite cette initiative et vous pouvez nous rejoindre si, comme nous, vous avez l’âme d’un écrivain amateur.

Ce blog est la mémoire de notre travail. Il sert à mettre en lumière quelques-uns de nos textes. Enfin, il permet de communiquer entre nous plus facilement.

samedi 28 novembre 2020

Le pouvoir

Il avait travaillé dur pour obtenir ce qu’il voulait, usant de stratagèmes, de fourberies et manipulations complexes pour en arriver à ses fins. Bien sûr, sa conscience l’avait quelquefois titillé, il avait dû écraser bon nombre de ses concurrents. Certains ne s’en relèveraient probablement pas, mais il ne fallait pas regarder en arrière, l’avenir s’annonçait brillant ! Désormais, c’est lui qui détenait le pouvoir. Le POUVOIR, ce mot l’excitait. Il frissonna de plaisir, puis se frotta les mains l’une contre l’autre plusieurs fois en signe de satisfaction. Il aimait le contact de ses paumes et le réchauffement qui s’en suivait. Petit garçon, il tapait des mains et des pieds lorsqu'il était excité ou content. Ce geste, qui lui restait de son enfance, s’était transformé en quelque chose de plus discret. Il croisa les doigts, les tordit dans un sens puis dans l’autre, et finit par applaudir. Il répéta ce geste plusieurs fois. Un sentiment de plénitude l’envahit. Il avait enfin gagné ! Seul, il resta plusieurs minutes à savourer sa victoire. Puis il se reprit, il lui fallait rejoindre son équipe, remettre son masque d’humilité pour les remercier. Dès demain, il devra convaincre ses opposants de sa bienveillance. Ce ne sera pas facile et prendra du temps. Le challenge était de taille car le monde de la politique était sans pitié.

 

 

 

Première consigne : Décrivez dans le détail un geste ou une attitude corporelle, en 5 lignes.

 
Il se frotta les mains l’une contre l’autre plusieurs fois en signe de satisfaction. Il aimait le contact de ses paumes et le réchauffement qui s’en suivait. Il croisa les doigts, les tordit dans un sens puis dans l’autre. Si le contentement en valait vraiment la peine, il finissait en applaudissement. Il pouvait répéter ce geste plusieurs fois selon le degré de son plaisir.

 

Seconde consigne : Racontez une histoire en 15 lignes (25 lignes manuscrites) incluant cette description de geste ou d'attitude corporelle.

 

 

jeudi 26 novembre 2020

Acceptation

Quand l’émotion prend le dessus, elle se réfugie dans le dictionnaire. Dans le dictionnaire tout est cartésien, tout est logique. Les mots sont au carré, rien ne dépasse. Quoique. Quand les auteurs s’invitent dans le dictionnaire pour parler sur les mots, ils s’en donnent à cœur joie et le cœur ce n’est pas très cartésien, ce n’est pas très logique.

A la page 15 de la nouvelle édition 2018 du Petit Robert, que lui disent les auteurs sur le mot « Acceptation » ? Victor Hugo lui balance que le devoir est une série d’acceptations. Saint Exupéry lui assène que la guerre ce n’est pas l’acceptation du risque, c’est l’acceptation pure et simple de la mort. Plombant. Elle le pressentait.

Debout, les bras appuyés sur la table de la cuisine, elle lève les yeux du dictionnaire, puis se retourne vers le four ouvert les poings serrés. Devant son soufflé qui s’étale lamentablement après cuisson, elle n’est que colère et rébellion.

Pas d’autrice qui s’exprimât sur l’effondrement du soufflé et autres mésaventures de la vie d’une femme. N’auraient-elles donc rien à dire sur l’acceptation ?





Consigne : Rédiger une fiction de 12 lignes sur le thème de l’acceptation.

