Je n’y croyais pas à ces chèvres roses, ses ânes verts, ces oiseaux bleus, à ces violons sur le toit et ces mariés envolés dans le ciel violet. Que voulait nous dire ce monde où les personnages flottaient comme des cerfs volants ? Que le quotidien est merveilleux pourvu que l’on sache le regarder ? Que les anges veillent sur nous ? Que la vie est une fête ? Je ne réussissais pas à y participer. Ce n’était qu’un fabuleux décor de théâtre qui me laissait sur le seuil. Le rêve psychédélique de Chagall saturait mon regard. Ni ce bleu, ni ce rose ni ce mauve entrés par effraction ne me laissaient de respiration. Un univers mouvant sans ancrage, un peu désincarné figeait des visages mélancoliques comme sur des cartes à jouer, bref l’émotion n’était pas au rendez-vous.
Ces poissons volants ne faisaient pas voyager mon imaginaire comme Hannibal et ses éléphants ou Salomé auréolée de mystère, ou encore le Jardins des délices et La porte de l'enfer. Je préférais Virgile sur le fleuve de l’oubli, les ciels tourmentés de Turner et la mer mourant dans la mer, les sombres sabbats de Goya et encore la femme qui pleure devant Picasso. Sans doute ai-je le goût du drame ?
Consigne : incipit : Je n'y croyais pas