Présentation

L’Atelier d’écriture de Solliès-Pont a commencé en septembre 2018 à l’initiative de Tristan Choisel, auteur de théâtre et de chansons. Pourquoi ? Pour s’initier à l’écriture de formes brèves (nouvelles, saynètes…), pour perfectionner son style ou pour simplement explorer son potentiel créatif. Nous sommes sept à partager nos textes dans la bienveillance, un peu d’humour et toujours avec beaucoup de plaisir. L’association « L’Atelier de Solliès-Pont » abrite cette initiative et vous pouvez nous rejoindre si, comme nous, vous avez l’âme d’un écrivain amateur.

Ce blog est la mémoire de notre travail. Il sert à mettre en lumière quelques-uns de nos textes. Enfin, il permet de communiquer entre nous plus facilement.

dimanche 30 mai 2021

En son absence

 Deux hommes sur un palier d’appartement :

Paul : Bizarre, cette femme… cette absence !

Pierre : C’est qu’on ne sait pas depuis quand elle est partie !

Paul : Encore que partir, c’est une action, une action volontaire, dont on peut témoigner. La personne qui est partie peut rendre compte de son action.

Pierre : Celui qui l’a vue faire peut nous en dire quelque chose : « C’était tel jour, le matin, le soir, il était environ telle heure, je m’en rappelle car j’ai regardé ma montre en me disant : Tiens, elle part déjà ! »

Paul : « Ou bien elle est en retard !  Il fait déjà jour, ou la nuit n’est pas encore tombée… »

Pierre : « Je m’en rappelle car je me suis dit : Tiens, c’est l’heure d’aller promener le chien, 16 heures.  C’est à 16 h que je le promène. »

Paul : « Comment elle était habillée, avait-elle un sac, une valise, l’air inquiet ou déterminé ? »

Pierre : « Est-elle partie à pied, avec sa voiture, a-t-elle pris un taxi ? Ou alors une voiture l’attendait en bas ? Est-ce  que j’ai vu qui conduisait, est-ce que j’ai relevé le numéro d’immatriculation ? »

De l’étage en dessous arrive l’inspecteur de police, il  présente sa carte :

L’inspecteur : Je vous écoute !

Pierre : Est-ce  que j’ai vu qui conduisait, est-ce que j’ai relevé le numéro d’immatriculation ? Et pourquoi aurais-je fait cela ? …Mais ce ne sont que des hypothèses !

L’inspecteur de police : Je n’aime pas que l’on fasse des hypothèses ! Les hypothèses, c’est mon métier. Ce qui m’intéresse ce sont les faits !

Pierre : Pardon, excusez-moi ! Si j’avais su, j’aurais été plus attentif. Je ne sais rien, je n’ai rien vu et rien entendu !

Est-ce que vous croyez qu’elle reviendra bientôt ?

 

 

Consigne : Écrire une fiction de 15 lignes maxi qui s’intitule « En son absence ».

 

 

Une belle demeure

Mais j’oublie de vous dire : parfois, à la nuit tombée, des formes étranges déambulent dans le corridor. Vous voyez le cadre à gauche de la cheminée ? C’est mon trisaïeul. Et bien il est mort dans des circonstances pénibles, le crâne broyé par la chute du lustre en cristal. Admirez la hauteur sous-plafond, les dimensions du salon sont royales. C’est ce qui vous a plu quand vous avez pénétré dans la maison n’est-ce pas ?! Nous sommes dans une demeure qui a une histoire, du corps, de la chair et du sang, oui du sang ! Car paraît-il des crimes inexpliqués y ont eu lieu, enfin selon la légende familiale. Alors parfois quand on entend à la lueur des bougies comme des bruits de chaînes, des murmures, des plaintes, on a tôt fait de songer au retour d’une âme errante. Quelle imagination débridée !