 

lundi 23 novembre 2020

Saison 2

Entre la médiathèque et le parc qui abrite la salle des mariages, se tenait un groupe de cinq à six personnes, plutôt âgées, qui discutaient à bâtons rompus. La voiture de la gendarmerie déboucha au coin de la rue mais le groupe n’y prêta pas attention. Jusqu’à ce que  la voix gonflée par le mégaphone vint vriller leurs appareils auditifs :

« Veuillez respecter la distanciation sociale ! »

Le mégaphone aurait aussi bien pu beugler :

« Numéro six, veuillez respecter la distanciation sociale ! »

Et Edmond aurait répondu en hurlant :

« Je n’suis pas un numéro ! »

Les gendarmes auraient alors lancé la grosse boule blanche à sa poursuite.

Mais on n’était qu’au deuxième jour du reconfinement. Les familles avaient obtenu un sursis pour rejoindre leur domicile après les vacances scolaires. Les forces de l’ordre avaient pour mission de rappeler les règles du protocole sanitaire avant de verbaliser.

Demain, peut-être qu’ils lanceraient la boule blanche aux fesses du Numéro Six.

De loin j’observais la scène. Avec mes bâtons de marche - mon Sésame  pour faire croire que j’effectuais un parcours sportif dans la limite du périmètre autorisé. Demain je reviendrais.

Pour ne pas rater le deuxième épisode de la saison 2 de ma série préférée : « Le prisonnier. »

 

 

Consigne : En 12 lignes, écrire une fiction où le narrateur ne nous apprend qu’en toute fin en quoi il est concerné par l’histoire qu’il vient de nous raconter.

 

 

La corrida

Le taureau surgit dans l’arène, au milieu du cercle de sable jaune. L’air tremble, la foule communie en silence, dans l'attente de la cérémonie sauvage. Le taureau exhale sa fureur, il soupçonne ce qui va advenir, hume dans la chaleur insupportable de l’après-midi cette odeur de sang immémoriale. Les hommes accomplissent une chorégraphie millimétrée dans la circonférence de l’arène. Sur les gradins le souffle est suspendu, puis quand le picador entre en scène sur sa monture caparaçonnée, une pointe se fiche dans mon cœur. Le rouge éclabousse le soleil. Mon cœur s’accélère. La foule se lève, acclame. Un dégoût me soulève l’estomac. Le taureau, lui, balaye d’un regard fou l’arène. Un tumulte d’impatience secoue les gradins. Le toréador exalté par tant de liesse déploie sa muleta écarlate, appelle l’insoumis qui s’élance vers lui. Alors le toréador porte l’estocade : plante son épée entre la nuque et les épaules. Une douleur me transperce le ventre. Je me lève dans un vertige pour fuir le délire de la foule survoltée, une ombre voile mes yeux.




Consigne : en 12 lignes, théme "l'acceptation".
 
 




samedi 21 novembre 2020

L’acceptation

La vie n’est pas un long fleuve tranquille.
Dois-je accepter ma destinée, sans pouvoir changer le cours des choses ? Dois-je accepter qu'il n’y a rien à comprendre et qu'il faut juste accepter ? Le handicap, la maladie, la vieillesse, la déchirure de la séparation avec la mort d’un proche. Doucement, sans que je n'y prête attention, des processus se mettent en place. J'avance, je dépasse les évènements douloureux. Je relève les challenges, sur ce qu'il m'est permis de changer ou d’améliorer, je jouis des bonheurs, même fugaces, avec l’amour des miens. Je construis, j'apprends à transformer, le négatif en une expérience positive, je grandis. Je fais du verbe « aimer » ma force. Je suis attentive à l'essentiel, je donne un sens à ma vie. Assise sur un rocher, je contemple, je m'imprègne du soleil flamboyant faisant scintiller la mer de diamants. Les pins dressés vers le ciel, semblent m'élever vers la sérénité, les mouettes ricanent. Je lâche prise. Merci à mère nature d’apaiser mon cœur par sa splendeur et sa clarté.




