Présentation

L’Atelier d’écriture de Solliès-Pont a commencé en septembre 2018 à l’initiative de Tristan Choisel, auteur de théâtre et de chansons. Pourquoi ? Pour s’initier à l’écriture de formes brèves (nouvelles, saynètes…), pour perfectionner son style ou pour simplement explorer son potentiel créatif. Nous sommes sept à partager nos textes dans la bienveillance, un peu d’humour et toujours avec beaucoup de plaisir. L’association « L’Atelier de Solliès-Pont » abrite cette initiative et vous pouvez nous rejoindre si, comme nous, vous avez l’âme d’un écrivain amateur.

Ce blog est la mémoire de notre travail. Il sert à mettre en lumière quelques-uns de nos textes. Enfin, il permet de communiquer entre nous plus facilement.

mardi 30 mars 2021

Elle était tranquille

Il croisa les mains de la femme en position de prière et abaissa ses paupières. Elle était tranquille. Il arracha la croix dorée pendue à son cou et la déposa sur son front. Dans sa besace il prit les escarpins rouges et les échangea contre les charentaises qu’il balança par la fenêtre. Il souleva la robe et dévoila les cuisses fripées. Avec un tube d’harissa du Cap Bon, il dessina un signe sur la cuisse gauche. Puis il chercha une porte de sortie.

Quand l’inspecteur pénétra dans la pièce, il tomba direct sur le cadavre encore chaud. La mise en scène était élaborée. Il fallait requérir son pote le profiler.

Dans la chambre du haut, il trouva l’aide à domicile en train de passer l’aspirateur. Il n’avait rien vu et rien entendu.

Le chat ronronnait dans son panier.

 

 

Consigne : Comme votre texte précédent, une fiction en 12 lignes privant le lecteur d'un certain nombre d'informations (pour lui permettre de les imaginer), et qui sera par ailleurs "l'exact contraire" de ce texte précédent (je ne précise pas, la consigne est volontairement floue, afin que vous l'entendiez comme vous le souhaitez !)

 

 

Assis par terre

Assis par terre au centre de la pièce, il tardait à se relever. C’était un fait : il avait du sang sur les mains. Il déploya lentement son grand corps maigre et chercha une porte de sortie.
 
Quand l’inspecteur pénétra dans la pièce, il perçut un bruit répétitif qui l’alerta. Il sortit son calibre et se dirigea vers l’endroit d’où provenait le son. Il se retrouva dans la cuisine. Le robinet coulait goutte à goutte. La porte battait dans le courant d’air. Il fit le tour du jardin, sans succès.
 
Dans la chambre du haut, il trouva Mme Elsa alitée, un peu sourde, qui ne l’avait pas entendu toquer.
 
Non, tout allait bien, rien à signaler. Elle vivait seule avec son chat et attendait son aide à domicile.





 
 
Consigne : Écrire une fiction de 12 lignes donnant certaines informations au lecteur, pas toutes les informations, lui permettant d’extrapoler, avec une fin ouverte. 
 
 
 

lundi 29 mars 2021

Bal poussière

C'est un de ces "bal-poussière" d'un samedi soir ordinaire. Les garçons du quartier sont tous là, ivres d'ennui, de rhum, déjà perdus. L'odeur épicée des cigares enveloppe la moiteur de la nuit tropicale. L'un des garçons m'invite à tanguer contre sa peau dorée. Un ange de beauté. Je vois dans ses yeux dévoyés qu'il n'attend rien. Une belle enfant au sourire de madone plante son regard dans le mien. Elle me berce dans ses bras le temps d'un air répétitif et lascif.
Je la retrouve devant la porte de ma chambre, le regard absent.






