Présentation

L’Atelier d’écriture de Solliès-Pont a commencé en septembre 2018 à l’initiative de Tristan Choisel, auteur de théâtre et de chansons. Pourquoi ? Pour s’initier à l’écriture de formes brèves (nouvelles, saynètes…), pour perfectionner son style ou pour simplement explorer son potentiel créatif. Nous sommes sept à partager nos textes dans la bienveillance, un peu d’humour et toujours avec beaucoup de plaisir. L’association « L’Atelier de Solliès-Pont » abrite cette initiative et vous pouvez nous rejoindre si, comme nous, vous avez l’âme d’un écrivain amateur.

Ce blog est la mémoire de notre travail. Il sert à mettre en lumière quelques-uns de nos textes. Enfin, il permet de communiquer entre nous plus facilement.

vendredi 28 octobre 2022

Bestiaire


Je n’y croyais pas à ces chèvres roses, ses ânes verts, ces oiseaux bleus, à ces violons sur le toit et ces mariés envolés dans le ciel violet. Que voulait nous dire ce monde où les personnages flottaient comme des cerfs volants ? Que le quotidien est merveilleux pourvu que l’on sache le regarder ? Que les anges veillent sur nous ? Que la vie est une fête ? Je ne réussissais pas à y participer. Ce n’était qu’un fabuleux décor de théâtre qui me laissait sur le seuil. Le rêve psychédélique de Chagall saturait mon regard. Ni ce bleu, ni ce rose ni ce mauve entrés par effraction ne me laissaient de respiration. Un univers mouvant sans ancrage, un peu désincarné figeait des visages mélancoliques comme sur des cartes à jouer, bref l’émotion n’était pas au rendez-vous.
Ces poissons volants ne faisaient pas voyager mon imaginaire comme Hannibal et ses éléphants ou Salomé auréolée de mystère, ou encore le Jardins des délices et La porte de l'enfer. Je préférais Virgile sur le fleuve de l’oubli, les ciels tourmentés de Turner et la mer mourant dans la mer, les sombres sabbats de Goya et encore la femme qui pleure devant Picasso. Sans doute ai-je le goût du drame ?


Consigne : incipit : Je n'y croyais pas

Atmosphère

Les feux de la fête ne s’éteignent jamais. Leurs nights sous les spots comme des stars, elles balancent chaloupent, tanguent. Se noient dans des gins, s’hallucinent, dansent, s’enlacent. S’éclatent dans le shit et le crac. Leurs cils s’écarquillent dans la nuit électro.
Elles rient, blaguent, zigzaguent. Puis sans plus savoir comment ça a commencé, un mot pour un autre, une phrase qui cloche, à moins que ce ne soit un regard, elle hésite maintenant. Puis comme un flash-back, c’est une baffe qui claque. En accéléré une autre et une autre. Etourdie, elle chancelle sur son axe, ça ne s’arrête plus ça crépite sur sa joue : clic et clac comme un Kodak. Puis sous un coup de poing sans doute l’arcade sourcilière saigne, le nez craque. Abattue, elle ne sait plus qui lui tire les tifs. Son top lacéré cède. Secouée comme dans un shaker, au bout de sa live à 5 heures du mat : One-two-three, elle ne sait plus combien lui sont tombés dessus. Ce qu’elle comprend, c’est qu’elle est sortie des sunlights.


Consigne : décrire une bagarre

 

mardi 25 octobre 2022

Te revoilà!


Sur mes genoux, une enveloppe à ouvrir. Un bout de papier à l’intérieur. Un simple bout de papier pour feuille de route. Je dois en prendre connaissance, je ne peux ni reculer ni le jeter. Mauvais pressentiment...

Je le lis et le relis. Oui, il s’agit bien de moi. Mon nom est correctement orthographié. Mais tous ces mots... Ils m’étaient inconnus et les voilà qui rejaillissent dix ans après. Je les connais par cœur, par peur. Froids, sans détours, ils m’indiquent le circuit qui m’attend, sans surprise ni concession. Plus besoin de médecin pour m’expliquer ces résultats...

Aurai-je la patience et l’endurance pour reprendre la lutte ? J’en appelle une nouvelle fois à St Paul et à cet hôpital St Paul pour me soigner, me protéger des souffrances et s’il le faut, me laisser en finir vite, si la partie est perdue d’avance.

Mes mains et mes genoux tremblent, le bout de papier s’agite. Puis je me souviens. Il est primordial de garder la tête froide, aussi froide que les mots du labo. Je ne suis pas seule à être embarquée dans cette aventure. Résister et puiser mes forces dans mon entourage. La détermination, l’endurcissement, l’amour, un aller-retour permanent pour bouées de sauvetage.

