Bien que cette rue ne ressemble plus à celle de mon enfance, elle restera toujours pour moi un lieu auquel on s'attache.
Je me revois enfant, jouant avec les copines et les copains de mon âge ; dans cette rue, habitait une dame âgée toujours vêtue de noir avec, été comme hiver, un fichu sur sa tête et toujours portant un grand sac sur son dos (qu'on appelle dans le midi une bourriche) ; les copains l'avaient surnommée la sorcière ; pourquoi ?
Le soir, dans mon lit, j'imaginais son habitation : une salle éclairée par des bougies, avec des rats, de grosses araignées tissant leur toile aux quatre coins du mur, des serpents, des hiboux, des sacs remplis d'herbes de toutes sortes, et des tas de flacons portant le nom de la mixture et puis dans une grande cheminée un immense chaudron où infusaient des tas de plantes... (je revois dans mon imagination le film de Blanche Neige où la méchante belle mère trempait la pomme dans une potion empoisonnée).
Quand je devais passer, seule, devant chez elle je courrais le plus vite possible comme si la pauvre femme allait me sauter dessus.
Un jour, ce qui devait arriva, je trébuchai juste devant sa fenêtre ; aussitôt la voilà qui sort de chez elle, je panique, je tremble de peur mais j'essaie de ne pas le montrer ; elle s'approche de moi et gentiment me sourit et me dit : viens entre, je vais te soigner tu as une belle écorchure
Je me voyais déjà changée en rat, lapin ou je ne sais quoi...
Elle me prend par la main et me fait entrer dans sa maison, et là : pas de hiboux, pas de rats, pas de serpents, pas d'araignées et surtout pas de chaudron.
La pièce est bien éclairée, très propre, elle me fait asseoir et m'offre un petit gâteau, sort des pansements et avec délicatesse soigne mon écorchure.
- Comment t'appelles tu ?
- Claude.
- Moi, c'est Louise pourquoi courrais tu si vite ?
- Je devais faire une course pour ma maman.
Louise me sourit et me tend à nouveau un petit gâteau après m'avoir soignée et mis un pansement.
Je la remercie bien gentiment et lui dit au revoir.
- Tu sais, tu peux revenir me voir quand tu veux.