La construction du barrage avait avalé et englouti leur village. Puis ce fut l’exode vers d’autres terres promises. Les habitants avaient tout abandonné, maisons des ancêtres, parcelles cultivées à la sueur, morts au cimetière... un passé trépassé. Ils avaient voulu sauver leur église. Elle avait connu leurs baptêmes, mariages et funérailles. Cet édifice surplombait le village. Au sommet, une flèche surmontée d’une immense croix pointait le ciel. Un appel au divin pour la rédemption des pauvres pêcheurs. Les cloches ne sonnaient plus l’angélus. Seule la croix émergeait des eaux.
Christine avait pour mission de grimper au sommet de la croix. Le lac artificiel pour bénitier. Le rituel commence. Une embarcation s’arrime à la croix. D’une voix puissante, le doyen implore :
- Qui croit en la croix ?
- Croa, Croa, Croa… réplique Christine la petite rainette verte, la fidèle grenouille de bénitier.
Christine sautille depuis le rivage. Se jette à l’eau et nage pour rejoindre le bateau. Elle se concentre avant d’escalader la croix. Ses petites pattes vertes s’agrippent comme des ventouses. Un exercice difficile sur une structure en fer forgé. Elle redoute de se blesser. Le sang sur la croix serait un mauvais signe. La foule prie et chante. Et comme année, sous les vivats, Christine accomplit le miracle.
Catherine