Je suis prête !


Consigne du 14/10/22: écrire une suite du texte de sa voisine de droite 15 mn

Catherine

jeudi 13 octobre 2022

Qui vivra verra!

L’effondrement ne s’annonce plus, il est là... palpable ! Des dangers nous cernent : ouragans ; feux ; guerres ; inondations ; virus ; sécheresses ; famines ; pollutions... Ce dérèglement climatique et humain génère toutes les formes de violence.

La prise de conscience de ces menaces se répand dans la population comme une traînée de poudre prête à exploser. Chaque famille se prépare au pire et cherche le moyen de se protéger. Chacun pour soi, puisque Dieu s’est fait la malle lui aussi.

Survivre, sauver sa peau coûte que coûte, une ritournelle devenue obsession commune.

Les uns construisent des abris anti-atomiques, armes et nourriture jusqu’aux dents. D’autres cherchent des îles désertes pour retrouver les gestes des premiers hommes et rester les derniers. Les plus riches, trop englués de luxe, construisent des tours de Babel en plein désert avec pistes de ski, jardins suspendus, grands espaces de divertissements et esclaves pour les servir.

L’inquiétude grandissante s’étale sur les réseaux sociaux et les médias…

Enfin, d’autres encore trouvent ces nouveaux modes de vie basés sur l’angoisse permanente un peu surdimensionnés. Ils optent pour le partage et la solidarité. Il est à regretter que leur nombre diminue au fil des ans. Seront-ils les survivants ?


Consigne: Une phrase à inclure : « C’est un peu surdimensionné » 15mn

Catherine

lundi 10 octobre 2022

Telle est la vie



Entre les Modernes et les Classiques, j’ai choisi mon camp, versus Moderne. Nota bene : il faut maîtriser son latin Madame, vous n’espérez pas vous en tirer à si bon compte ! ça, je ne l’avais pas prévu mais « La femme tombe 8 fois et toujours se relève ».
Alors je m’y mets chaque jour, je répète sans relâche.
« Rosa, rosa, rosam
Rosae, rosae, rosa
Rosae, rosa,  rosas
Rosarum, rosis, rosis ».
Je suis prête à sacrifier mes dimanches, j’y mets toute ma libido. Je peine, je peine et je répète ad libitum : rosa, rosa, rosis. Je fais mon maximum. La valse des déclinaisons tourne en ronde dans ma tête. La nuit, je me réveille en sueur, je vois des épines partout, on m’en couronne la tête ! Le jour de l’examen, j’étais pourtant au summum de ma forme. Je plonge illico dans le thème. Je n’en suis qu’à l’incipit quand je cogite pour rendre ma copie. N’y voyez aucune provocation, ni quiproquo, tout simplement, je n’y comprends rien ! Livide, mon ego en prend un coup !
Puis in extremis, contre toute attente, comme un rébus, les mots prennent leurs sens dans la phrase. Tout ce que je croyais perdu, revient. Manu militari, je noircis ma copie.
«  Telle est la vie, tomber 7 fois, se relever huit fois » comme dit l'énigmatique proverbe japonais.
C’est comme pour les premiers pas, le vélo, le ski, le permis de conduire, l’amour, les enfants, l’écriture. 
L'écriture parlons en : « Un texte drôle, de l’humour, de l’esprit et positif, positif surtout » dixit l'animateur de l'atelier "Plume".
Je rature, je rature, c’est navrant. On me dit « c’est encourageant ».

Christiane.

Texte écrit hors atelier

Consigne : quelque chose de positif arrive au personnage, alors qu’il ne l’espérait plus, ne l’attendait vraiment plus du tout, en avait fait son deuil.

samedi 8 octobre 2022

La pire version de moi-même


 
 
