Présentation

L’Atelier d’écriture de Solliès-Pont a commencé en septembre 2018 à l’initiative de Tristan Choisel, auteur de théâtre et de chansons. Pourquoi ? Pour s’initier à l’écriture de formes brèves (nouvelles, saynètes…), pour perfectionner son style ou pour simplement explorer son potentiel créatif. Nous sommes sept à partager nos textes dans la bienveillance, un peu d’humour et toujours avec beaucoup de plaisir. L’association « L’Atelier de Solliès-Pont » abrite cette initiative et vous pouvez nous rejoindre si, comme nous, vous avez l’âme d’un écrivain amateur.

Ce blog est la mémoire de notre travail. Il sert à mettre en lumière quelques-uns de nos textes. Enfin, il permet de communiquer entre nous plus facilement.

samedi 30 septembre 2023

Tombeaux

Émilienne scrute la mer. La mer-miroir lui renvoie ses interrogations et ses agitations. Imperturbable elle frôle les pieds d’Émilienne et s’en éloigne dans un va- et-vient perpétuel. Le même mouvement des questions que l’Homme se pose depuis la nuit des temps : Quelle est ma place dans ce monde ? De quel maillon humain suis-je issu ? Quelles seront mes traces laissées en héritage ? Comment survivre ? Jusqu’où ira l’humanité ?

Bizarrement, Émilienne a le sentiment de ne pas être seule. Des milliers d’hommes, de femmes et d’enfants surgissent des flots. Ils lui hurlent le cauchemar de leurs vies brisées au point d’en être engloutis pour l’éternité. Des tombes eau.

La surface de la mer reste calme. Le tumulte provenant des abysses disparaît arrivé à la surface. Émilienne figée, sidérée, contemple la vaste étendue bleue devenue cimetière des inconnus, sans oriflamme.





Consigne atelier du 22/09 : Une fiction dans le lieu conté précédemment

Catherine

vendredi 29 septembre 2023

Le bon marché

C’est une longue rue étroite.  Si étroite qu’il faut te contorsionner pour te faufiler dans la cohue. C’est la rue la plus vivante au monde.  Le caravansérail des temps modernes. C’est le marché du bonheur !  C’est le bon marché !  
Cette rue c’est la plus pauvre d’entre les pauvres. 
« La Rue Longue des Capucins ». 
Les Capucins d’il y a bien longtemps, c’étaient ceux de l’ordre des mendiants…
A tout heure du jour, tu te fais bousculer par des princesses en boubous, couvertes de bracelets d’or, d’autres voilées de noir de la tête au pieds. Tu pousses des coudes pour te frayer un passage, tu te dissous dans la foule.
Les odeurs de viande, de tripes te prennent à la gorge, des têtes de veau, des langues de bœuf, des cervelles d’agneau te prennent à témoin ; puis c’est les étals gluants de dorades, de sardines, de maquereaux. L’odeur de friture des pains à la semoule. Des pizzas au feu de bois. Si l’envie te titille de manger mangues, dattes, ananas : Afro-market t’en offre à profusion. L’arôme de la cannelle, du cumin, de la coriandre de chez Saladin te chatouille le nez.
Tu vois la queue devant « Allo le bled ». Ne t’arrête pas.
Tu cherches un balai, une théière, une marmite , un savon ? Tu trouveras ton bonheur chez : « Jiji la palme d’or ». 
Remonte un peu la rue . « Tom tailleur », toujours affairé sur sa machine à coudre, te confectionnera pour deux sous dans l’heure la robe de tes rêves. Le plus difficile sera de choisir un tissu parmi tous les coupons colorés soigneusement empilés du sol au plafond. Il y a dans son mouchoir de poche, toujours de la place pour quelques palabres avec un cousin du village.
Fatigué de zigzaguer entre les ballons des minots, redescend.
Tu te retournes en entendant « Marlboro ! Marlboro ! » On te les vend à la sauvette, à l’unité…
Sur des étals miniatures à même le sol : une paire de baskets, de lunettes de soleil, trois écouteurs…C’est le marché sauvage.
Marseille : Porte de l’orient. C’est pas les milles et une nuits mais des histoires y en a sur chaque pas de porte. C’est une rue aux maisons pouilleuses, où sévissent les marchands de sommeil. Des épaves sont jetées là, Du Cap vert, des Comores, du Cameroun, d’Arménie, de Roumanie… Des commères te diront c’est une rue de voleurs, de dealers, de camés.
La Rue Longue des Capucins. Tu pourras jamais la prendre sur le vif.
« C’est du vacarme, du chaos, un poème. »
Harassé , va t’attabler chez Yassine , commande un thé à la menthe, une corne de gazelle ou même une omelette ; si tu préfères la terrasse du bistrot «Tranquille » tu peux y déguster un kebab, une bière.
A regarder la rue, tu te sens chez toi, tu n’es jamais tout seul. 
Tu regardes, tu regardes la rue, la vie…


