Présentation

L’Atelier d’écriture de Solliès-Pont a commencé en septembre 2018 à l’initiative de Tristan Choisel, auteur de théâtre et de chansons. Pourquoi ? Pour s’initier à l’écriture de formes brèves (nouvelles, saynètes…), pour perfectionner son style ou pour simplement explorer son potentiel créatif. Nous sommes sept à partager nos textes dans la bienveillance, un peu d’humour et toujours avec beaucoup de plaisir. L’association « L’Atelier de Solliès-Pont » abrite cette initiative et vous pouvez nous rejoindre si, comme nous, vous avez l’âme d’un écrivain amateur.

Ce blog est la mémoire de notre travail. Il sert à mettre en lumière quelques-uns de nos textes. Enfin, il permet de communiquer entre nous plus facilement.

lundi 11 avril 2022

Christine et le village englouti

En ce jour de pèlerinage, la foule s’agenouille et prie. Soumise à un haut fait, Christine devra, comme chaque année, s’exécuter et reproduire son exploit. Un acte protecteur pour les malades, les familles et les récoltes.

La construction du barrage avait avalé et englouti leur village. Puis ce fut l’exode vers d’autres terres promises. Les habitants avaient tout abandonné, maisons des ancêtres, parcelles cultivées à la sueur, morts au cimetière... un passé trépassé. Ils avaient voulu sauver leur église. Elle avait connu leurs baptêmes, mariages et funérailles. Cet édifice surplombait le village. Au sommet, une flèche surmontée d’une immense croix pointait le ciel. Un appel au divin pour la rédemption des pauvres pêcheurs. Les cloches ne sonnaient plus l’angélus. Seule la croix émergeait des eaux.

Christine avait pour mission de grimper au sommet de la croix. Le lac artificiel pour bénitier. Le rituel commence. Une embarcation s’arrime à la croix. D’une voix puissante, le doyen implore :

- Qui croit en la croix ?

- Croa, Croa, Croa… réplique Christine la petite rainette verte, la fidèle grenouille de bénitier.

Christine sautille depuis le rivage. Se jette à l’eau et nage pour rejoindre le bateau. Elle se concentre avant d’escalader la croix. Ses petites pattes vertes s’agrippent comme des ventouses. Un exercice difficile sur une structure en fer forgé. Elle redoute de se blesser. Le sang sur la croix serait un mauvais signe. La foule prie et chante. Et comme année, sous les vivats, Christine accomplit le miracle.



 
 
Consigne : en 15l sur le thème de la croix

Catherine

A table !

- Les enfants, à table !

Joyeux et affamés, Marion et Jules, quinze et treize ans se ruent à la cuisine alléchés par l’odeur des lasagnes. Sylvain leur père, mine attristée, met un certain temps à les rejoindre. Comme toujours Violetta a dressé une jolie table. Elle sourit.

- Avant de manger, j’ai une annonce à vous faire. N’ayez pas peur, je n’en ai pas pour longtemps, nous mangerons chaud, le plat est au four. Ce jour restera un grand jour. Votre père et moi allons nous séparer. Votre père ne le sait pas encore, tout comme vous, mais il doit s’en douter. N’est-ce pas ? Ma décision est prise, en toute tranquillité. Marion et Jules, vous devez avoir des amis dont les parents sont divorcés. La vie continue, l’amour aussi et nous resterons toujours vos parents. Simplement, nous ne vivrons plus ensemble. Un peu comme maintenant, sauf que cela sera officielle et moins hypocrite. Je préfère clarifier les situations et éviter que chacun de nous vivent dans le mensonge ou les faux semblants. Ce sera mieux pour vous comme pour nous. Quant aux raisons de cette séparation, elles nous appartiennent, à votre père et à moi. Je suis sûre que nous serons des parents responsables et que vous ne manquerez de rien et surtout pas d’amour. Nous en reparlerons, je vous laisse le temps de digérer... Maintenant si vous êtes d’accord, mangeons ces lasagnes qui ne peuvent plus attendre.

