Présentation

L’Atelier d’écriture de Solliès-Pont a commencé en septembre 2018 à l’initiative de Tristan Choisel, auteur de théâtre et de chansons. Pourquoi ? Pour s’initier à l’écriture de formes brèves (nouvelles, saynètes…), pour perfectionner son style ou pour simplement explorer son potentiel créatif. Nous sommes sept à partager nos textes dans la bienveillance, un peu d’humour et toujours avec beaucoup de plaisir. L’association « L’Atelier de Solliès-Pont » abrite cette initiative et vous pouvez nous rejoindre si, comme nous, vous avez l’âme d’un écrivain amateur.

Ce blog est la mémoire de notre travail. Il sert à mettre en lumière quelques-uns de nos textes. Enfin, il permet de communiquer entre nous plus facilement.

dimanche 30 avril 2023

Qui est Line ?


Le psychiatre me demande : « Qui est Line ? »

Évidemment il veut que je lui explique pourquoi je viens de prononcer ce nom alors que je ne lui en avais jamais parlé.

Je suis tellement triste depuis qu'elle n'est plus là que je ne pouvais pas l'évoquer sans que mes yeux se remplissent de larmes.

Aujourd'hui je suis prête.

Je lui raconte donc comment elle était arrivée chez nous un matin de printemps ; comment cela avait été difficile d’assurer le quotidien avec une bouche de plus à nourrir alors que nous avions peu de moyens ; comment prendre soin de sa santé avait été aussi un problème.

Mais en retour comment expliquer le plaisir des câlins, des promenades, des rencontres avec d’autres personnes qui, comme nous, avaient plus ou moins choisi cette situation !

Notre voisine était décédée, un jour, dans son sommeil et avait donc laissé Line que nous côtoyions régulièrement. Nous n’avons pas pu faire autrement que la recueillir.

Nous avons beaucoup pleuré quand notre chienne est morte.





Consigne : Incipit : Le psychiatre me demande : « Qui est Line ? »

Bernadette


mardi 25 avril 2023

La ciboulette

Eva était superbe, il ne voyait pas pourquoi sa coupe avait besoin d'être rafraîchie, mais si elle demandait à faire les pointes chez le coiffeur, c’est qu’il allait quand même devoir couper.

Il venait de découvrir le salon de coiffure et ses outils. Il n’était là que pour elle, c’était le seul moyen qu’il avait trouvé pour se rapprocher d’elle.

Elle lui sourit et il l’installa sur le siège pour le shampoing, massa sa tête avec des gestes circulaires.

Pendant ce temps, Eva songeait qu’elle ne l’aurait jamais imaginé dans cette profession et elle s’en voulait d’avoir eu des stéréotypes à son compte. Ça se sentait que c’était quelqu’un qui voulait bien faire, un véritable professionnel.

Enfin ils se déplacèrent pour aller en face du miroir, il lui demanda : « on coupe comment ? », elle lui répéta comme au début : « seulement les pointes », mais il ne parut pas comprendre mieux la longueur à couper. Il pensa naïvement, c’est comme ciseler de la ciboulette, en cuisine tout doit avoir les mêmes dimensions. Alors il prit la tignasse du bout des doigts en se disant qu’il éminçait de la ciboulette.










Consigne : le personnage fait qq chose qu’il ne sait pas faire



Adriana

dimanche 23 avril 2023

D'abord reprendre mon souffle



D’abord reprendre mon souffle. Il faut que je me calme, que je me raisonne : « C’est bon tu es chez toi, la porte est verrouillée à double tour, tu n’as vraiment plus rien à craindre ».


Mais qu’est ce qui m’a pris tout à coup ? Je marchais dans la rue et soudain un drôle de pressentiment m’a envahie.

C’est le moment de la journée que l’on dit « entre chien et loup » J’entendais le bruit de mes pas qui résonnaient sur le trottoir, chaque façade d’immeuble s’en faisant l’écho. Très peu de monde, juste des ombres pressées de rentrer au plus vite.

Et puis tout à coup l’impression d’être suivie. Je me suis retournée, rien de suspect. Alors je me suis dit « arrête de te faire des films ».

Mais rien à faire, ce sentiment ne me quittait pas, je commençais à avoir peur. J'ai accéléré le pas. J’étais trop effrayée pour me retourner à nouveau.