Mais je vois que vous avez l’air d’avoir la tête sur les épaules et le raisonnement cartésien. Ce ne sont pas ces sottises qui vont vous faire renoncer à votre coup de cœur ! Croyez-moi, cette demeure est vraiment fabuleuse !

 

 

Consigne : Écrire un texte qui commence par : « Mais j’oublie de vous dire ».

 

En son absence

J'ai soupiré d'aise, me suis alanguie sur le sofa, j'ai regardé monter le jour, feuilleté d'un air distrait le courrier. Le temps a passé, je ne l'ai pas vu passer. J'ai écouté une émission de jazz, puis me suis délectée de fruits trop mûrs.
Je me suis laissée glisser dans le hamac, j'ai allumé une Lucky Strike. J'ai regardé passer les nuages puis le paquet y est passé. Je me suis laissée bercer. Puis doucement le jour s'en est allé, j'ai consulté ma Swatch. Le temps s'est étiré, j'ai écouté les enfants rentrer du lycée, les rires des derniers passants, les hirondelles frôler les toits. J'ai regardé l'heure. Le silence s'est installé, j'ai frissonné, remonté le zip de mon sweat , fumé ma dernière cigarette. Le vide m'a saisi. J'ai jeté un coup d’œil à mon smartphone, encore cherché l'heure. Mon cœur s'est mis a cogner et son absence m'a envahie.



Consigne : titre : en son absence.


jeudi 27 mai 2021

L'absent

Mais j’oublie de vous dire que ce n’est pas par hasard s’ils ont combattu ensemble. Ils avaient grandi dans le même village, étaient allés dans la même école, avaient fait des fêtes ensemble, des bêtises aussi, ri beaucoup et pleuré parfois. Devenus des hommes, une même cause les avait unis, libérer la France de l’envahisseur. Ils avaient créé un réseau pour mener des actions de sabotage et quel que soit leur métier, leur religion, ils se relayaient pour aider des familles à échapper à une arrestation. Leur mission consistait aussi à surveiller la position de l’ennemi, ses déplacements pour en informer les lignes arrières. Ce soir-là, ils devaient baliser un terrain dans une clairière afin de permettre le largage d’armes et les récupérer. Ils s’étaient tapis ensuite à la lisière de la forêt pour attendre le chargement, avaient entendu le ronronnement du petit avion au-dessus de leurs têtes puis assisté au largage. Ils avaient attendu quelques minutes avant d’aller récupérer les colis. Un à un, silencieusement, ils étaient sortis de leur cache et s’étaient avancés dans la clairière. Vite, courir, prendre un ballot, revenir vers la forêt, se disperser, et courir encore pour disparaître. Soudain des coups de feu, un cri, puis le silence... Se cacher, attendre, et, plus tard, se retrouver tous. Sauf un. C’était mon père.





Consigne : incipit : mais j'oublie de vous dire... 
 
 
 

samedi 22 mai 2021

Quiproquo

- Bonjour ; Vous attendez le bus pour Paris ?
- Oui. Mais… Oh ! je vous connais... Je sais… Nous nous sommes rencontrés l’an dernier au mariage de Paul.
- Paul ? Je ne connais pas de Paul.
- Mais si, Paul Anvers, le député.
- Mais je vous dis que je ne connais pas plus de Paul machin chose que de député.
- Pourtant vous devriez vous en souvenir, car moi, je m’en souviens très bien ! C’était tellement drôle !
(rires)
- Ah oui ? Pourquoi ça ? Je ne vois vraiment pas ce qui vous fait rire.
- Mais si, le mec qui avait tellement bu qu’il est tombé dans la piscine. C’était vous.
- Ah ! (il éclate à son tour de rire). Oui, je vois de quoi il s’agit ! Et bien non monsieur, “le mec” dont vous parlez, ce n’est pas moi mais mon frère jumeau ! Sur ce, salut, le bus arrive.
 