 
C’était un jour de grande lassitude. Avant que cette femme ne mette un pied dans le bureau, avant qu’elle ait prononcé un seul mot, déjà de la voir assise dans la salle d’attente, je l’ai haï, j’ai eu envie de la tuer. Une envie irrépressible, inexplicable. Bien sûr ça ne se fait pas de tuer les gens. Alors je l’ai blessée, salement blessée avec des mots cruels.
Un découragement immense ce jour là, cette croisade contre l’injustice, contre la pauvreté. La police des familles, c’est ça mon métier. Les pauvres ont peur de l’assistante sociale et ils ont raison.
Ce jour là, je n’en peux plus de les entendre : leur manque de fric, leurs problèmes de chômage, leurs gosses qui traînent, leur mec violent qu’elles ont peur de quitter, leurs petites magouilles pour  bouffer et ruser l’aide sociale. 
Pourtant, je les comprends toujours ceux qui n’y arrivent pas, ceux pour qui ça foire toujours dans la vie. C'est mon métier : écouter le malheur des autres. Mais aujourd’hui quand elle entre dans le bureau dans son jogging, ses tatouages dans le cou comme des cicatrices, cheveux décolorés et ongles écarlates, j’ai envie que ça saigne.
Je sais déjà qu’elle va encore une fois me raconter : l'expulsion, ses parents qui se sont lassés de l'aider, sa solitude... Alors, elle s'est  accrochée à ses jeux de grattage comme à une bouée de sauvetage mais elle a quand même coulée. C'est là qu'elle a pensé a s'ouvrir les veines.
Une envie de tout abandonner moi aussi me tombe sur les épaules, je pourrai me lever, quitter sur le champs ce bureau des lamentations.
Mais c'est une colère froide qui m’envahit. Cette femme va encore mettre en échec toutes mes propositions. L’empathie, la bienveillance, c’est une mode, de quand ça date ?  
Je taille dans le vif, je lui balance mon rapport au juge, je le lui lis tranquillement mon signalement pour la protection de l’enfance, je ne me racle pas la gorge, je ne bouge pas un cil.

Christiane.

Consigne : titre :" la pire version de moi même"

mardi 4 octobre 2022

L'espoir fait vivre !

Depuis des semaines, l’état de Pierre n’évolue pas. Son entourage se relaie à son chevet. Les uns lui lisent le journal, d’autres se saisissent de romans que Pierre aimait. Certains laissent le silence planer, en communion. Mais Pierre reste de marbre face aux uns et aux autres.

- Continuez, encore et encore, je vous entends, je vous ressens, je suis vivant ! Pense-t-il, emprisonné dans son corps.

Il s’accroche à ses pensées, seule preuve tangible de son état d’être. Il craint de s’endormir et de perdre au réveil le fil rouge de sa conscience. Depuis quelques jours, il s’imagine en séance de yoga. Il refait minutieusement la salutation au soleil, sa respiration calée à ses gestes précis et subtils. Peu à peu il ressent ses muscles se contracter. Puis arrive le moment de la relaxation. Il repère ses points d’appui dans ce lit devenu son ami inséparable. Il part du talon, remonte aux mollets, cuisses, bassin, colonne vertébrale, omoplates, épaules, dos de la tête. Sa respiration est profonde. Son ventre se gonfle, l’air écarte ensuite ses côtes puis soulève ses clavicules.

Des années de pratique lui permettaient de gonfler à l’extrême sa cage thoracique à l’inspiration et son nombril disparaissait, avalé par son bas ventre, à l’expiration. Cela surprenait toujours son entourage et il en était fier !

- Pierre, Pierre, je n’y crois pas, tu fais du yoga ?

Pour toute réponse Pierre bloque sa respiration.

- Mais alors... tu nous entends ?

Pierre expire et creuse son ventre.

- Oui, se dit-il, je suis encore là, bien vivant avec vous et bientôt je vous parlerai. Laissez moi encore un peu de temps, j’arrive !

Consigne: Quelque chose de positif arrive au personnage, alors qu'il ne l'espérait vraiment plus, n'y croyait plus du tout, en avait fait son deuil.

Catherine

dimanche 2 octobre 2022

Ange

Ange a trois passions.
Ce qu’il aime, c’est regarder les nuages, inlassablement, les fabuleux nuages qui passent et jamais ne s’arrêtent. Il plane. Enfant déjà, en léger décalage, quand le maitre l’envoyait au tableau il tombait des nues et toujours déçu par les mauvaises notes
Aujourd’hui encore quand ses amis lui proposent une sortie. Il choisit toujours un pique nique. Au moment de la partie de pétanque, lui sait qu’il va s’éclipser pour aller s’allonger à l’ombre et son regard s’absorbe vers les nuages. Un voyage au long court.
Curieusement pour un homme si placide, Ange adore aussi le Kitesurf, ce sport si grisant, yeux embués par les embruns, visage fouetté par le vent, un gout de sel sur les lèvres, il s’évertue à s’envoyer en l’air.
Il s’élance, au dessus de l’existence sous son aile vigoureuse et gonflée. Et enfin, sa gourmandise ultime : les meringues, onctueuses et moelleuses.
Lorsque la neige sucrée fond sur sa langue, il est au paradis. Le déranger serait sacrilège. Radieux il plonge avec délice dans le moelleux gâteau. Le temps se suspend pour l’éternité.

 
 
Christiane. 
 

fiction de 15 l dont le personnage a trois passions.

Nassa

 "Vous vouliez me dire quelque chose ?"

Interloqué, l’homme dévisagea son interlocuteur : le visage grave, les traits tirés et un léger haussement de sourcils trahissait son inquiétude. 