Violetta sert les lasagnes encore chaudes. Marion et Jules et leur mère commencent à les déguster en silence. Sylvain, lui ne mange pas. Il quitte calmement la table en faisant une annonce...

- Moi aussi, tout comme les lasagnes... Je ne peux plus attendre, je vais enfin pouvoir partir dès ce soir. Alors à bientôt !



 
 
 
Consigne : en 15l La séparation dans un couple ? Ancrer le texte dans un moment précis

Catherine

Au bord du lac

Au bord du lac il y a des trembles aux feuilles fragiles et mouvantes qui frémissent sous la caresse du vent.

A l’automne elles deviennent d’un beau jaune tendre qui scintille au soleil. Il contraste avec le vert des variétés persistantes recouvrant les collines alentours. Si l’automne est la plus belle saison, chacune offre ses plaisirs. En été par exemple, le lac est un joyau bleu. On aime s’y baigner, le parcourir en barque ou en canoë, le traverser en tous sens. On vient aussi y pique-niquer, y rêver, s’y détendre. Tout au long de l’année, on vient se promener sur ses berges. On aime regarder changer la couleur de l’eau, en fonction du temps et des heures. Il est attirant, attachant, apaisant aussi, et toujours nos pas y reviennent. Mais le lac a un secret, qu’il tait et cache sous ses eaux placides. Car le lac n’est pas vraiment un lac. Avant c’était une plaine, au centre de laquelle serpentait le lit de la rivière. Depuis la création du grand barrage en amont et d’un plus petit en aval, l’eau a recouvert la plaine. Les berges se sont dilatées et le lac, puisque c’est ainsi que maintenant on l’appelle, s’est installé en maître des lieux, recouvrant les terres, noyant les arbres, les cultures, les chemins. Ainsi sous la profondeur de ses eaux, dorment encore les vestiges d’un passé oublié. La route est encore présente et le joli pont qui enjambait la rivière, est toujours là intact, avec son arche décorée d’un blason sculpté dans la pierre. Les anciens se souviennent quand ils empruntaient cette route, qu’ils traversaient ce pont, quand ils travaillaient la terre, taillaient les arbres, chassaient le gibier. Autant de souvenirs noyés sous une chape de silence.

Au bord du lac il y a des trembles aux feuilles fragiles et mouvantes qui frémissent sous la complainte du temps.



 
 
 
Consigne : description d’un lieu.

Dominique


dimanche 3 avril 2022

Conte d'incinérés

Il était une fois une grande maison-usine où vivaient de grosses machines. Ces drôles d'engins avaient toujours faim. Les hommes devaient se relayer jour et nuit pour les nourrir. Cette bâtisse avait un gros défaut. Une terrible odeur vous agressait dès qu’on ouvrait la porte d’entrée. Difficile de la caractériser, entre l’œuf pourri et la citronnade aigrie. Ces relents vous imprégnaient durablement. L’autre problématique majeure était le bruit. Les mandibules mâchaient, écrasaient, broyaient puis rejetaient. Un balai constant de camion satisfaisait cet appétit féroce. Ils livraient les mets-déchets…

Un jour, il advint un heureux évènement occasionnant une réelle surcharge de travail. Tout d’abord fut livrée, une immense pièce montée faite de bouteilles en plastique, parsemée de capsules de toutes les couleurs. Puis arriva la mariée. Majestueuse dans sa robe à longue traîne, tout en volutes de sacs en plastique blanc. Une vraie beauté en cellulose. Quant à son époux, il portait un complet composite en boites de conserve. Ce fut un beau mariage !

Ils vécurent heureux dans cette grande maison, entourés de leurs enfants gourmands.



 
 
 
 
Consigne : en 15 mn, une fiction avec un objet en plastique

Catherine

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