Consigne : saynète 30 secondes

La gaffe

Nous nous étions donné rendez-vous au restaurant de la plage pour notre rencontre annuelle. Un an déjà, un an juste que nous ne nous étions pas vus. Petit à petit le groupe s’agrandissait, deux, six, bientôt une dizaine… Les accolades, les embrassades, les questions banales. Comment ça va ? qu’as-tu fait cette année ? Un voyage ? Et tes parents ? Les enfants ? D’autres arrivent encore, et le niveau sonore monte encore d’un cran. Des rires, des bouchons qui sautent. On ne sait plus qui pose les questions, à qui on répond. C’est joyeux, bon enfant, on dirait des potaches qui se retrouvent après les vacances ! A un moment j’ai demandé si tout le monde était là. C’est là que j’ai commis une erreur, j’ai dit à Paul : tu es venu sans Christine ? Ils m’ont tous regardé comme si j’étais un extraterrestre, particulièrement Paul. Comment ? Je ne savais pas ? Non… apparemment, j’étais le seul à ne pas savoir. Que s’était-il passé ?





Consigne : dans le texte : c'est là que j'ai commis une erreur.

Danser avec le loup

On l'a livrée sur un trottoir de Paris. On lui a dit : "tu vas danser avec le loup maintenant". Daphné a chancelé d'abord, la Mercedes noire est repartie très vite. Tout s'était passé si vite depuis qu'on l'avait kidnappée dans une rue de Moldavie. La terreur ne l'avait plus quittée. Les hommes venaient de la débarquer sous l'enseigne rouge d'un hôtel qui clignotait dans le soir. Elle s'est mise a pleurer, mais ses pleurs personne de les a entendus. Sa prunelle absente rendait son regard docile. Sa beauté Slave éclaboussait la rue. Cette rue si sombre. La peau blanche sous le rouge écarlate de la jupe irradiait. Pour conjurer sa peur, elle s'est mise a jouer machinalement avec une mèche blonde, comme lorsqu'elle était petite. La barrette accrochée dans ses cheveux révélait l'enfance encore si proche. Quand l'homme de façon infiniment ironique lui a dit :"danse avec le loup", elle a repensé à l'épaisse forêt qui entoure son village et elle a frissonné.



 
Consigne : question d'un loup.

Un jour au mauvais endroit

Il n’était jamais allé aussi loin. S’était-il perdu ou avait-il eu envie de voir, inconsciemment, comme malgré lui, comment c’était là-bas ? Que cherchait-il vraiment ? Il n’en connaissait que ce qu’en disaient les journaux car les deux mondes ne se mélangeaient pas. De rares passants le regard vide, furtifs, comme une ville abandonnée, désertée, des papiers virevoltant au gré d’une légère brise. Où sont les gens qui vivent dans ces maisons aux yeux clos ? Il avance, étonné mais sans crainte, quand soudain, des cris, des gens qui courent. Mais d’où sortent -ils ? Lui ne bouge pas, intrigué, il ne sait que faire. Courir ? Quelle direction prendre ? Il ne sait plus. Des gens le bousculent lui crient des mots qu’il ne comprend pas. Il reste là, figé sans réaction.
Et puis, bang ! Après... le silence… Il était juste là, un jour, au mauvais endroit.







Consigne : ?

Le poids des mots

 Deux parents discutent en attendant la sortie de l’école

- Au fait, avez vous vu le petit Jules ces derniers temps ?
- Non, je n’ai pas fait attention. Pourquoi ?
- Je le trouve bizarre. On dirait qu’il nous évite comme s’il se cachait. Lui toujours si joyeux, il ne parle même plus avec ses copains.
- Vous croyez qu’il a des ennuis ? Pourquoi ne pas lui poser la question ?
- Mais s’il nous évite, je n’ose pas le questionner. C’est délicat.
- Bon, je vais voir ce que je peux faire. Peut être demander à ma femme d’en parler avec sa mère.
- Oui, pourquoi pas, on verra bien.

