L’hiver avait été mordant, le début du printemps grinçant. Les gens s’unissaient dans les rues de toutes les villes.
- « J’veux du soleil » entendait-on. Du jaune avait fleuri partout au détour des rond-points défigurés. Oui défigurés par une concurrence sauvage au commerce. Un aménagement du territoire débridé.
C’était une révolution ? Plutôt une révolte disaient certains.
C'était une faim de paroles, de justice.
De dépit des médecins jetaient leurs blouses blanches devant les hôpitaux. Devant les tribunaux, des juges jetaient leur robes noires.
Puis tous s’étaient effacés devant un virus violent ; les gens avaient été priés de rester chez eux. Ils s’y étaient même volontairement enfermés chez eux, tellement ils avaient eu peur.
C’était pour leur bien mais aussi pour la santé de la planète. Tout le monde, enfin presque tout le monde avait paru d’accord.
Et puis voilà que tout a recommencé.
Dans la grisaille de l’hiver, dans le vent mauvais de ce début de printemps, les gens se sont réchauffés les uns aux autres. Dans les rues, dans toutes les villes, ça afflue de partout.
Les couleurs éclatent, le rouge se mêle au vert avec des éclats de noir. C’est un grand nombre de personnes qui se serrent pour former un peuple. Un père qui se bat pour son fils, une mère qui continue pour sa fille. Un vieux soutient un jeune. Un jeune relève une femme.
En ce millénaire en marche, à tout bout de champs, le pouvoir arrogant d’une légitimité de pacotille appelle ceux qui marchent serrés dans la rue, des gauchistes. Un glissement de vocabulaire d’abord à peine perceptible, qui enfle et se banalise maintenant.
Une menace gronde contre une réforme réprouvée. Le pouvoir insolent défie un peuple.
Alors faudra-t-il baisser la tête ?
La police s’entraîne aussi contre d’autres récalcitrants, des gens qui répondent : « Non merci » à une vision du monde dévastatrice.
Même l’eau, ce pouvoir veux la rendre captive. Captive pour quelques uns, captive de bassines démesurées. Démesurées pour abreuver des champs géants pendant que s’assèchent les nappes phréatiques, que fondent les glaciers, que la mer monte.
Beaucoup disent : « Non merci » pour que tous puissent jouir d’une eau devenue précieuse.
Un nouveau mot a enrichi le vocabulaire contemporain : éco-terroristes.
« Ma petite est comme l’eau, elle est comme l’eau vive
Elle court comme un ruisseau que les enfants poursuivent
Courez, courez,vite si vous le pouvez
Jamais, jamais vous ne la rattraperez..."
Cette chanson a bercé mon enfance.
Je l'ai chanté à mes enfants, à mes petits enfants et j'aimerai qu'eux aussi puissent la chanter longtemps encore après moi à leurs enfants.
"Un jour que sous les roseaux, sommeillait mon eau vive
vinrent les gars du hameau pour l'emmener captive...
Entre vos doigts l'eau vive s'envolera..."
Consigne : sujet libre
Christiane