Présentation

L’Atelier d’écriture de Solliès-Pont a commencé en septembre 2018 à l’initiative de Tristan Choisel, auteur de théâtre et de chansons. Pourquoi ? Pour s’initier à l’écriture de formes brèves (nouvelles, saynètes…), pour perfectionner son style ou pour simplement explorer son potentiel créatif. Nous sommes sept à partager nos textes dans la bienveillance, un peu d’humour et toujours avec beaucoup de plaisir. L’association « L’Atelier de Solliès-Pont » abrite cette initiative et vous pouvez nous rejoindre si, comme nous, vous avez l’âme d’un écrivain amateur.

Ce blog est la mémoire de notre travail. Il sert à mettre en lumière quelques-uns de nos textes. Enfin, il permet de communiquer entre nous plus facilement.

dimanche 31 octobre 2021

Le pari

« Concentrez-vous d’abord sur votre respiration. »

Ma respiration ? Mais j’ai pas besoin de m’y concentrer dessus, elle se fait toute seule ! J’ai déjà bien assez de choses à penser sans y ajouter ma respiration ! Bizarre cette idée ! Comme ce type d’ailleurs, ce moine. Il a un look d’enfer avec sa robe bordeaux. Il est là, souriant, heureux, zen, il attend que ça passe. Et moi qui ne supporte pas de perdre mon temps ! Encore un qui fait pas grand-chose de sa vie. Je ne sais pas de quoi il vit d’ailleurs. Il doit pas avoir grand-chose sur son compte en banque.

« Inspirez ».

Quand Paul me lance un défi, je ne résiste pas. Mais là franchement je rame ! Et cette position du lotus, pas confortable du tout, j’ai mal partout et je commence à avoir des fourmis dans les pieds.

« Expirez ».

Deux, on est que deux mecs ! Encore un truc de nana ça ! Très jolie la blonde à côté d’ailleurs ! Beau sourire à la Mona Lisa. Je crois que j’ai fait une touche ! Et merde ! Voilà mon ventre qui gargouille. Pas très sexy tout ça. Si je pouvais péter discrètement aussi ça me ferait du bien. Bon, j’ai promis à Paul de tenir vingt minutes, c’est pas gagné !

« Maintenant que vous êtes bien détendus, nous allons faire ce que l’on appelle un “scan corporel ” ».





Consigne - Votre personnage (du trimestre) est dans une situation qui n'est pas habituelle pour lui, qui est nouvelle, lui fait perdre ses repères, etc.

Aliette

samedi 30 octobre 2021

Duncan

Il entre dans l’amphithéâtre et se dirige vers l’estrade, droit, altier, sûr de lui. Il porte un costume sur mesure de chez Tailor Trucks bleu marine en laine. Il est grand, élancé, un bel homme comme on en voit dans les magazines de mode, ces mannequins auxquels il s'identifie. Il monte sur l’estrade et dépose son attaché case Maxwell Scott en cuir sur le bureau et s'installe devant le pupitre debout face aux étudiants. Il passe la main dans ses cheveux blonds pour recadrer une mèche rebelle. Il jette un regard bleu métallique sur l'assemblée d’où s’élève un brouhaha de conversations entrecoupées de claquements de livres, cliquetis de stylos et froissements de feuilles. Sourire en coin, il étudie son public : en majorité jeunes, sans expérience. Il décide de la jouer décontracté avec une pointe d'humour. Ce sera parfait. Il a déjà donné plusieurs fois ce type de conférence et connaît bien son sujet : l'immobilier haut de gamme à Londres. Il a parcouru tous les recoins de l’immobilier, s’est formé sur le tas puis a gravi tous les échelons pour devenir directeur commercial de la plus prestigieuse agence de Londres : Luxury Estate. Il est au sommet de sa carrière. Son expérience et sa notoriété obtenues grâce à la réussite spectaculaire de sa société l’autorisent à intervenir dans plusieurs universités. Quelle ironie tout de même ! Lui qui n’a jamais obtenu de diplômes ! C’est d’ailleurs la raison pour laquelle il travaille son look, toujours parfaitement étudié pour impressionner. Incarner le succès. Il ne bouge pas, intensifie son regard. Il attend. Le silence s’installe. Enfin, il prend le micro et le tapote de ses doigts effilés et manucurés. « Bien, mesdames et messieurs, si vous le voulez bien nous allons commencer. »



 

 

Consigne : Portrait d’un personnage.


