Présentation

L’Atelier d’écriture de Solliès-Pont a commencé en septembre 2018 à l’initiative de Tristan Choisel, auteur de théâtre et de chansons. Pourquoi ? Pour s’initier à l’écriture de formes brèves (nouvelles, saynètes…), pour perfectionner son style ou pour simplement explorer son potentiel créatif. Nous sommes sept à partager nos textes dans la bienveillance, un peu d’humour et toujours avec beaucoup de plaisir. L’association « L’Atelier de Solliès-Pont » abrite cette initiative et vous pouvez nous rejoindre si, comme nous, vous avez l’âme d’un écrivain amateur.

Ce blog est la mémoire de notre travail. Il sert à mettre en lumière quelques-uns de nos textes. Enfin, il permet de communiquer entre nous plus facilement.

samedi 30 mars 2024

La preuve


 

Ce matin c’est le printemps, le printemps des poètes, le printemps du cinéma, le printemps arabe, le printemps de Vivaldi, de Botticelli. Le printemps par ci, le printemps  par là…Le printemps c’est le jour du bonheur, du bonheur à tout prix. « Enfonce toi bien ça dans le crâne mais c’est rasoir à la fin cette rengaine ». C’est ce qu’il se dit en se dirigeant vers sa salle de bain. Au dessus du lavabo, il s’enduit de mousse à raser,  après  le premier passage de la lame, sa barbe continue de pousser, il y revient plusieurs fois. Rien a faire, ça pousse et un peu plus à chaque coup de rasoir. Des pépins noirs viennent parsemer ses joues. Sa bouche se fend comme une tranche de pastèque vermeille. Ses oreilles se mettent a bourdonner. Son cœur palpite comme un oiseau. Il a les nerfs à vif. Il visualise des racines qui se répandent de son cerveau jusqu’à son cœur.  Un coquelicot y pousse. Il sent une vague de chaleur à l’estomac. Ça irradie, ça chauffe. Une lave ardente envahit son ventre. Une fumerolle s’échappe de son nombril. Il veut sortir de cette fichue salle de bain. A bout d’énergie, il enveloppe le coquelicot de son cœur dans un mouchoir de larmes. Tout à coup, il se sent épié. Un souffle puissant lui frôle l’épaule. Une hirondelle s’y pose. La porte bon sang ! la porte ! il veut s’enfuir.  Il saisit la poignée, elle est brûlante. Il retourne la manche de son pull, attrape à nouveau la poignée et réussit enfin, à l’ouvrir cette satanée porte. Un nid d’hirondelles tombe à ses pieds. Un œuf se brise. Il se retrouve dans une forêt de cèdres.  


 

Christiane.

Consigne : titre : La preuve. genre fantastique, histoire qui se termine dans une forêt.



 


 




 

jeudi 28 mars 2024

Reconnaissance de paternité

Dès qu’elle est entrée dans la pièce le silence s’est fait. Tous les regards se sont tournés vers elle, curieux et interrogateurs.

Il s’était dit dans le village qu’elle était revenue mais personne jusqu’ici ne l’avait aperçue. Sans doute se cachait-elle, pensaient les uns, peut-être n’avait-elle pas envie de rencontrer les gens qui l’avaient si durement traitée autrefois, pensaient les autres.

Elle a choisi ce moment où ils sont tous réunis dans cette salle communale pour réapparaitre à leurs yeux. Elle se tient fièrement devant eux dans toute sa beauté ; deux ans déjà qu’elle s’est  enfuie ; c’est à peu de chose près l’âge de l’enfant qu’elle serre tendrement dans ses bras. 

Aujourd'hui elle sait qu’il sera facile pour ces bien-pensants de reconnaître à travers les traits de cet enfant ceux de son géniteur. Elle perçoit leur gène et s’en réjouit. On entend un murmure parcourir la salle.

Tous les regards se tournent maintenant vers le responsable de ce désastre.


Martine F.

Consigne : Incipit "Depuis qu'elle est entrée"

mardi 26 mars 2024

La vague

- Bonjour Madame, votre frère est-il là ?

Depuis ces simples mots prononcés, cette phrase me hante, je m’y accroche comme à une branche pour ne pas tomber.

Ce jeune homme, en me posant cette question, me faisait subitement oublier la réalité, me projetant dans un proche passé heureux. J’ai même failli lui répondre :

- Oui, vas-y, tu peux monter, il est dans sa chambre.

Mais que lui dire à cet innocent ? Dès que je lui parlerais, je savais qu’il plongerait dans l’effroi.

Que répondre à cette question ?

- Mon frère, mon frère, mon frère…

Non, je ne pouvais pas dire l’indicible. Je ne pouvais pas le propulser dans ce monde d’après l’annonce. Pauvre garçon…

Je restais figée, muette, tremblante, au point de l’en inquiéter.