Leurs routes s’étaient croisées au Kenya et se rejoignaient à présent en France. Il reconnut le jeune Nassa.

Ce dernier était enfant à l'époque et n’avait pas pu élucider ce que ce français d'âge mûr, avec des tâches brunâtres sur la peau, voulait lui transmettre comme message. Il avait seulement pressenti que c’était important. 

Voici qu’il était parvenu à retrouver cet étranger après ce long voyage et maitrisait à présent suffisamment la langue pour désobstruer le dialogue entre eux. Depuis qu’il avait appris à formuler sa question, il la murmurait partout sur son passage, pour qu’ainsi cette prière se fraye un chemin jusqu’aux bonnes oreilles : "vous vouliez me dire quelque chose ? Vous vouliez...". 

Une réponse à cette prière fut enfin émise quand le français lui répondit : "ce jour-là, je te disais que je te retrouverai le jour de tes 25 ans, pour te transmettre le message de ta mère. Personne n’a pu me traduire dans ta langue, mais je voulais que tu déduises par mes gestes et mon corps que je te promettais de nous retrouver."

Le jeune homme n’avait pas l’âge demandé par la mère, mais le voyage l’avait changé.

Le français parla, le temps rétrograda et le drame familial de ce petit village, durant cette nuit lugubre aux ombres vacillantes, emplit les esprits de ceux qui avaient été concernés.

Consigne en 15 lignes (1400 car. espaces compris) : une fiction commençant par : "Vous vouliez me dire quelque chose ?" : narration avec ou sans dialogue - ou bien dialogue strict entre deux personnages - au choix.

samedi 1 octobre 2022

Légume


Cela se confirme, je ne dors pas, ce n’est pas un cauchemar. Si je ne parviens pas à me réveiller, c’est que je le suis déjà. Je n’arrive pas à ouvrir les yeux, ni même à bouger le petit doigt. J’entends des murmures, des voix étranglées de chagrin. Je n’arrive pas à les reconnaître mais je sais qu’elles me sont familières. J’entends des bips, comme dans les séries tournées à l’hôpital. Je fais des efforts pour me souvenir. Je me demande bien ce que je fais là, il me semble que j’étais en bonne santé…Une voix plus forte m’interpelle. Est-elle féminine ou masculine ? Je n’arrive pas à le déterminer. J’aperçois au loin une lueur. J’ai l’impression que ma paupière a été soulevée mais je n’en suis pas sûr. Je voudrais parler mais les mots restent bloquer comme dans ce satané cauchemar qui m’obsède. Cette fois, la réalité me rattrape. Je réalise que je suis hospitalisé.

Visiblement mon état est critique puisque je suis un légume. Est-ce que je respire seul ou m’ont-ils branché à un respirateur ? Je n’ai pas la sensation d’avoir la bouche encombrée, à moins qu’ils aient pratiqué à une trachéotomie...

En tout cas, mon cerveau conserve une certaine conscience, un signe positif dans cet état de décrépitude.

J’ai peur de rester en légume tournant dans sa tête. Un cercle vicieux, un manège auquel je devrais m’habituer... Vivre ainsi ou mourir ? Ni l’un ni l’autre, je ne me sens pas encore tout à fait prêt.


Consigne: dernière phrase : Je ne me sens pas encore tout à fait prêt 15l

Catherine

Où suis-je?

Vous voulez me dire quelque chose et vous hésitez... Je vous entends, là, près de moi, mes amis, ma famille. Vous me murmurez de sublimes ultimes messages pour m’accompagner et soulager votre angoisse. Une angoisse alimentée par la peur de me perdre. Une mayonnaise salée-sucrée, voire même pimentée...

Moi aussi je rêve de vous dire quelque chose. J’ai même envie de hurler mais je reste muet, les mots enfermés derrière les barreaux de mes dents.

Libérez les mots ! Voilà ce que m’assénait mon psychanalyste. S’attacher le verbe en trousseau de clés pour ouvrir le chemin de la compréhension ou de l’acceptation. Un trousseau encombré par un fouillis de clés ! Elles s’entrechoquent et se mélangent, les petites, les rouillées, les édentées avec les énormes, celles qui ouvrent les portes des châteaux ou du paradis… Je les ai toutes essayées. Ma préférence ? La clé des songes. La plus mystérieuse et la plus volatile... Un art moderne à l’état pur. Une juxtaposition improbable d’éléments abscons, révélateurs de mon être profond.

Et j’en suis encore là, prisonnier de mes mots.

Est-ce un rêve ou mes derniers instants ? J’oscille, j’hésite. Je l’ignore...


Consigne: Commencer le texte par : Vous voulez me dire quelque chose en 15l

Catherine