Présentation

L’Atelier d’écriture de Solliès-Pont a commencé en septembre 2018 à l’initiative de Tristan Choisel, auteur de théâtre et de chansons. Pourquoi ? Pour s’initier à l’écriture de formes brèves (nouvelles, saynètes…), pour perfectionner son style ou pour simplement explorer son potentiel créatif. Nous sommes sept à partager nos textes dans la bienveillance, un peu d’humour et toujours avec beaucoup de plaisir. L’association « L’Atelier de Solliès-Pont » abrite cette initiative et vous pouvez nous rejoindre si, comme nous, vous avez l’âme d’un écrivain amateur.

Ce blog est la mémoire de notre travail. Il sert à mettre en lumière quelques-uns de nos textes. Enfin, il permet de communiquer entre nous plus facilement.

mardi 21 mars 2023

Il va y avoir du changement

« Il va y avoir du changement", nous dit le nouveau directeur en guise de préambule à son discours.

On s'y attendait un peu, j'ai envie de lui dire, parce que mon petit vieux tu n'es pas le premier, ni le dernier sans doute, à prononcer ces mots dès son arrivée dans l'entreprise !!

Nous les petites mains de l'atelier, on est toutes là alignées en rang d'oignon en face de lui. Ça nous fait bien sourire parce que dans cette boite les directeurs se suivent, en revanche nous on est ici depuis des années, fidèles au poste.

Alors bon, il a dit « Il va y avoir du changement ». D’accord faisons un effort, écoutons-le un peu pour lui faire plaisir. Encore un qui sort tout frais émoulu d’une école de commerce et qui croit avoir la science infuse !

« Je voudrais mettre en œuvre une nouvelle organisation du travail pour augmenter la productivité », dit-il.

Pour l’instant il n’a pas encore dépassé le hall d’entrée où nous nous tenons tous. Qu’est-ce qu’il peut bien connaître de l’organisation déjà mise en place avant d’envisager de la modifier.

Bon on va le laisser parler, lui donner sa chance, mais c’est bien parce qu’il a une bonne tête celui-ci !




Consigne : En 15 minutes - Incipit : Il va y avoir du changement

Martine

lundi 6 mars 2023

Le collier d'Hélène

Hélène avait du abandonner ses vêtements blancs pour la commodité de la vie ici. Mais ce collier ne la quittait jamais, souvent elle le caressait, nonchalamment, sans même y penser la plupart du temps. Il faisait partie d’elle, il était une partie d’elle même, elle qui était toujours dans cet entre-deux, déchirée entre deux rives. Ce simple collier l’unifiait et l’unissait à ses ancêtres. Il suffisait de pas grand chose en somme quelques graines et quelques coquillages. Ce collier très long, ce collier de graines et de coquillages blancs qu’elle ne quittait que pour dormir, constituait le lien qui la reliait à son pays.  Lorsqu'elle avait fui Cuba et avait échoué sur cette côte de Floride, ce bijou l'avait ancrée dans sa terre. Elle n'était pas cette plume au vent comme certains de ses compagnons exilés.

consigne : titre : Le collier d'Hélène

Une question de dosage


Embarrassée j’accepte le verre qu’on me tend. Je ne peux pas le refuser sans humilier notre hôte. Mais je  me dis que ça ne sera pas possible d’avaler ça ; un breuvage opaque, trouble, indéfini dans lequel surnagent quelques grains de maïs : la fameuse chicha. Traditionnelle bière andine, ancestralement fabriquée de salive et maïs mastiqué, ensuite fermentée dans des calebasses hermétiquement fermées. A la vue du breuvage, je me dis qu'il doit bien exister une stratégie pour ne pas l’avaler. Comme attendu, j’honore la Pachamama, déesse vénérée des Incas. Donc, je prends aimablement le verre de chicha et avant de le porter à mes lèvres, je verse les premières gouttes sur le sol en gratitude à la déesse terre-mère selon le rite quechua. J’en verse stratégiquement le plus possible, on est sur une terrasse de terre battue. Et je bois dans un dégoût absolu. Sans regarder le breuvage, me faisant violence, le plus lentement possible cependant car on m’a prévenu, sitôt mon verre vidé, il serra rempli de Pisco, cette eau de vie ardente ; et cela alternativement jusque tard dans la nuit : un verre de chicha, un verre de Pisco…
C’est  ainsi qu’on célèbre un évènement dans les villages andins. La famille bolivienne fête un anniversaire et invite tout le village comme l’exige la coutume. Nous on est invités car amis d’amis. Le chef de famille, un mineur très pauvre n’a pas les moyens d’offrir un repas mais l’alcool coule à flot. Aujourd’hui est un jour de lumière pour la communauté. Les hommes six jours sur sept sous terre a extraire de l’étain… Les femmes sept jours sur sept aux champs, aux travaux domestiques. Cette nuit, la chicha leur fait tout oublier ; donc ils boivent plus que de raison. Hommes et femmes ivres morts dansant au son de la flûte, une ronde hypnotique, chancelants, se cramponnant les uns aux autres.

Le lendemain matin le réveil sera violent. Secoué de terribles nausées, mon corps se videra de sa substance pendant des jours.

 

 Consigne : titre : une question de dosage

 Christiane



dimanche 5 mars 2023

Une question de dosage

Demandez le programme !


La Mouette d'Anton Tchekhov a été jouée pour la première fois le 17 octobre 1896 et revisitée par de nombreux metteurs en scène. L'incontournable pièce ! Cela vous dit ? Moi aussi et je me suis laissée tenter. Du théâtre dans le théâtre, celui qui nous interpelle sur l'art et l'amour.

Le théâtre, si présent à nos vies. Un moteur générateur de sens, de questionnements, de plaisirs et de partage.

Cette Mouette aurait pu s'envoler et nous emporter avec elle. Mais ses pattes mazoutées de modernité l'ont clouée au sol nous empêchant de décoller dans l'extase du théâtre. Le spectacle vivant fait de chairs de comédiens nous a été volé. La scène, désespérément vide de vie, s'était métamorphosée en salle de cinéma. On aurait pu douter du direct mais la présence du cameraman attestait que les comédiens jouaient bien à proximité, cachés derrière la scène.

Un vide de chairs angoissant. Le glacé de l'image suprémaciste. Un jeu de cache cache absurde.

Je cherchais le sens de cette mise en abîme. Serait-ce la fin de la scène vivante ? Des écrans, des écrans et encore des écrans. Ils envahissent nos existences et se sont infiltrés sur les planches. Trop, beaucoup trop ! Le dosage n'était pas le bon. Le vivant escamoté sous des touches impressionnistes de numérique, comme cela se produit parfois, aurait pu passer. Mais là, non ! Dommage. Pour autant, les comédiens et le texte nous ont permis de rester jusqu'à la fin du spectacle, nous rappelant des souvenirs de beauté théâtrale.


Consigne pour le 17/02/23 : en titre : Une question de dosage


Catherine