Consigne : en 12 lignes, sur le thème de l'acceptation.



L'allemand

- Ce matin, Maman, à la librairie, j'ai rencontré Monique, la fille de ta voisine, elle dédicaçait son livre qui relate la vie de sa mère, pendant la deuxième guerre mondiale.

- Qu'est-ce qu'elle a pu écrire sur la guerre ?

- Que sa mère, malgré les interdits, a connu l'amour dans les bras de l’Allemand. Monique est le fruit de cette passion. Au moins lui, n’a pas donné la mort mais la vie. Tu me trouves peut-être idiot, mais cette histoire me touche au plus profond de moi.

- Qu'est-ce qu'elle est encore aller raconter à Monique, cette mégère.

- Tu te rends compte, sa mère, à la libération, a été tondue, sur la place, devant la population. Quelle humiliation.

- Mais qu'est-ce qu'elle est allée raconter bon sang, cette commère.

- Enfin Maman, comment tu qualifies cette brave femme, de mégère, de commère, tu exagères. Oui, elle a reçu la protection d’un soldat allemand, Que peux-t-on faire contre l’amour …ou la faim ? Au moins, Monique sait qui est son père, même si elle ne l’a jamais rencontré. Maman, je sais que celui que j’appelle Père, ne l’est pas. Quand m'avoueras-tu ton secret ?

- Mon fils, elle n'avait pas à raconter tout ça, c'est pas bon de réveiller le passé, ça fait mal. Pendant la guerre, avec la mère de Monique, nous étions fâchées, car nous étions amoureuses toutes les deux d'un même viril soldat Allemand à la voix de ténor. Cette période a été difficile. J'ai été tondue, à coté d'elle et montrée du doigt.

Monique et toi avez le même père.



 
Consigne : Le narrateur nous apprend à la toute fin qu’il est concerné par l’histoire qu’il vient de raconter, 12 lignes.
 
 
 

samedi 14 novembre 2020

La bataille de clocheperle

Le ciel était bas dans ce pays de Clocheperle. Le général Zorbeck, fier sur son cheval de bataille, s’était posté au sommet d’un promontoire lui permettant d’avoir une bonne vue d’ensemble de son armée. Il regardait cette foule innombrable qui se déployait dans la plaine et qui envahissait les collines environnantes. Ils avançaient en rangs serrés. Des grands, jambes maigres, longs bras, regards globuleux enfermés dans leur cotte de maille, des petits, à moitié nus, ventres bedonnants, le sexe recouvert d’un pagne, brandissant leurs épées, l’air menaçant. Certains criant des jurons dans une langue incompréhensible, d’autres hurlant, mâchoires déformées par la haine. Certains étaient pires que les autres. Ils se tenaient à l’arrière de cette armée de monstres, mi humain, mi animal, marchant sur leurs pattes arrière, vêtus de lambeaux, armés de matraques, de fléaux d’armes, de masses, de dagues, boucliers. Les corps couverts de poils par endroits, les visages contractés aux rictus pleins de colère, galvanisés par le chaos du bruit qui remplissait cette contrée perdue. La bataille s’annonçait impitoyable.

 
 
 
Consigne : une fiction de 12 lignes comprenant la phrase "Certains étaient pires que les autres."
 
 

lundi 9 novembre 2020

Rien vu venir

La vague est arrivée, froide, régulière, d’abord une écume blanche vite évaporée dans l’anthracite du ciel. Puis la marée a continué à monter, poussée par un vent tenace. Quelquefois elle s’adoucissait dans un reflux, puis les lames repartaient à l’assaut. Là bas dans le Nord, les hauts fourneaux s’étaient éteints, des générations avaient été laminées par le chômage. Certains ont voulu se consoler de leur destinée vide. On l’a pas vu venir la vague bleue marine qui menace de nous submerger.



Consigne : en 12 lignes, intitulé Rien vu venir.  