Je courrais presque, la maison n’était plus très loin ; ça y est je la voyais.


Je cherche à retrouver mon calme, assise dans le noir.
Je sursaute, on vient de sonner à la porte. De nouveau le cœur qui s’emballe. Surtout ne faire aucun bruit. Je ne respire plus. J’ai peur à nouveau, impossible pour moi de regarder à travers les rideaux qui cela peut bien être.

Enfin j’entends des pas qui s’éloignent.

Mais quelle heure est-il ?

Zut c’était sans doute l’infirmière qui venait pour ma piqure. Elle aurait pu insister quand même !!


Martine F

Texte 15 lignes

Incipit : D'abord reprendre mon souffle








Point de rencontre

- Et je te revois quand ? 

- On ne sait jamais, ça pourrait être la porte A ou E, au bout du couloir du terminal 1 ou 2, au-dessus des escaliers de verre ou à la croisée des escaliers mécaniques. Peut-être même, avec un peu de chance, en salle d’attente, près d’une machine à café, avec un twix comme réconfort. Et soyons fous, ça se trouve on pourra se revoir lors d’une escale. Tu sais on peut se revoir à plein d’endroits, n’importe quand, s'apercevoir, se recroiser, ce n’est pas si difficile pour le personnel des aéroports. Tu me reverras comme tu reverras toute l’équipe mais la vraie question c’est, est-ce que tu souhaites que l’on se voie inopinément ou non ?

 

 

Consigne : incipit "et je te revois quand ?"

 

Adriana

mardi 18 avril 2023

Faut que ça pète

 - Non, je ne suis pas d’accord. Je n’ai jamais mis le feu à quoi que ce soit

- Justement ! Si c’est la première fois, c’est encore mieux. Tu t’en souviendras toute ta vie

- Je suis non-violent. Je ne t’accompagne pas sur ce coup

- Non-violent ? Moi aussi je l’étais, sauf que là nous subissons leur violence et ils ne bougent pas. Alors ça va péter. Je ne peux pas y aller seul.

- Débrouille toi, trouve quelqu’un d’autre.

- Alors toi, tu acceptes d’être malmené. Tu acceptes qu’ils n’assument pas leurs responsabilités. Tu acceptes qu’on aille tous se taper la tête sur le mur du futur. Courbe l’échine, mec, reste non-violent et tu verras où cela nous mène.

- D’une, je ne courbe pas l’échine et de deux je me bats à ma façon. Casser les vitrines et mettre le feu à LVMH, c’est pas mon truc

- Ton truc, c’est quoi ? Marcher, manifester, crier ta colère ? Oh que c’est beau ! T’inquiète, ils vont bien se boucher les oreilles et tourner la tête sur leurs ordis pour surveiller le cours de la bourse. Tu connais les trois singes. Je ne vois rien, je n’entends rien, je ne dis rien, et voilà !

- Je sais tout ça. Figure-toi que je commence à bouillir mais je ne suis pas prêt.

- OK ! Gamberge ! Je passe te prendre à chaque manif. Entre temps, comme ils ne s’arrêteront pas là, tu auras peut-être mûri et je te cueillerai comme un beau fruit.




Consigne du 14/04/23 : Un personnage qui tente de convaincre ou de contraindre quelque chose totalement déraisonnable

Catherine

Dialogue

- Tu vas où comme ça ? T’as vu ta dégaine ?! On dirait un clown qui a oublié de se rhabiller.

- Fous-moi la paix, je fais ce que je veux. D’abord, t’es qui toi pour m’interdire quoi que ce soit. Que je sache, tu n’es pas mon père.

- Je ne suis peut-être pas ton père mais tu es sous ma responsabilité en tant que mari de ta mère. Je ne veux pas que tu t’exhibes comme ça dans la rue avec ce look de travesti.

- Oh, là, là, tout de suite les grands mots ! Vivement que j’ai dix-huit ans que je puisse me casser et faire ma vie comme je le veux !

- Ah ! Oui ! Faire ta vie ? Mais mon pauvre, avec quoi ? jusqu’à présent, si tu as pu manger, dormir, étudier, enfin si peu... c’est grâce à qui ? A ta mère et à moi.

- Et t’as vu où ça nous mène ? Un monde pourri, sans avenir, même la planète vous l’avez foutue en l’air ! Alors quoi ? Hein ! Qu’est-ce que tu réponds ?