Aliette

mardi 26 octobre 2021

Poudre noire

Rien que des étincelles, plein de petites étoiles dans le ciel. Une éruption de bleu, de jaune, de rouge et des pétards à crever le ciel.
Il a dix-sept ans, il est au beau milieu d'un feu d'artifice. Ça pète de partout, c'est le bouquet final. Mais non, ça continue. Il se bouche les oreilles mais le bruit ça continue dans sa tête. Il ferme les yeux et ça pique aussi dans la gorge et dans son nez une odeur acide. Ça fuse de partout. Il se cramponne à son fusil Ce pays, c'est pas lui qui a décidé d'y aller. On ne lui a pas demandé s'il voulait le faire ce voyage. On l'a mis sur un paquebot à Marseille, il a traversé la mer. On ne lui a rien expliqué avant de partir. Il pensait juste que ce pays c'était un éternel été.
Un vertige, il croit voir une silhouette de fellagha dans la fumée qui avance vers lui. Il tire, encore et encore, il ne peut plus s'arrêter. Après, il n'ose plus bouger, ses jambes tremblent, il se jette à plat ventre. Il transpire.
Quand plus tard, il voudra raconter, il ne le pourra pas, sa gorge se nouera, il manquera d'air pour respirer. Et il sera devenu un homme explosif, qui se consumera de l'intérieur.




 
Consigne : le personnage du trimestre dans une situation déstabilisante.

Christiane


lundi 25 octobre 2021

Le rugby

C'est moi qui le lui ai proposé et maintenant voilà les conséquences !
J'ai voulu marquer un essai et dés le coup d'envoi, j'ai compris que c'était une erreur. Ce match, c'était mon idée, être côte à côte sur les gradins, pas besoin de parole. D'un coup d’œil, j'ai vu : sa mine, son mouvement du pied, ses bras qu'il croise, décroise.
Dès la mi-temps, au premier mot échangé, ça a été un désastre !
Incapable de me maîtriser, j'y suis allé au contact franco : "pas assez intéressant ce match ou peut-être tu aurai préféré y aller avec ton pote, c'est ça ?"
Lui, du tac au tac : "t'en as pas assez de t'embrouiller, même avec ton fils ? J'en ai assez que tu me mettes sur la touche comme un minable ! Tes conseils, ton mépris, je ne les supporte plus ! Mon jeu au tennis pas aussi fin que le tien, mes photos, il faut que tu les compares aux tiennes évidemment, mes lectures que des niaiseries, à toi les grands auteurs ! Même quand je t'ai présenté mes compagnes, il a fallu que tu en trouves des plus jeunes !
- Tu sais ce qu'elle a été ma jeunesse à moi ?"
Mais aller plus loin je ne l'ai pas pu, ma gorge s'est nouée, ma voix enrouée. Les mots n'ont plus d'importance.
Alors nous voilà encore retranchés dans une zone de silence.




