Présentation

L’Atelier d’écriture de Solliès-Pont a commencé en septembre 2018 à l’initiative de Tristan Choisel, auteur de théâtre et de chansons. Pourquoi ? Pour s’initier à l’écriture de formes brèves (nouvelles, saynètes…), pour perfectionner son style ou pour simplement explorer son potentiel créatif. Nous sommes sept à partager nos textes dans la bienveillance, un peu d’humour et toujours avec beaucoup de plaisir. L’association « L’Atelier de Solliès-Pont » abrite cette initiative et vous pouvez nous rejoindre si, comme nous, vous avez l’âme d’un écrivain amateur.

Ce blog est la mémoire de notre travail. Il sert à mettre en lumière quelques-uns de nos textes. Enfin, il permet de communiquer entre nous plus facilement.

mardi 9 août 2022

De l'eau de là

Chère maman,



C’est le tour maintenant de ta salle de bains. Tout doit disparaître puisque tu as ouvert le bal en disparaissant il y a six mois. Nous avons préféré laisser un peu de repos à ton appartement avant de le vider de toi et puis il a été vendu, alors il faut bien se décider à tout emballer, donner, jeter…

Je pousse avec émotion la porte de ta salle de bains orange et brillante. Elle semble t’attendre. Tout est posé à sa place, rien n’a bougé. L’air est empli de souvenirs et de parfums bien vivants.

Je me souviens... Ta salle de bains a subi des transformations au fur et à mesure que tes années s’empilaient. Ta baignoire a dû laisser sa place à une douche sécurisée. Tu y baignais avec délice tes petits enfants en vacances. Puis la baignoire était devenue dangereuse pour toi, malgré ta souplesse légendaire. Quelques années après les premiers travaux, tu prenais ta douche sur un fauteuil de jardin pour avoir moins le tournis pendant la toilette. Le fauteuil vert est toujours dans la douche.

Là, sagement, un gant, des serviettes, un déambulateur, un shampoing, un savon, des flacons de parfum vides ou à moitié vides. Ton préféré, Tendre Poison de Dior et l’eau de Cologne Roger Gallet qui te servait aussi de démaquillant… « Cela nettoie très bien la peau, insistais-tu... » Une de tes nombreuses fantaisies… C’était finalement de bonnes recettes car ta peau était si douce. Élimée, usée par les années, juste pour donner le plus profond de toi. Un velouté, tout en délicatesse. Un ravissement pour ta descendance qui ne se lassait pas de tes caresses. Toute une vie pour obtenir ce résultat.

En vrai, tout va disparaître dans ton appartement… mais en fait j’aime à penser que rien ne disparaîtra dans nos mémoires et pour longtemps !



 
 
 
 
Consigne : en 15l un thème sur la salle de bains

Catherine

mardi 2 août 2022

Là bas

 « Là bas, j’avais un petit bar avec la télé, je préparais le thé, le soir les gens se réunissaient pour la regarder, ils pouvaient dormir ici et repartaient le lendemain.
Ils m’ont dit : -«  on parle trop chez toi, on parle politique, tu le ferme ce bar sinon on reviendra. »
La milice est revenue alors je suis parti.
- « Ils t’ont menacé de quoi précisément ?
- Comment étaient ils habillés exactement ?
- Des uniformes, des turbans ?
- Et avant ça, tu faisais quoi dans ton pays ?
Je bafouille : chercheur d’or, c’était dangereux. »
J’ai la bouche sèche, j’ai pas dormi, je tremble même si ça ne se voit pas.
Je réponds : « ils avaient des uniformes. »
A cet instant précis je sais que c’est foutu, ce pays m’ a offert l’asile depuis quatre ans.
Et là, à l’audience de la C N D A, j’explique mon histoire au juge, je l’ai raconté tellement de fois. Là, je ne sais plus vraiment ce que je dis. Mes paroles sortent toutes seules de ma bouche. Au regard défait de mon avocat je comprends que c’est fichu.
 En quelques mots, j’ai tout perdu.
Je  te raconte comment ça s’est passé, après je pars. »
Son histoire, écoute la, une dernière fois pour qu’elle ne soit pas perdue,  pour que sa vie ne s’évapore pas .

                                                                      ****
Moussa quitte le Nord Soudan, il rassemble toute ses forces, s’arrache à sa mère, ses soeurs pour toujours. Il traverse la solitude du désert, des jours et des nuits.
En Libye, livré aux passeurs , Moussa est emprisonné.  
Le soir ses gardiens viennent discuter, ils allument une cigarette, puis une autre et encore une autre. Par terre, dans le plein soleil, des bidons d’essence chauffent. Lui, son souffle s’arrête ! Respirer, il n’ose plus.
Un jour de transfert de prisonniers, enfin il s’évade.
 L’Europe ! Il ne savait pas que la mer était aussi vaste !
La France, il débarque, on le met dans un train pour L’Italie.
- «  C’est un beau pays L’Italie » lui dit le policier  narquois qui l’embarque dans ce train. La langue, il ne la comprend pas, ce pays, il ne le connait pas.
Transbahuté, il est un paquet encombrant, un colis indésirable, un bagage abandonné. Il faudra s’en débarrasser bien vite.
Il finit par refranchir la frontière, passe par la case prison, puis un policier français ému va confier Moussa à une association humanitaire comme une mère confie son enfant à l’adoption.
Le Français, il va l’apprendre chaque jour, un mot après un autre, une phrase après une autre.
Il va se glisser dans ce pays, s’adapter à ses  coutumes et ses règles. Vivre seul, ne pas proposer le mariage à une femme déjà mariée, goûter  ses plats un peu fades, se résoudre au froid.
Moussa va se passionner pour le foot et le rap.
Il va tisser des liens d’amitié solides.
Sa peau  noire va se glisser dans les couleurs de ce pays d’accueil

                                                                     ***
Pourquoi s’est t -il recoupé durant ce recours ?
 A L’OFPRA, il avait dit « Ceux qui m’ont menacé, ils avaient des turbans »
Son statut de réfugié, il ne l obtiendra pas.
 Il ne pourra pas rester dans ce pays ni nulle part ailleurs en Europe.
On lui proposera un avion pour Khartoum à la confluence du Nil blanc et du Nil bleu.
Dans ce royaume de sable et de vent, sur la quatrième cataracte du Nil où régnaient les pharaons noirs de cette Nubie Soudanaise, il ne veut pas y retourner.
Il a 27 ans, sa jeunesse est passée, il part  pour une nouvelle errance.