Présentation

L’Atelier d’écriture de Solliès-Pont a commencé en septembre 2018 à l’initiative de Tristan Choisel, auteur de théâtre et de chansons. Pourquoi ? Pour s’initier à l’écriture de formes brèves (nouvelles, saynètes…), pour perfectionner son style ou pour simplement explorer son potentiel créatif. Nous sommes sept à partager nos textes dans la bienveillance, un peu d’humour et toujours avec beaucoup de plaisir. L’association « L’Atelier de Solliès-Pont » abrite cette initiative et vous pouvez nous rejoindre si, comme nous, vous avez l’âme d’un écrivain amateur.

Ce blog est la mémoire de notre travail. Il sert à mettre en lumière quelques-uns de nos textes. Enfin, il permet de communiquer entre nous plus facilement.

dimanche 30 janvier 2022

Eau dormante

Sous un grand chapeau de paille aux heures d’été, elle cultivait ses roses. Certaines fois, gantées de blanc elle en faisait un bouquet pour la voisine.
Le soir, à grande eau, elle rafraîchissait la terrasse de la canicule de l’après midi. Bien souvent, l’eau coulait, coulait, ruisselait, son clapotis devait lui tenir compagnie. Elle faisait couler l’eau sur son corps aussi. De grandes flaques se formaient et l’eau coulait…
A certaines heures de l’automne, elle ramassait de pleines brassées de feuilles rousses sous le grand platane, souvent pour les oublier et partir dans d’interminables promenades d’où elle revenait exaltée. Où allait elle ? On ne le savait jamais.
Quelquefois, elle s’asseyait sur le bord du grand bassin, elle regardait les poissons rouges et restait longtemps, longtemps à regarder l’eau dormante. A quoi pensait-elle ? On ne pouvait rien en savoir.
Puis elle se mettait a leur chanter des refrains anciens.
On essayait alors de lui proposer une occupation ou une conversation qui la détournerait un instant de cet état d’indolence. Mais cela pouvait déclencher des colères insupportables.
Lorsque l’heure du goûter arrivait, elle pouvait appeler ses filles, les faire assoir sur la margelle du puits et peigner leurs longs cheveux inlassablement sans tenir compte de l’impatience des enfants.
Il arrivait qu’une lassitude infinie s’empare d’elle et tout compte fait, on préférait encore cet accablement aux exaltations épuisantes.





Consigne : texte dramatique dans le lieu décrit précédemment.

Christiane


Approximativement

Oublie le monde qui t’entoure un instant et suis moi dans mes déambulations poétiques.
Je pourrais te conter une balade onirique dans les grands buis sombres.
Peut-être préfèrerais-tu une flânerie amoureuse sous les lilas mauves ?
Je pourrais imaginer aussi une histoire vénéneuse, les enfants cueilleraient des fleurs sauvages et maléfiques.
Ils en feraient des potions et l’on pourrait en mourir.
Dans le grand bassin aux poissons rouges, ils pourraient se livrer à des jeux cruels comme les aiment les enfants. Des drames pourraient s’y dérouler.
Une autre fois, un souffle pourrait animer le sourire énigmatique de l’Apollon de pierre, dans de longs soupirs, il te poserait d’insolubles énigmes.
Comme dans une vision cauchemardesque, les fourmis rouges te dévoreraient les mains. Mais ça, ça ne risque pas d’arriver, la science fiction me fait horreur.
A la nuit, pourquoi pas alors, un conte où les crapauds se transformeraient en princes et les grenouilles en princesses ?
Les hannetons dorés se métamorphoseraient en broches d’or et de jade.
Toutefois si tu es un lecteur qui n’aime pas s’en laisser conter, dans ce cas, je pourrais privilégier une chronique naturaliste. Au fil des saisons, je pourrais y dérouler les travaux, les jours, et les peines : les dos courbaturés par la cueillette des olives et la taille de la vigne. Les pieds embourbés par les pluies des vendanges. Les herbes folles a éradiquer, les champs a labourer et ce labeur toujours recommencé.
Mais je sens que ça ne te fait pas rêver longtemps.
Peut-être si on parlait de permaculture alors on glisserait vers le récit politique et tu pourrais te passionner.
Allons revenons aux sortilèges des lieux.
Le jardin pourrait renfermer de lourds secrets au coeur de ses dédales.
Je pourrais y ajouter un labyrinthe de miscanthus, sans fin, tu en chercherais l’issue au creux de ses arabesques végétales. Ces spirales te plongeraient dans une profonde inquiétude.
Je vois que tu aimes la perversité, hein ? Je le vois bien. Alors on pourrait y commettre un meurtre dans ce jardin, un jardinier assassin pourrait faire disparaitre discrètement le cadavre sous les roses ou dans le puits, c’est comme vous voulez.
Glisser dans la folie sous les charmilles, les jours de grande morosité, s’absorber dans le miroir du bassin et y disparaitre.
Le moment est peut-être venu de sortir de ces pas perdus pour trouver ton chemin.