Consigne: texte troué

vendredi 19 mars 2021

La nuit souterraine

Fatiguée et refoulant une peur qui commence à s’insinuer, j’avance en rampant dans ce boyau étroit. J’entends Bastien, juste derrière moi, qui me rassure. Il ne reste que quelques mètres à parcourir, la fin du tunnel est proche. J’accélère ma reptation et débouche sur une grande salle souterraine. Puis Bastien me rejoint. Le lieu est magnifique. Les stalactites rejoignent les stalagmites dans un océan de couleur nacré de rose et or. Nous restons là, un long moment silencieux, à contempler ce décor magique tout droit sorti d’un conte de fée. Bastien me prend la main, éteint sa lampe et me demande d’en faire autant. J’obtempère. Mes yeux grands ouverts cherchent une lueur dans ce noir intégral. Mes oreilles ne perçoivent plus que les battements de mon cœur dans ce silence absolu. Étrange sentiment de perdre tous mes repères et de me sentir presque flotter. J’accède à un autre univers. Je me sens apaisée, confiante.



 
 
Consigne : écrire une fiction de 12 lignes qui se passe dans l'obscurité (au sens propre).

mardi 16 mars 2021

Alexia

Alexia est une petite brunette pleine de vie toute en rondeur. Ses yeux noirs, perçants, cachent une vive intelligence et son petit nez retroussé couvert de tâches de rousseurs lui donne un air de gamine espiègle. Elle sait jouer de son sourire narquois pour déstabiliser ses opposants et obtenir ce qu’elle désire. Elle est précise, rapide dans ses gestes, efficace. C’est une hyper active qui est capable de faire mille choses à la fois sans se fatiguer. Son métier de contrôleur aérien lui va bien car il lui demande de gérer le stress au quotidien sans faillir. Elle est admirée par ses collègues qui apprécient aussi en elle son excellent sens de l’humour. C’est parce qu’ils partagent le même sens de l’humour que son mari, Gérard, a pu la conquérir lorsqu’ils se sont rencontrés. Bientôt 20 ans de vie commune. Ils ont fait deux beaux enfants qui viennent de quitter le nid familial pour poursuivre chacun de leur côté une belle carrière professionnelle. Elle en est très fière, mais se retrouver seule avec Gérard l’a déstabilisée. Elle sent bien que leur couple bascule. Quelque chose d’indéfinissable lui fait penser qu’il la trompe. Le dernier week-end qu’il a passé avec ses meilleurs copains sonne faux.





Consigne : de créer un personnage (en vous inspirant plus ou moins de l'un des personnages apparaissant dans votre dernière ou votre avant-dernière fiction), et de présenter ce personnage en 12 lignes (de façon si possible plaisante à lire - pas une description trop clinique).
 
 
 

Le bunker

Sur la grève, le regard dans le vague, l’homme avance d’un pas languissant. Bien que la température hivernale soit fraiche, les rayons de soleil de quinze heures brûlent la couenne de son torse dénudé. Pas de vents homériques, seule une mer scintillante et une odeur d’algues en décomposition qui plane dans l’air. L’homme croise un promeneur qui est certainement surpris par son regard inexpressif et par son visage couleur vert d’eau. L’homme impassible trace son chemin. Au bout de la plage après un quart d'heure de marche, il gravit la falaise ocre et acérée qui écorche ses pieds nus. A seize heure il est arrivé au sommet, il se penche et inspecte la plage de sable qui se déploie devant la mer détendue. Le soleil d'hiver commence à décliner. L’allure de l’homme devient plus dynamique et son visage plus féroce. Près d’un bunker, il s’arrête, il saisit et allume une torche posée dans une niche à l’entrée de celui-ci et pénètre dans les entrailles de la forteresse. Il connait bien le lieu avec ses couloirs obscurs. Sans hésiter, le cœur au sommet de ses palpitations, il s’enfonce dans une pièce où une femme, les vêtements en lambeaux est prostrée.






En 12 lignes, une fiction dont la fin, la chute, nous révèle quelque chose d'inquiétant, ou d'effrayant, ou de terrible...
 