 
Consigne : personnage du trimestre + son antagoniste


Christiane

 

mardi 19 octobre 2021

La question

Tourmentée, insatisfaite, je sors de l’église. Les voies du Seigneur sont réellement impénétrables. Les prières, les pèlerinages ne répondent toujours pas à ma question. Le mystère reste entier. J’ai le sentiment de me heurter à un mur. Je n’ai qu’une envie... y creuser un trou au burin et sculpter un troisième œil, celui de la connaissance, de la révélation.
« 200€ », m’a-t-elle annoncé au téléphone. « Vous n’aurez plus de doutes. Je vous dévoile l’avenir, avec précision. Il suffit de m’interroger. Je vous préviens, ma séance est limitée à quarante cinq minutes. L’état de voyance me fatigue au point de raccourcir ma vie à chaque fois. »
Une décision difficile à prendre. Consulter cette voyante me culpabilise en raison des risques encourus et de l’investissement. Dieu et l’église sont inefficaces mais gratuits. Cela dit, je n’ai qu’une seule question à lui poser. Une question obsédante qui me dévore à petit feu. Cette voyante y répondra rapidement... Tant pis pour les 200€ ! Je vais la consulter.
« Bonjour Madame. Je ne veux surtout pas abuser de votre temps pour ne pas impacter votre capital vie. Une seule question se pose. J’attends une réponse simple et direct. Consultez les astres et votre boule de cristal et dites moi, Madame, Suis-je mortelle ? »



 
 
Consigne: Le narrateur se rend chez une voyante 15l

Catherine

Le P sans respect

Piotr est sous le choc. Les dernières nouvelles de son père révèlent un pronostic vital engagé. La dernière crise cardiaque risque d'être fatale.
Piotr se souvient de ce jour décisif où il annonce à ses parents son départ et sa détermination. Ne plus jamais les revoir, sans autres précisions. Couper le cordon ombilical toxique et trouver le chemin de sa propre vie. Cela lui appartient, il n'a pas à se justifier. Il n'est plus revenu sur cette sentence.
Piotr n'a jamais aimé son prénom, issu d'une ridicule tradition familiale. Il le trouve aussi rugueux que son père Paul. Ce P initial sonne comme punition, paroisse, pénitence, pêchés, plainte, pouvoir, pleur, paresse, peur, peine, passé, piano, père... pas papa.
L'annonce de ce diagnostic le hante. Il ne peut pas le laisser mourir sans explications.
Il redoute ces mots en P, transformés en flèches fatales. Ils tournent en boucle dans sa tête. Ils fuseront seuls, sans phrase ni emphase. Il l'affrontera une dernière fois. Lui récitera le chapelet-mots pour les évacuer. Une catharsis, sa libération comme ultimes cadeaux à son père. Il comprendra, ou pas...


 

 

 

Consigne en 15 l : Reprendre notre personnage, le mettre en scène avec la personne de son entourage avec qui il a le plus de difficultés relationnelles

Catherine

jeudi 14 octobre 2021

La lettre égarée

- Cette lettre que je t'avais envoyée ?
- LA lettre ?
- Oui, cette lettre, ne fais pas l'idiot.
- Je ne vois pas de quoi tu parles.
- Pourquoi n'as tu jamais répondu ?
- Je vois que tu es toujours aussi compliqué.
- Je te demande pourquoi tu n'as jamais répondu ?
- Si seulement je savais de quoi tu parles ?
- Cette lettre qu'en as tu fait ?
- J'ai dû la lire bien sûr.
- Moi, j'attendais une réponse. Des années a attendre une réponse et toi, toujours pareil, là devant moi, toujours aussi désinvolte !
- T'as pas une cigarette ?
- Non.
- On peux aller boire un verre.
- Non !
- Faire un tour ? C'est bon pour les nerfs.
- Non ! Je peux attendre, j'ai tout mon temps, depuis le temps que j'attends.
- Mais attendre jusqu'à quand ? Et attendre quoi au juste ? Je te le répète, je ne sais pas de quoi tu parles ?
- L'Art de l'esquive ! Tout toi !
- Ça suffit pour aujourd'hui !




Consigne : dialogue : l'un revient sur une stupidité commise par l'autre.