Quelques jours plus tard

- Alors ? Vous avez pu savoir quelque chose ?
- Ouh là là ! Je comprends pourquoi Jules est si triste. C’est très grave.
- Ah oui ?
- Son père a été arrêté.
- Arrêté ? Mais pourquoi ?
- C’est délicat, j’ai promis de n’en parler à personne. Mais, chut, voilà Jules.





Consigne : fin inquiétante. 

 

 

 

vendredi 21 mai 2021

Un secret

Vous, mes amis, il faut que je vous dise un secret qui a hanté toute ma vie.
Quand ma femme partait travailler, je restais seul dans l’appartement à tourner en rond. Je ne savais que faire de mon temps, jusqu’à ce jour où elle vint sonner à ma porte. « Bonjour Monsieur, je suis la voisine du dessus, et je suis très ennuyée. Il y a une fuite d’eau à la salle de bain. Pouvez-vous venir voir ? » Je montai chez elle et réparai sommairement la fuite. Je lui dis « il faudra que je revienne, cette réparation n’est que provisoire, il faut changer le système.
» C’est ce que je fis dès le lendemain. Pour me remercier elle me proposa un café et nous nous mîmes à discuter de sa vie, de ses goûts, de sa solitude. Elle était jolie, ses yeux brillaient quand elle me regardait, elle m’attendrissait. Me voyant disponible elle me parla aussi des petites réparations à faire chez elle. Si bien que je fus amené à monter chez elle de plus en plus souvent et que, vous le comprendrez, une relation plus intime s’instaura naturellement et ce pendant plusieurs années.
Un soir, en rentrant, ma femme me dit :
« as tu remarqué que la voisine du dessus est enceinte ? Pourtant on ne voit ni n’entend jamais personne venir chez elle. C’est curieux. » Je bredouillai une vague réponse. J’aurais dû, j’aurais pu… mais j’étais lâche.
Peu de temps après elle déménagea et je ne sus jamais ce qu’ils étaient devenus, elle et l’enfant. Longtemps j’ai espéré qu’un jour on sonne à ma porte...







Consigne : titre : En son absence (l'autrice a fait le choix de plutôt l'intituler Un secret). 

 

mardi 18 mai 2021

Hymne à la joie

Un hymne à la joie l'avait propulsé quelques semaines auparavant dans une gerbe de fumée et sa comète de feu a traversé la stratosphère sans contrepoint. Il a joué une fugue en apesanteur, une portée de notes par delà les étoiles et les nuages. Là ou le ciel et la mer ne sont plus qu'un mirage. A moins que ce ne soit une sonate égrainée depuis la Station Spatiale Internationale ? Il a improvisé sur son saxo une symphonie sidérale. C'est pourtant un homme de chair et de sang et moi, d'une oreille profane, j'ai imaginé sa mélodie.




 
consigne: texte libre de 5 L
 
 
 
 

lundi 10 mai 2021

Histoire courte

Il l’aime, c’est sûr il l’aime. Pourquoi ne l’a-t il jamais dit ? Il faut qu’elle le sache avant qu’elle ne quitte définitivement le pays. Il ne doit pas la laisser partir. Vite, la rattraper, après, il sera trop tard, il ne la reverra plus. Il court dans les rues, bousculant les passants. Il garde l’espoir qu’elle n’ait pas encore embarqué. Arrivé au port, il cherche le bateau, il questionne les gens sur le quai. Celui là ? Non, l’autre là-bas…. Mais il n’est déjà plus qu’un point noir sur l’horizon.



 
Consigne : sujet libre en 5 lignes. 
 