 

 

 

Consigne : dans le lieu décrit précédemment, avec pour titre "approximativement"

Christiane

samedi 22 janvier 2022

Retournement

Humiliée, trahie par son époux, Ondine se redresse. Le combat ne fait que commencer, le gong a sonné.

Pour la convocation :

Premier round : Se préparer mentalement : se montrer forte, déterminée, calme. Important : susciter l’empathie, la compassion et le besoin de protéger.

Deuxième round : Se préparer physiquement : prendre rendez-vous chez le coiffeur et l’esthéticienne. Maîtriser sa respiration et maintenir une posture droite. Acheter un robe un peu ample pour cacher Fœtus-Fantine. L’enrouler bien serrée autour de la taille en maintenant sa bouche sur le nombril, c’est essentiel à son développement. Mener à terme sa grossesse demeure sa priorité.

Ondine met en œuvre ses résolutions. Elle se regarde dans le miroir et s’étonne de son image. Elle découvre une nouvelle personne. Elle en impose, se trouve belle, prête à affronter sa direction.

Forte de ces changements, confiante, elle se rend à la convocation dès le lendemain matin. Mme Duchemin, responsable des auxiliaires de vie l’attend.

- Bonjour Madame Duchemin, comment allez vous ? Vous avez une bonne nouvelle à m’annoncer ?

Sa directrice marque un temps d’arrêt. Elle ne reconnaît pas Ondine. Elle est déstabilisée par cette arrivée, elle ne s’y attendait pas. Ondine, si fragile, repliée sur elle-même, comme l’a décrite son mari, s’est transformée en mannequin. Sa chevelure rousse étincelle, ses yeux verts sont vifs et transperçant.

Mme Duchemin est prise de court.

- Bonjour Ondine ! J’ai souhaité vous rencontrer suite à la visite inattendue de votre époux. Il ne vous en a pas parlé ?

- Ah ! Mon mari est venu vous voir ? Il ne m’a rien dit mais cela ne m’étonne qu’à moitié. Il ne va pas bien du tout en ce moment. C’était pour quoi ?

- C’est délicat. Je ne voudrais pas m’immiscer dans votre intimité. Mais les raisons qu’il invoquait pouvaient avoir des répercussions sur votre travail. Il est important que votre activité auprès de nos personnes âgées soit exercée dans un climat paisible, ils sont si fragiles. J’ai préféré vous convoquer pour éclaircir cette situation.

- Vous savez Mme Duchemin, je suis très attachée à mes petits vieux et j’en prends bien soin, vous n’avez qu’à les interroger.

- Il n’en n’est pas question, je veux les laisser en dehors de ça.

- Mais enfin, de quoi s’agit-il ?

- Ne tournons plus autour du pot. J’ai donc été informée de votre avortement. Vous ne le souhaitiez pas. Il paraît que vous avez fabriqué une poupée de chiffon que vous appelez Fantine et vous espérez poursuivre une grossesse imaginaire, voilà.

- Oh, je suis choquée ! Il a osé, il est devenu complètement fou. Cela devient grave. Ce n’est pas du tout la réalité. Mon mari depuis des années souhaite avoir un deuxième enfant. Je n’en voulais pas. J’ai trouvé mon équilibre avec mon Petit Paul, un enfant adorable et mon travail qui me comble. J’ai donc décidé d’avorter, sans son consentement et il ne l’a pas accepté. Depuis, il perd les pédales. C’est lui qui s’est inventé cette poupée Fantine. Il veut me nuire et se venge en vous racontant toutes ses salades en étalant, sur la place, notre vie privée.

- Ondine, je suis désolée. Vous paraissez aussi sincère que lui. Je ne sais plus quoi penser. Votre époux était embarrassé et semblait s’inquiéter pour vous. Il n’était pas en colère, je vous assure. Non, ne pleurez pas, je vous en prie. Je ne voudrais pas aggraver cette situation particulièrement délicate. Votre intimité ne me concerne pas. Aussi, je vous demande de reprendre votre travail sans évoquer ces questions avec nos patients. Ils ont suffisamment de difficultés dans leur vie au quotidien et vous êtes là pour les aider et non pour parler de vos tracas conjugaux.

- Merci Mme Duchemin. J’ai honte devant vous. Je ne sais plus comment me sortir de cette histoire. Il m’inquiète. Je finis par en avoir peur, pour mon fils aussi. « Papa est bizarre » voilà ce qu’il me dit chaque jour.

- Arrêtons, là. Reprenez votre travail. Je ne veux plus rien entendre de plus. Au revoir Ondine.

Fin du troisième round

Les prochains se passeront sur le ring avec Piotr. Il l’a bien cherché. C’est plus fort que lui, il ne peut qu’être intrusif. Là, il a dépassé les bornes en s’introduisant dans le milieu professionnel en faisant, à son tour, un bébé dans le dos.

Nous verrons qui gagnera le combat de l’arroseur arrosé.