- Madame, il est arrivé quelque chose à votre frère ?

Je ne pus lui répondre, de nouveau. Je sentis alors monter la vague des larmes, une marée montante et jamais descendante.





Consigne en atelier du 08/03/24 Incipit : « Bonjour Madame, votre frère est il là? »


Catherine


Ce qui me reste

11h30. En avance à mon rendez vous, je m’assoie sur un banc de pierre. Je contemple la mer depuis le Carré du port de Toulon. Plantée en son milieu, la statue Cuverville pointe l’horizon de son index tendu. Le geste du colosse dénudé nous indique fermement une direction, celle du sud. Que veut-il nous dire ? Je l’entends.

- Je dénonce le cimetière méditerranéen. Qu’avez-vous fait à ces hommes, femmes, enfants, meurtriers du 21° siècle !

Parfois il nous invite au voyage et d’autres fois à fuir.

L’homme de bronze nous laisse à nos interrogations, libres de nos pensées et de notre imagination. Je me tourne alors vers le ciel. Mais les cieux sont impénétrables et impermanents. Des nuages gris et blancs se teintent subitement en bleu. Un bleu intense réchauffé par les rayons de soleil. Les reflets de la mer en sages miroirs obéissent au ciel.

Je vis dans un pays en paix. Pour combien de temps ? Nul ne peut prédire l’avenir… Des images de villes détruites par la guerre m’assaillent. J’imagine ma ville par terre et reviens à la réalité. Non, les immeubles sont toujours debout. Quelle horreur la guerre !

Ici et maintenant, des badauds passent. Seuls ou accompagnés. Chacun dans ses pensées, dans son histoire, dans sa vie. Je les attrape au vol.

Un homme tonique, la trentaine, pull marin, cheveux bruns mi longs, marche à grandes enjambées. Il paraît déterminé. Il avance. Une vie qui se déplace, si fragile et problématique.

Une mère parle à son téléphone placé devant sa bouche. Elle traîne un enfant par la main. Lui voudrait lui parler mais il n’est pas écouté.

Un vieil homme plié en deux se déplace. Un pas puis un autre. Ses jambes alourdies suivent péniblement. Lui aussi a été un enfant, un jeune homme, un actif, peut-être même un sportif. Mais c’était il y a longtemps…

12h30 Le temps passe... combien au compteur pour chacun d’eux et pour moi ?

L’homme de bronze montre ses fesses et n’en sait rien.





Consigne pour l’atelier du 15/03/24 en titre : « Ce qui me reste »

Catherine

mercredi 13 mars 2024

Conséquences

 Au-delà de toute logique, je m'imagine chaque jour me transformer en arbre, en oiseau, en fleur ou en montagne. D'autres destinations s'imposent parfois à moi : objets, lieux ou êtres humains.

Je sais depuis mon enfance que mon enveloppe corporelle n'est qu'un prétexte, une chimère. Un champ des possibles où je ne suis pas une seule et même personne, prisonnière d'un corps.

Et me voilà rouge gorge, chaise, pétale de fleur, livre oublié, poisson, hirondelle et même mineur de fonds… Je vole, je nage, je me rigidifie, m’identifie, me rajeunis ou me retrouve en cendres. Un large éventail de déguisements. Un carnaval vivant.

Je me fonds dans l'environnement tel un buvard épousant formes, textures, couleurs, accents. Personne ne s'en aperçoit. Eux, les autres, ne perçoivent que mon enveloppe corporelle. Ma transformation n'est pas visible, juste ressentie dans mon espace intérieur. Moi, je découvre, j’explore et ressens.

Le jeu des métamorphoses est un jeu à double tranchant qui demande effort de concentration et réflexion. Le danger est de ne pas vouloir revenir à l’original et de me retrouver plantée tel un épouvantail au milieu d'un champ ou ceinturée dans une solide camisole de force.




Consigne pour l’atelier du 08/03/24 En titre : Conséquence

Catherine

Conséquence

Quelle soirée, beaucoup de musique, boissons à discrétion, jolies filles, beaux garçons, les yeux brillent… Quelques « aides » ont été sûrement rajoutées pour profiter pleinement de cette fantastique soirée, oubliés les soucis, les tracas de la vie quotidienne, place à la danse et aux rires. 

Puis il faut penser à rentrer, les lumières s’éteignent, on se sépare à regret avec promesse de se revoir bientôt. 

*


Perché au plus haut, sur son arbre préféré situé sur une petite route traversant un joli petit bois, un oiseau solitaire lance trois notes joyeuses pour saluer ce nouveau jour naissant.