 
 

samedi 8 mai 2021

La vengeance

Il installe sa femme à la table de leur restaurant berlinois préféré. Malgré son âge, elle est très belle dans sa robe en cachemire d’un bleu profond, très classe. Elle lui sourit. Un vieux couple complice très distingué. D’un claquement de doigt, il demande le menu au garçon qui s'exécute. Une conversation discrète à peine audible les anime. « Qu'est ce qui te ferait plaisir ma chérie ? Leur strudel aux pommes est purement divin ». Il fait chaud dans ce palace typique des années 1900 mais il garde sa veste. Tenue toujours impeccable jusqu’à l’obsession. Il a beaucoup vieilli, le front est un peu dégarni, le visage plus anguleux, les pommettes saillantes. Mais c’est bien lui. Ce regard bleu acier perçant et scrutateur, ce sourire sans lèvre pernicieux et sadique, ces mains fines de pianiste qui pointaient d’un doigt accusateur. Toujours aussi altier, fier, sûr de lui. Il doit avoir dans les soixante-dix ans. Quarante ans que la guerre est finie, j’avais juste dix ans mais je n’ai rien oublié. Après trente cinq ans de traque, je l’ai enfin retrouvé. Le bourreau ne sait pas encore que sa fin approche.







Consigne : une fiction de 12 lignes où le narrateur ne nous révèle qu'à la toute fin en quoi il est concerné par l'histoire qu'il vient de nous raconter, histoire impliquant un ou plusieurs personnages (autres que lui).
 
 

mardi 4 mai 2021

Là-bas vers le Nord

Tout aurait pu bien se passer s'il avait accepté son sort. Mais au lieu de ça, il s'est pris a rêver. A rêver d'une vie de l'autre côté de la mer.
Là-bas les pluies sont plus douces, les saisons plus colorées, la chaleur moins cruelle. Là-bas, tout est facile.
Il n'en parlait à personne d'abord, puis il prononçait des noms de pays lointains comme des litanies.
Il a commencé à les murmurer aux enfants comme des comptines. Mais sa mère ne devait rien en savoir.
Puis, il a échafaudé des plans, a fini par quitter le village. Il a emporté une poignée de sable, une bouteille d'eau fraîche puisée dans la cour, un tee-shirt et a pris le chemin du Nord.
Il a marché, marché, combien de jours, il ne sait plus.




 

Consigne : incipit : tout aurait pu bien se passer. 







lundi 3 mai 2021

Une oeuvre

C’était paraît-il le clou de l’exposition. Moi ça ne me disait rien, rien du tout. Il y avait de grands traits alignés, du noir, du noir, et puis comme une vague, une vague rouge qui frisait, frisotait, s’élevait, éclaboussait, pour retomber. Et le tableau a fait son œuvre… comme un tambour chamanique : j’ai lâché prise. La vague a giclé du tableau et soudain j’étais en sang. C’était peut-être ça la force de l’œuvre. Ressentir sa souffrance. Puis les traits noirs se sont animés et une musique forte et péremptoire est montée crescendo dans les graves, une musique qui ordonnait, elle m’ordonnait de me laver de mon sang et d’entrer tout entière dans la toile, pour disparaitre et puis renaitre.


 

 

Consigne : Faire la description d’une œuvre d’art imaginaire 

 

 