 
 
 
 
 
Consigne libre en 45l 
Catherine

lundi 3 janvier 2022

Touchée, coulée !

Poucette dort. Lovée dans une coquille de noix, elle vogue au milieu de l'océan, bercée par un léger roulis. Maudite par une mauvaise fée et abandonnée des hommes elle ignore tout des dangers. L'innocence au fil de l'eau. Le vent-géant, intrigué par cette minuscule fillette se lève brutalement en dépliant ses ailes. Tourmentées, les vagues se sentent agressées et provoquent à leur tour la houle.
Des gouttes d'écume réveillent Poucette. Elle déguste avec plaisir ce rafraîchissement au goût salé. Elle ne sait qui remercier. L’océan, le vent, les vagues, la houle ? Elle se contente de leur sourire. Mais cette extase offusque les éléments naturels qui se déchaînent... Leur colère menace la frêle embarcation. La coquille de noix prend l’eau. Ravie, Poucette se baigne et tapote des pieds en éclaboussant à son tour l'océan. Ce n'est pas du goût des vagues. Elles n'aiment pas se faire arroser.
- Eh ! Petite ! Pour qui te prends-tu ? Ce n'est pas l'heure de barboter ! Tu es en danger. Il ne tient qu'à nous de te renverser et t'envoyer aux abysses. Tu ne pourras plus respirer et les poissons n'auront qu'à ouvrir leurs bouches pour te gober !
- Qui me parle ? Quel est ce chant ? Cette voix mélodieuse ! Que me dites vous ?
- Nous sommes les vagues, le vent-géant et la houle. Nous pouvons te noyer pour ton impertinence et ton irrespect. De plus, tu t’obstines dans ta béatitude !
- Je suis touchée par votre mise en garde. Je ne voulais pas vous offenser, je ne fais que m'amuser.
- Touchée ? Coulée ! Voilà ce qui arrive aux innocents.




 
Consigne en 15l - titre : Toucher Couler

Catherine

Touché, coulé

L’apéritif se termine. Carla et Diego, nos nouveaux voisins, se sont montrés vifs et plein d’humour. Cette petite réunion entre amis commence bien. Nous sommes tous les quatre soulagés de leurs mines sympathiques et impatients de mieux les connaître. Nous passons à table, tous un peu éméchés. C’est alors que Diego lance un « Carla, tu pourrais donner un coup de main à Rosita tout de même ! » La voix est dure, cela nous surprend tous mais Carla s’exécute sans rien dire. L’entrée suit avec un « De toute façon, Carla ne comprend rien à la mécanique ! » Même voix dure. Luis, notre voisin et désormais ami, un peu ivre, ajoute bêtement : « Touché ! » Carla rougit mais reste silencieuse. Pablo, en bon maître de maison, propose de reprendre un peu de vin. Pendant le plat de résistance, Diego lance : « Carla ne sait absolument rien faire de ses dix doigts ! » Luis, complètement ivre s’écrit : Touché ! » Carla, furieuse, murmure entre ses dents : « Arrête, Diego, ça suffit ! » Rosita propose à ses convives de reprendre un peu de paella et change de conversation. Pour agrémenter le dessert Diego enfonce le clou : « Ce n’est même pas une bonne cuisinière ! » Luis, qui continue sa bataille navale en solo, annonce : « Touché ! ». Carla se lève, saisit son verre de vin rouge et le jette à la figure de Diego en disant : « Coulé ! ».

 
 
 
Consigne : Titre : Touché, coulé


Aliette

dimanche 2 janvier 2022

La calomnie

Avec un calme analytique qui la surprend, Anaïs relit une dernière fois sa lettre, hésite. Non, rien de plus à ajouter, tout y est. Tout a commencé lorsque son amitié avec Marion s’est rompue à cause de la rivalité qui s’est installée entre elles pour séduire Paul. A coup de Snapchat et TikTok, Marion a inondé les réseaux sociaux de sous-entendus puis de mensonges prenant peu à peu une ampleur qu’Anaïs n’est plus arrivée à contenir malgré ses réponses pertinentes. Elle s’est battue, a répliqué. Certes, quelques amies lui ont rendu justice mais le mal est fait et rien ne s’efface sur la toile. Impossible de rétablir sa vérité. Avec une intelligence et un acharnement diabolique, Marion a tendu un filet dans lequel Anaïs se débat depuis presque quatre mois. Elle ressent avec dégoût le contrôle que Marion exerce sur elle, sans pouvoir lui échapper. Elle est devenue la risée du lycée. Les sous-entendus, les chuchotements, les rires en coin, les méchancetés gratuites, les moqueries, tout cela l’anéantit. Elle se sent terriblement seule face à ses accusations sans fondement. A qui en parler, vers qui se tourner ? Comment rétablir la vérité ? Maintes fois elle a essayé de trouver une porte de sortie sans succès. La colère, la peur, la honte puis l’abattement. Ce n’est plus supportable. Sa décision est prise, elle abandonne le combat.


 
 
Consigne : titre : la calomnie


Aliette