Christiane

Consigne : description d'un lieu

mardi 19 septembre 2023

Grenade

J’aime les grenades bien mûres, je crois te l’avoir dit. Mes mains saignaient quand je les cueillais, ce que je ne t’ai pas dit, c’est que je croquais dedans et ma bouche éclatait sous leurs grains. C’est là que j’ai eu peur, du sang partout.  J’avais l’impression, la nuit que même la lune pleurait des larmes de sang.
C’est là que j’ai eu vraiment peur, tout ce sang !
Voilà, alors je me suis planqué, je me suis allongé dans la boue. Tout se confondait, mon corps la boue, la boue, mon corps. J’ai rampé, rampé jusqu’à la haie de mûres. Je n’en pouvais plus. Il fallait que ça s’arrête. J’ai continué à ramper, me suis laissé rouler dans le fossé. J’ai entendu le murmure de la rivière, m’y suis laissé couler. Je me suis lavé la bouche, les yeux.
 J’ai du m’endormir.
Je ne sais plus ce que je te raconte André.
Je suis fatigué maintenant.
Et ce bruit dans mes oreilles…
Peut-être c’était seulement un rêve, un mauvais rêve, un cauchemar… 

 

Christiane.

Consigne : personnage du texte précédent dans une situation différente

lundi 18 septembre 2023

Sas pour SOS

Faut-il conduire les yeux fermés pour oublier ce trajet quotidien ? Fermer les yeux et foncer dans le mur rude de la réalité et en finir. Piort renonce à cette envie obsédante en pensant à son Petit Paul. Comment retrouver celle qui s'est échappée dans un monde inatteignable. Chaque jour différent et pareil à la fois. Il se voit à l'avance traverser la cour arborée de l'hôpital, les pas alourdis de désespoir. Un hôpital vétuste où l'on enfermait au cœur de la ville les fous dangereux pour eux mêmes et leurs familles.

Piort appréhende ces visites chronométrées sous protocole strict. Sonner, se présenter seul et attendre.

Bruit de clés. La porte s'ouvre sur la souffrance, la maladie et les vies éclatées sous contrainte.

Un sas entre deux mondes. Un espace réduit tout en longueur où se ressassent le passé. Piort aperçoit le visage d'Ondine. Elle le guette derrière l'oculus du service fermé. Derrière elle d'autres visages torturés s'agglutinent. Bruits de clé. La porte s'ouvre.

- Tu as bien enfermé Petit Paul ? Il est en danger. Ils veulent nous le voler. Ici je me bats parce qu'ils m’ordonnent de me séparer de Fantine. Je suis obligée de l'attacher autour de mon ventre pour ne pas qu'on me la prenne. Ce n'est pas bon pour sa croissance.

- Ne t'inquiètes pas. Petit Paul va bien, il t'embrasse.

Piort tente de la prendre dans ses bras mais Ondine le repousse.

Éternel recommencement. Mêmes obsessions, mêmes hallucinations, mêmes échanges. Bruit fracassant de clés. Fin de visite. Heure épuisée. Piort repart du même pas lourd. Il compte ses pas. Chaque pas, une misère. Il avance.



Consigne pour le 15/09/23 15l sur le thème de la folie

Catherine

dimanche 17 septembre 2023

Tout feu, tout flamme.

 
 « Tac tac tac tac tac… Pan !!!  Pan !!!  Psst !!!  Ça pète, de partout, tu entends ? Les grenades, les obus, les flammes c’est les astres qui saignent, mais mes mains repoussent le feu ! N’aies pas peur ! Non n’ai pas peur ! Voilà le spectacle est terminé ! C’était un spectacle magnifique, non ? Tous d’anciens amis ces acteurs, je les ai rencontrés il y a bien longtemps au milieu d’un champs de boue, le ciel était orange à ce moment là ! Depuis, je les ai perdus de vue. Mais tu vois, ils m’ont retrouvé et sont venus jouer ce spectacle ici, dans la cour, pour moi, tout spécialement.
André fasciné écoute. Puis pose des questions idiotes.
- Quel âge a ta sœur ?
- Oh ! Elle est très verte !
- Étais-tu à Verdun ?
- J’aime les grenades bien mûres.
 
 On est en 1916, l’halluciné est un rescapé du carnage de Verdun.
L’hôpital est en bord de Marne.
Breton a vingt ans, la confrontation avec la folie est un choc brutal. Il est affecté en tant que psychiatre à Saint-Dizier, en Haute Marne. 
Pendant six mois, il écoute les rêves, les phrases démembrées de délirants blessés dans leur corps et dans leur  âme. Sous le bruit de la mitraille certains ont perdu l’esprit.
Breton marche de longues heures dans la brume, le long de la rivière. Au fil de l’eau, des alliages mystérieux se forment dans son esprit.
Le surréalisme s’invente.

Christiane.

Consigne : thème : La folie