Soudain le chanteur effrayé s’enfuit, son arbre favori s’est subitement mis à trembler à cinq heures du matin, les feuilles s’agitent en tous sens. Puis c’est le silence, aucun bruit.

Le jour commence timidement à se lever. Premières lueurs à la cime des arbres du petit bois.

Soudain, tout change, beaucoup d’agitation, de voix fortes. Les faisceaux lumineux des véhicules de secours dansent la farandole au pied de l’arbre.

Puis tout se calme. Aucun bruit, sauf dans le lointain, un dernier bruit de sirène. L’arbre, toujours assez meurtri se retrouve seul.

Dans quelques jours, de jolies fleurs fraîchement coupées seront déposées à son pied, dans l’herbe tendre.


 

 

 

Consigne pour l’atelier du 08/03/24 : en titre Conséquences

Monique

mardi 5 mars 2024

Ô rage

Ô rage ! Ô désespoir ! Ô vieillesse ennemie ! N’ai-je donc tant vécu que pour ces vilenies !

Vous m’insultez mais vous ignorez que je suis sourd. Vous me croquez mais vous ignorez que je suis aveugle. Les chiens aboient et je passe avec ma caravane. Vos crachats ne m’atteignent pas, je poursuis ma route.

Vous êtes sourds, aveugles, crachats et vous ne le savez pas ! J’ai renoncé à vous éclairer de mes pauvres chandelles. Demeurez dans l’obscurité de votre cupidité et de votre égoïsme.

Fracassez-vous contre vos murs érigés de bave, de sang, d’argent et de haine. Vous êtes ces compagnies d’Attila débridées, menées par des commandants sans tête qui ravagent tout sur leur passage.

Je ne vous vois plus, je ne vous entends plus, vous ne me détruirez pas. Je ne me résoudrais pas à vivre dans votre monde construit à votre image.

D’autres générations grandissent et se soulèvent. Elles rejoignent ma caravane. Nous avançons vers la lumière d’un monde nouveau. Vous pouvez vous moquer et nous traiter d’utopistes. Certes, et même si vous êtes plus nombreux que nous, nous ne perdons pas l’espoir de vous regarder vous dévorer, vous déchirer car votre appétit est féroce. Je vous laisse l’illusion de nous exterminer. Nous ne sommes qu’au printemps d’une nouvelle ère.

Semons !





Consigne pour l’atelier du 23/02/24 : Sur un ton ironique, un narrateur, un personnage ferme les yeux sur une réalité

Catherine

La fermeture Eclair



Vite il faut que je passe ma robe. Je ne sais pas si j'ai fait le bon choix parce qu'elle se ferme dans le dos, ce qui n'est pas très pratique mais je l'aime beaucoup, je devrais y arriver avec un peu de souplesse. Avant de l'enfiler, pour mettre toutes les chances de mon côté, je prends la précaution de passer un peu de savon sec tout le long de la fermeture Eclair, ça facilite le glissement du curseur. Effectivement au début tout se passe à merveille et puis tout à coup arrivée au milieu du dos, point critique s’il en est, la fermeture Eclair se coince. Déjà que je suis en retard pour me rendre à ce diner chez nos amis ça ne va pas arranger les choses.


Comment parvenir à la décoincer maintenant ? Quoique je tente, en tirant la pauvre robe tantôt vers le haut, tantôt sur le côté et tantôt vers le bas, rien n’y fait, je vais finir par l’abimer. Alors c'est mon corps que je tortille dans tous les sens mais mes bras sont trop courts, impossible de saisir le curseur pour essayer de descendre ou de remonter la fermeture. Je n'ai pas d'autre choix que de tenter d'enlever la robe. J'essaye de la passer par la tête, elle se retrouve arrêtée par ma poitrine, j'essaye de la passer par le bas, là ce sont mes hanches qui la bloquent. Je commence à haïr mon corps.


Bien entendu ça m’arrive à un moment où je suis seule à la maison et où mon mari va directement chez nos amis sans repasser par ici.


Tout à coup me vient une idée : je vais sonner chez nos voisins de palier. C’est lui qui ouvre, sa femme est sortie. Nous sommes un peu gênés tous les deux, il faut dire que mon dos est plutôt dénudé. Néanmoins le voisin s’offre de m’aider. Ses efforts restent vains, il ne parvient pas à décoincer cette foutue fermeture.


Soudain la porte de l’ascenseur s’ouvre, c’est mon mari. Je vous laisse imaginer le spectacle qui s’offre à lui : moi à moitié débraillée qui semble sortir de l’appartement du voisin !


Et la seule phrase qui me vient spontanément : Mais tu ne devais pas aller directement chez nos amis ?

Martine F
Consigne : Titre : La fermeture éclair