- OK OK ! Mais ça c’est autre chose. Qu’est-ce que ça a à voir avec ton comportement et ta façon de t’habiller ? Tu crois que ça va résoudre les problèmes ! Si tu veux vraiment réparer les erreurs du passé et sauver la planète, ne reste pas là à glander, bouge-toi, engage- toi !

Va savoir, il n’est peut-être pas trop tard.









Consigne : dialogue : incipit : Tu vas où comme ça ?



Anne

lundi 17 avril 2023

Des ménages

- Tu cherches quelque chose?

- Non, non, je range

- Sauf que ce sont mes affaires et je te l’ai déjà dit, je m’occupe de mon bureau, tu n’y entres pas

- Oui mais il y avait des feuilles partout. Alors j’ai trié, jeté celles qui étaient par terre et vidé la poubelle qui débordait.

- Tu es complètement cinglée ! Qu’est ce que tu as fait à mon manuscrit, je ne vais plus m’y retrouver

- Ce n’était pas un manuscrit mais des feuilles toutes raturées, c’est tout juste si j’ai pu lire quelque chose. Je sais comment c’est un manuscrit quand même !

- Vraiment maman, je n’en peux plus. Tu vas te retrouver seule, tu l’as bien cherché. Je ne peux plus vivre avec toi. Tu me détruis un peu plus chaque jour. Je vais embaucher une auxiliaire de vie qui habitera avec toi. Moi je déménage et je te laisse à ton ménage

- Mais pourquoi ? Je t’assure c’étaient de vieilles feuilles. Tu ne peux pas partir pour ça !





Consigne du 14/04/23 en 10 mn, 8 à 10 répliques Incipit: Tu cherches quelque chose?



Catherine

dimanche 16 avril 2023

L' eau vive

 
L’hiver avait été mordant, le début du printemps grinçant. Les gens s’unissaient dans les rues de toutes les villes. 
- « J’veux du soleil » entendait-on. Du jaune avait fleuri partout au détour des rond-points défigurés. Oui défigurés par une concurrence sauvage au commerce. Un aménagement du territoire débridé.
C’était une révolution ? Plutôt une révolte disaient certains. 
C'était une faim de paroles, de justice.
De dépit des médecins jetaient leurs blouses blanches devant les hôpitaux. Devant les tribunaux, des juges jetaient leur robes noires.
Puis tous s’étaient effacés devant un virus violent ; les gens avaient été priés de rester chez eux. Ils s’y étaient même volontairement enfermés chez eux, tellement ils avaient eu peur.
C’était pour leur bien mais aussi pour la santé de la planète. Tout le monde, enfin presque tout le monde avait paru d’accord.
Et puis voilà que tout a recommencé.
Dans la grisaille de l’hiver, dans le vent mauvais de ce début de printemps, les gens se sont réchauffés les uns aux autres. Dans les rues, dans toutes les villes, ça afflue de partout. 
Les couleurs éclatent, le rouge se mêle au vert avec des éclats de noir. C’est un grand nombre de personnes qui se serrent pour former un peuple. Un père qui se bat pour son fils, une mère qui continue pour sa fille. Un vieux soutient un jeune. Un jeune relève une femme.
En ce  millénaire en marche, à tout bout de champs, le pouvoir arrogant d’une légitimité de pacotille appelle ceux qui marchent serrés dans la rue, des gauchistes. Un glissement de vocabulaire d’abord à peine perceptible, qui enfle et se banalise maintenant.
Une menace gronde contre une réforme réprouvée. Le  pouvoir insolent défie un peuple.
Alors faudra-t-il baisser la tête ?
La police s’entraîne aussi contre d’autres récalcitrants, des gens qui répondent : « Non merci » à une vision  du monde dévastatrice.
Même l’eau, ce pouvoir veux la rendre captive. Captive  pour quelques uns, captive de bassines démesurées. Démesurées pour abreuver des champs géants pendant que s’assèchent les nappes  phréatiques, que fondent les glaciers, que la mer monte.
Beaucoup disent : « Non merci » pour que tous puissent jouir d’une eau devenue précieuse.
Un nouveau mot a enrichi le vocabulaire contemporain : éco-terroristes.


«  Ma petite est comme l’eau, elle est comme l’eau vive 
Elle court comme un ruisseau que les enfants poursuivent
Courez, courez,vite si vous le pouvez
Jamais, jamais vous ne la rattraperez..."