On l'a appelé l'Argentin

Pour fuir la pauvreté, il avait décidé de partir en Argentine pour faire fortune. En revenant, riche, il pourrait alors épouser la belle Maria, la fille de Don Roberto, le maître du domaine où il était né et où il avait grandi aux côtés de celle qui était devenue la plus jolie des filles du pays catalan. Il était sûr que son cœur battait au même rythme que le sien et qu’elle l’attendrait. Elle le lui avait promis.
On lui avait dit que là-bas, les plaines étaient immenses et qu’il y avait du travail pour tous ceux qui ne plaignaient pas leur peine. Alors, un soir, avec d’autres compagnons qui comme lui cherchaient fortune, il avait pris son baluchon et ils étaient partis. D’abord passer les Pyrénées pour rejoindre la France et ensuite trouver un de ces gros bateaux qui traversaient l’océan et l’emmènerait dans ce pays de rêve.
C’était presque l’hiver et quand ils atteignirent les hauteurs, le froid se fit sentir. Mais ils marchaient vivement sans échanger un mot, il fallait ménager son souffle. Ils savaient qu’après le sommet, ils seraient en France et qu’ils leur faudrait éviter de se faire prendre par les garde frontières. La nuit noire saurait les protéger. La fatigue, le froid en décourageaient parfois certains, mais les autres étaient là pour qu’ils se relèvent et continuent à marcher. Un peu d’eau, un morceau de pain, et ils reprenaient la route. La descente était plus dangereuse encore que la montée. Le chemin escarpé, étroit, les pierres qui roulent risquaient à chaque pas de les entraîner dans une chute mortelle. Mais rien n’aurait pu les arrêter, leur faire abandonner leur rêve.
Ils arrivèrent bientôt près d’un village encore endormi. Seul le boulanger les vit passer. Il leur tendit une miche de pain tout juste sortie du four. Il avait l’habitude de voir ces pauvres gens traverser le pays pour tenter leur chance ailleurs. Ils continuèrent leur route, se cachant le jour, marchant la nuit pour éviter de se faire arrêter. Parfois quelques jours de travail dans un domaine peu regardant sur leur nationalité leur permettait de gagner un peu d’argent. Certains restaient espérant en gagner assez pour retourner au pays et retrouver leur famille. Lui, n’avait pas encore atteint son but.
Le voyage fut long avant d’arriver devant cette vaste étendue d’eau dernier obstacle à franchir avant la grande aventure. Il rôdait sur les quais en quête d’un travail qui lui permettrait de se faire embaucher sur l’un de ces rafiots et ainsi partir, devenir riche, et retrouver Maria, la marier, et lui faire des enfants.
Un jour enfin la chance lui sourit. Il embarquerait demain dès l’aube, peu importait le travail sur le bateau, il serait bientôt là où la vie est plus belle.
En attendant l’aube, il partit à la découverte de la ville qu’il n’avait pas encore eu le temps d’explorer. Il n’avait jamais vu autant d’hommes et de femmes déambulant, riant, la cigarette aux lèvres, s’interpellant d’un bord d’un trottoir à l’autre. Un homme s’approcha de lui : "n’ayez crainte lui dit il, vous pouvez me faire confiance, nous sommes semblables, je sais d’où vous venez. Nous pourrions aller boire un verre." Ils entrèrent dans une de ces nombreuses gargotes où s’entassaient les marins attendant de repartir mais aussi de filles cherchant une bonne aubaine. Ils prirent un verre de vin, un deuxième, puis encore et encore jusqu’au moment où il ne fut plus capable de parler, de marcher. Des hommes l’empoignèrent et le jetèrent sans ménagement sur le trottoir. Au petit matin, quand il s’éveilla il était menotté, entouré de gendarmes dans une fourgonnette qui roulait à vive allure. Où était il ? Où l’emmenait-on ? Il était trop fatigué pour poser des questions. Il avait peur. Dans un éclair de lucidité, il se souvint, le bateau ! Il allait manquer le départ du bateau... Alors il se mit à pleurer. Il savait ce qu’il allait se passer. Les gars du pays en avaient parlé. Il serait reconduit à la frontière et il devrait se débrouiller pour rentrer chez lui. Rentrer ? Mais il ne pouvait plus se présenter à ses parents qui avaient donné leurs maigres économies pour qu’il vive son rêve . Et Maria ? Jamais son père n’accepterait qu’elle se marie avec un moins que rien ! Comment avait-il été assez imprudent pour se laisser berner ainsi ? Arrivé au pied de la montagne on le fit sortir sans ménagement du fourgon et on lui cria de repartir dans son pays, puis le fourgon disparut. Que faire ? Il n’avait plus rien, plus d’espoir. Il s’assit au bord du chemin et s’endormit. Il fut éveillé par des bruits de voix. Un groupe de jeunes hommes, baluchon sur l’épaule, marchaient d’un bon pas. Il savait où ils allaient. Il se leva et les suivit.







Consigne : sujet libre en 45 lignes.