 

Tsunami

Cette espèce d'abruti qui l'aborde là à l'arrêt de bus, mais pour lui dire quoi au juste ? Qu'il est trop tôt pour être déjà dehors, qu'il fait froid, que le bus est en retard. Que de paroles inutiles ! Lui qui a toujours cherché du sens dans chacun de ses mots. Jamais une parole pour rien. Lui qui a passé des heures a piétiner dans le froid pour distribuer des tracts convaincants. Alors ce matin une haine sourde, violente, inattendue se réveille en lui au contact de ce bavardage futile, de cette plainte stérile. D'abord la colère le submerge, il a envie de lui écraser son poing sur la gueule à ce réactionnaire conformiste.

Puis quelque chose se fissure en lui en quelques secondes.

Et si c'était cet abruti qui avait raison avec son verbiage creux et si c'était lui qui n'avait jamais eu une parole vraie mais un discours toujours bien calibré, jamais pris en défaut.
Il accroche son regard à ce panneau de l'abribus : "Expédiez votre lettre d'amour dans l'espace. Votre courrier amoureux effectuera le plus long parcours de l'Histoire à bord de la Station Spatiale Internationale."

Lui qui a si souvent chanté l'Internationale se rend compte qu'il n'a jamais écrit de courrier amoureux.



Consigne : une situation dans laquelle le personnage précédent révèle quelque chose de lui qu'on ignorait.

 

 

lundi 15 mars 2021

Pauvre enfant

Que t’arrive-t-il ma pauvre enfant ? Je te vois bien en peine. Quel est ce gros chagrin que tu caches derrière ton écharpe ? Ton papa t’a disputée ? Oh, le méchant homme ! Est-il permis de gronder une si gentille enfant ? Que dis-tu ?! Et il t’a frappée ! Oh la la ! Mais tu sais que cela n’est pas autorisé ? Donne-moi ta main, nous allons réfléchir. Viens avec moi près de l’étang, nous serons plus à l’aise pour discuter. Passe-moi ton écharpe, nous allons nous attacher ensemble pour ne pas nous perdre. Oh mais quel joli cou … si blanc, si tendre !

 

 

 

 

Consigne : Utilisez le personnage précédent en le mettant en action de manière à révéler son caractère.

 

 

mardi 9 mars 2021

Une nuit de camping

On a organisé un week-end de camping pour faire une surprise aux enfants. On a tout préparé minutieusement : duvets, lampes frontales, popote. Dés qu'ils sont rentrés de l'école, on a pris la route, les gosses étaient très excités par l'aventure. On a déniché l'emplacement idéal, monté les tentes, en bord de torrent, à la lisière de la forêt. Tous les deux sous leur cabane de toile se tiendraient chaud et n'auraient peur de rien. C'était leur première nuit de camping. On s'est souhaité bonne nuit autour du feu. Au matin, avides de les apercevoir s'éclabousser le visage avec l'eau vivifiante du torrent, puis se serrer autour du lait fumant sur le réchaud, on est allé surprendre leur réveil. Leur tente était fermée, silencieuse, on a descendu tout doucement la fermeture éclair : personne ! On a couru vers la rivière, se disant qu'ils n'avaient pas résisté au plaisir de la vie sauvage et étaient déjà au bord de l'eau. Mais ils n'y étaient pas. Ils se sont sûrement cachés derrière un arbre et vont nous surprendre en nous bondissant dessus à l'improviste riant aux éclat. Mais rien ! On les a appelé, appelé, en vain... Une inquiétude diffuse a commencé à monter, puis on s'est ravisés : ils se sont cachés sous leur duvet ! Dans notre propre excitation, on a jeté un regard trop distrait sous la tente, on y retourne ! On a tout soulevé, rien ! On a exploré chaque recoin autour de nous. Puis tout s'est emballé... Depuis les questions tournent en boucle dans notre tête. On a raconté inlassablement la même histoire, la même version tous les deux, d'interrogatoires en interrogatoires.





Consigne : fin inquiétante.