Cette chanson a bercé mon enfance. 
Je l'ai chanté à mes enfants, à mes petits enfants et j'aimerai qu'eux aussi puissent la chanter longtemps encore après moi à leurs enfants.
 
"Un jour que sous les roseaux, sommeillait mon eau vive 
vinrent les gars du hameau pour l'emmener captive...
Entre vos doigts l'eau vive s'envolera..."




Consigne : sujet libre

Christiane


Chance

D’abord reprendre mon souffle, attendre que le cœur se calme, que mes jambes et mes mains ne tremblent plus et retrouver mes esprits. Toujours assise devant la télé, je regarde encore et encore ce billet. Je dis tout haut les chiffres : 6, 8, 24, 35, 40, 48, comme pour me persuader que c’est vrai, pour commencer à y croire. L’euro million ! c’est complètement fou ! Irréel ! Je devrais aller chez le buraliste pour qu’il confirme ce que je vois, mais si je m’étais trompée, je serais ridicule. Non, je vais attendre demain que ça paraisse dans le journal. De toute façon rien ne presse, car qu’est-ce que je vais faire après ? Je ne sais même pas comment ça se passe ! Oh ! Là, là, c’est trop compliqué, tout s’embrouille dans ma tête. Quand les gens sauront, ils vont me regarder bizarrement, et mes amis et ma famille, comment vont-ils réagir ? Est-ce qu’ils ne vont voir en moi que ce que j’ai et non plus ce que je suis ? Il faut que j’en parle à ma fille. Elle saura elle, ce qu’il faut faire.


La voilà comme prévu.
- Bonjour, bonjour, vous avez fait bon voyage ? Oui maman, mais toi tu as une petite mine. Tout va bien ?
- Oui, oui ça va, quelques petites contrariétés, mais rien de grave.
- Bon tant mieux.
- Delphine, il faut que je te parle…
- Attends maman, nous avons une surprise pour toi ! on sait depuis longtemps que tu joues en cachette au loto, alors on t’a apporté plein de jeux à gratter ! On ne sait jamais ! Si tu gagnais le gros lot !







Consigne : incipit : d'abord reprendre mon souffle



Anne

mercredi 12 avril 2023

Line

Le psychiatre me demande : qui est Line ?

Line ? Comment vous dire ? Je ne sais pas. Je ne peux pas vous répondre. A-t-elle vraiment existé ? Qui est-elle ? Une apparition, un rêve, une diablesse, un mythe ? Une femme que j’ai peut-être aimée un jour ? Non vraiment je ne sais pas. Je vous ai parlé d’elle comme si je la connaissais, mais c’est faux. Elle ne vit même pas dans mes pensées, mes rêves ou mes cauchemars. Elle pourrait être ma mère ou ma sœur mais vraiment, je ne vois pas. Elle se cache peut-être derrière toutes les femmes que j’ai connues... En fait, si je feuillette l’album de mes souvenirs d’enfance... hum, c’est peut-être... Oh ! Non ! Pas elle !
 
 
 
Consigne : incipit : Le psychiatre me demande : qui est Line ?
 
Anne

mardi 11 avril 2023

Expérimentation

André sortait moins. Il finit même par ne plus sortir. Une décision de se retirer des vivants pour vérifier si sa solitude était réelle ou seulement imaginaire. Face à ce questionnement entêtant, il prépara sa réclusion. Il prit soin de prévoir un ravitaillement pour plusieurs mois avant de s'enfermer. Les jours et les nuits en copiées collées ne le perturbaient pas, ils les acceptaient. Il voulait savoir.

Mais personne ne le remarqua. Aucun témoin. Il ne comptait donc pour personne. Il ne manquait à personne. André s'effaçait du monde, sans avoir besoin de marcher sur la pointe des pieds. Et même s’il avait fait du bruit en se repliant sur lui, cela n'aurait alerté personne.

Six mois passèrent. Il estima alors que ce temps était suffisant à cette vérification.

André en avait fini avec cette expérimentation. OUI, sa solitude était réelle, il ne délirait pas, il était seul sur Terre.

Cette question résolue, il se remit à sortir, sans que personne ne le remarqua.



Consigne du 07/04/23 en atelier, en 10 mn  Incipit: André sortait moins

Catherine