Christiane

mercredi 13 octobre 2021

Lucien

Le ciel est triste, le mistral souffle en rafales et commence le grand nettoyage des nuages d’automne. Lucien hésite. La foule derrière lui murmure doucement puis le silence s’installe. Il regarde ses mains rugueuses de travailleur, lève des yeux mouillés de larmes et met sa grande carcasse en branle pour suivre le corbillard. Il a trente-sept ans, la force de l’âge. La vie ne l’a pourtant pas épargné jusque-là mais il s’est construit seul et se croyait fort, invulnérable. Né d’un amour impossible entre un propriétaire terrien et une fille de ferme, il a subi la méchanceté des gens et les moqueries de ses camarades de classe très tôt dans son enfance. Cela a forgé son caractère de battant. Petit garçon têtu et batailleur mais aussi vif et intelligent, il a réussi brillamment son certificat d’étude et obtenu son Brevet. Sa carrière professionnelle commencée en bas de l’échelle l’a mené à force de travail et de persévérance à un poste d’agent de maîtrise aux Ciments Lafarge. Il avance d’un pas hésitant, la tête basse. La mort de sa femme l’a aplati, vouté, recroquevillé. C’est arrivé si vite ! Par moments, il se raccroche à l’idée que tout ceci n’est qu’un cauchemar mais la réalité le rattrape. La réalité, c’est quatre enfants en bas âge qu’il va falloir élever seul. Il a peur, il a froid, le poids de ses responsabilités l’écrase et son chagrin est immense. Comment va-t-il s’en sortir ?








Consigne : 15 lignes utiliser un personnage déjà décrit dans une dernière nouvelle ou reprendre un personnage et le présenter. Faire un portrait. Expliquer sa singularité.


Aliette

jeudi 7 octobre 2021

Première rencontre

Piotr se reproche sa négligence. Il avait mesuré sa fragilité, dès leur première rencontre. Ondine avait prononcé son prénom, comme un poème, une évidence. Il avait fermé les yeux pour imaginer son être invisible, se remettant à la clairvoyance des aveugles. Ondine s'offrait aux capteurs, silencieuse. Un modèle vivant face à l'artiste, elle se laissait absorber. Elle avait l'habitude de cette atmosphère, mais cette fois les rôles étaient inversés, elle n'était pas dans son atelier, pinceaux en mains. 
Une première rencontre étrange où les mots sont superflus. Deux âmes se rencontrent et manifestent un désir muet de se connaître. Une approche commune, ils sont sur la même longueur d'ondes. Ondine, Piotr. Un aller-retour d'imaginaires entremêlés de projections, de désirs, de constructions, sans limite ! 
Un jeu riche mais risqué. 
Piotr avait ressenti sa fragilité, Ondine, sa force... Des aimants ne pouvant que s'attirer ! L'alchimie se chargerait du futur. Ils ignoraient où cette histoire d'amour les conduirait. Allaient-ils s'enrichir ou se détruire ? Aujourd'hui, il connaît la réponse. Les ambulanciers ne vont plus tarder. Le diagnostic du psychiatre est sans équivoque. Les troubles de la personnalité d’Ondine sont la conséquence de grandes souffrances accumulées. L’éloignement du conjoint s’impose.




 
Consigne : Reprendre notre personnage, le mettre en scène avec un autre personnage, privilégié et important. 15L

Catherine

mardi 5 octobre 2021

Un étudiant

Je le vois entrer et s'assoir dans cet amphi parmi les étudiants. Je le remarque alors, bien évidemment à son âge qui tranche dans ce public juvénile. Un homme dans la cinquantaine. Mais c'est son allure tranquille et déterminée qui m'impressionne. Il écoute avec avidité, presque recueillement la prof de Littérature contemporaine.
Que vient chercher cet homme, ici, dans le milieu de son âge déjà ?
Je sais qu'une rencontre va avoir lieu, non pas d'ordre amoureux, mais d'une autre sorte.
Il est d'une sobre et classique élégance : chemise blanche et jean foncé. Cheveux déjà blancs et courts. De son regard des vibrations bleues et acérées m'atteignent. Une énergie fantastique s'en dégage.
Pourtant une sourde inquiétude affleure.


 

 

 

Consigne : portrait d'un personnage.


Christiane