J’aime aussi l’eau douce, plus fade que l'eau salée, je l'aime avec tendresse.
Des résurgences de l’enfance viennent abreuver ma mémoire.
L’eau dormante du grand bassin troublée par les poissons rouges; veillés par ma grand-mère.
L’eau claire du bassin d’arrosage chez mes parents; m’y baignant si souvent enfant, les longues après-midis d’été; que le ciment faisait saigner mes pieds.
L’eau fluide du grand lavoir communal. Marie, ma grand-tante y lavait ses immenses draps blancs, ensuite elle les battait de son grand battoir de bois, avant de les étendre. Avec Annie, ma petite cousine, on la soulageait un peu en portant seaux, savon… Dans de grandes flaques de rire on s’aspergeait à tue-tête, improvisant de grandes parties de cache-cache derrière les draps suspendus dans le vent. Le lavoir réunissait une petite communauté de femmes et d’enfants dans des grandes éclaboussures joyeuses. Nos grands-mères s’y éreintaient collectivement.
L’eau bouillante ruisselait des lessiveuses, le lundi dans la maison de mon enfance. Aujourd’hui, solitaires les femmes regardent tourner le tambour de leur machine.
Je me souviens :
L’eau fraîche des terrasses arrosées pour rafraichir des canicules le soir venu.
L’eau limpide du ruisseau où fleurissaient pâquerettes et boutons d'or.
L’eau vive de la source dans la colline parsemée de narcisses sauvages.
L’eau violente, le jour où mon père m’en a jeté un verre au visage.
L'eau indomptée des torrents de montagne.
Les eaux perdues, avant l’accouchement, coulent doucement de mon corps étonné.
Plus tard je me suis éloignée du territoire de l’enfance et j’ai appris d’autres paysages.
Christiane.
thème du premier trimestre : "L'écume de la mémoire".
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