Le roi du pétrole

La journée a été éprouvante. Il s'est pris la tête avec ses potes de galère. Il décide de s'arracher de ce bout de trottoir. Du coup il lui faut trouver un autre coin peinard pour crécher ce soir. En plus la manche a été calamiteuse, c'est la dèche, même pas de quoi s'envoyer une bière. Il est déchiré ! Il traîne sa peine jusqu'au bout de la rue, sa bouteille de rouge à la main. Il avise une terrasse de café ou il va pouvoir se requinquer un peu. La faim lui tord les boyaux. Il oublie qu’il n’a pas un sou en poche. Il se cale à une table sa bouteille de rouge toujours avec lui. Il se dit dans la toute puissance de l'ivresse : voilà « je suis le roi de pétrole ». Aussi sec le serveur fonce vers lui. Ça tombe au poil ! Il a envie d'une bière et peut être le patron lui offrira un sandwich. Mais à peine installé, cet abruti de serveur s'approche, lui prend sa bouteille et en un clin d'œil la balance dans la poubelle. « Va cuver ailleurs et remballe ta camelote !
 Enfoiré ! »
 Il va s'écrouler de désespoir mais un élan de fierté le ranime. Il insulte ce plouc et va pour se jeter sur lui, toute la terrasse le mate, mais s'il appelait les cognes ce con... Alors il ravale sa haine et décampe lentement sans le quitter des yeux.



Consigne : le narrateur assiste à un conflit auquel il n'est pas mêlé.


jeudi 5 novembre 2020

Aversion

Décidément je le déteste ! A l'origine, c’était un sentiment un peu… comment dire, gratuit. Aucun grief majeur sur lequel m’appuyer. Mais une impression, un recul quasi épidermique qu’il avait suscité dès la première rencontre. Puis à mesure que je le côtoyais… j’étais navrée, navrée par ses incompétences, son inconsistance. Et cet abruti m’avait enlevé ma fille. Quelle farce ! Cela mis à part, je n’avais toujours rien à lui reprocher, rien qui justifia ma rancœur, mon hostilité… jusqu’à ce jour où il avait chuté, et ce sans originalité aucune. Il m’avait oubliée sur une aire d’autoroute. Enfin ! J’avais du grain à moudre.





Consigne : Réutiliser la chose oubliée dans la fiction précédente pour une autre fiction.

Rien vu venir

GREGOIRE. Dis, papa c'était comment AVANT ? 

FABIEN. (Il soupire) On en a déjà parlé fiston et tu sais que je n’aime pas trop revenir sur le passé. 

GREGOIRE. Mamie, elle, elle m'en parlait et ça se voyait qu’elle aimait bien me raconter. En plus, ça avait l'air d'être super. 

FABIEN. Tu sais, mamie, elle exagérait un peu et elle avait tendance aussi à tout embellir. 

GREGOIRE. Oui mais moi, j'aimais bien l'écouter. Ça paraît tellement incroyable ce qu’elle racontait : la multitude d'oiseaux de toutes couleurs, des grands, des petits, des poissons multicolores, des ours, des tigres, des éléphants. Elle m'a même montré des photos. Que c'était beau ! Dis, tu les as vu tous ces animaux, toi ? Ils ont vraiment existé ? 

FABIEN. (Il hésite) Ça sert à rien d'en parler fiston, c'est fini tout ça. 

GREGOIRE. Mais enfin pourquoi ils ont disparu ? Tu m’expliques, papa ? 

FABIEN. Écoute, pas aujourd’hui, c’est trop long et trop compliqué. Un jour quand tu seras plus grand, je t’expliquerai tout ça. 

GREGOIRE. (s’énerve) Y en a marre, tu dis toujours ça. J’aimerais bien savoir, moi. Dis-moi au moins, c’est arrivé d’un coup ? 

FABIEN. Ah, ça, non, on pourra pas dire qu'on n'a rien vu venir.
 
 
 
Consigne : titre : Rien vu venir.