« Vous
n’avez pas rêvé vous, un jour, de tout plaquer ? » Et bien, moi j’ai
fini par le faire. C’était une question de survie. Bien évidemment, j’ai attendu
que les enfants grandissent. Je n’allais tout de même pas les abandonner sur le
trottoir, encore moins dans une poubelle… J’ai attendu ma retraite aussi, vous
ne croyez pas que j’allais tout laisser à l’état. Donc j’ai quitté cette vie
terne, j’ai laissé les Hommes se dépatouiller avec leurs pulsions, de toute façon, je n’y
pouvais rien contre leur guerre.
J’avais
repéré une cabane de pierres sèches dans l’alpage, abandonnée, j’ai pensé que
c’était étrange… Un si bel endroit. Juste le bruit de la source, des oiseaux,
le cri des marmottes dans les derniers rayons du soleil couchant. Le soir, un
feu dans la cheminée, un livre pour les jours de pluie, un carnet pour écrire
les couleurs du ciel. Un jardin potager et les bûches à aller couper pour
l’hiver.
Après
avoir disposé quelques affaires, je réchauffe la cabane avec ce premier feu de bois. D’abord le poêle crache une fumée épaisse, difficile à dissiper. J’ai
la sale impression qu’il me résiste. Enfin une fois lancé, les étincelles pétillent. Puis les bûches arrêtent de se consumer, comme immobiles. La
flamme est vive, les lueurs intenses mais la bûche reste intacte. Je finis par
m’endormir dans un vieux fauteuil hypnotisé par le brasier. Au matin, le foyer est toujours aussi
vivace. Je réprime une folle pulsion d'ouvrir le poêle pour essayer d’étouffer
le feu.
Je quitte la cabane, je redescends un
peu vers la forêt, ma hache dans la brouette, faire provision de nouvelles
bûches. Dés la première cognée, je suis
arrêté par un bruit sourd. Je relève la tête, un chevreuil frotte ses bois contre le tronc d’un
arbre. Ses bois se détachent et tombent dans le feuillage. Saisi je regarde, inerte, l'animal disparaitre.
Je me remets finalement à la tâche et je sens une goutte, puis deux, trois tomber sur ma nuque. Je lève les yeux et je vois l'arbre pleurer, les larmes se
mettent à couler une à une. Pour chaque larme tombée, une feuille se froisse, se dessèche aussitôt les larmes tombées. L’arbre se métamorphose.
Christiane.
Consigne : Une histoire qui se termine en forêt