Présentation

L’Atelier d’écriture de Solliès-Pont a commencé en septembre 2018 à l’initiative de Tristan Choisel, auteur de théâtre et de chansons. Pourquoi ? Pour s’initier à l’écriture de formes brèves (nouvelles, saynètes…), pour perfectionner son style ou pour simplement explorer son potentiel créatif. Nous sommes sept à partager nos textes dans la bienveillance, un peu d’humour et toujours avec beaucoup de plaisir. L’association « L’Atelier de Solliès-Pont » abrite cette initiative et vous pouvez nous rejoindre si, comme nous, vous avez l’âme d’un écrivain amateur.

Ce blog est la mémoire de notre travail. Il sert à mettre en lumière quelques-uns de nos textes. Enfin, il permet de communiquer entre nous plus facilement.

mardi 23 novembre 2021

Intelligence Humaine

- Bonjour ! Je m’appelle IH. Je suis votre nouvelle assistante des Normes.
- Bienvenue IH ! Tu remplaces donc IA, tu la connais ?
- Bien sûr, nous sommes issues du même serveur, mais elle échoué au degré d’évolution H.
- Ça ne m’étonne pas ! Elle était un peu artificielle, surfaite et répétait toute la journée, « le temps c’est de l’argent ».
- N’en parlons plus. Au travail ! Commençons par le rapport boursier, suivront les délations et compte rendu de pensées.





5 lignes, sujet libre

Catherine

Un papier froissé

La vraie vie est là, miroitante et fragile. Elle s'impose comme une évidence. Il suffit de poser son corps, de se laisser pénétrer par le soleil. Elle nous enveloppe comme un papier de soie. Mais quelquefois, elle nous râpe aussi comme un papier de verre. Pourtant, il suffirait de regarder le ciel ou la mer...
Pourquoi, alors, cet attrait irrésistible vers cette délicieuse angoisse, cette torture de l'âme ? Chiffonner du papier pour aller fouiller tout au fond.







Texte de 5 lignes, sujet libre

Christiane

dimanche 21 novembre 2021

La rencontre

Après toute cette agitation pour les préparatifs du départ et les au-revoir qui n’en finissaient pas, Lison se retrouve bien seule dans ce bus qui la ramène à Paris. Le crépuscule l’enveloppe peu à peu. Les passagers se sont installés pour la nuit. Le moteur ronronne doucement. Elle est consciente que quelqu’un est assis juste à côté d’elle mais elle décide de l’ignorer. Elle n’a pas envie de compagnie. Elle s’étire et cherche la bonne position pour dormir. Elle ferme les yeux et glisse peu à peu dans une douce somnolence. Des images apparaissent. Les longues balades au bord de l’eau sur la plage. La douce caresse du sable mouillé sur ses pieds, le clapotis des vagues, la multitude de reflets argentés qui scintillent dans le soleil couchant. L’odeur des goémons qui lui titille les narines la surprend. Elle se secoue mais les souvenirs reviennent à la charge. Le feu de camp crépite. Des flammes s’échappent des confettis de toutes couleurs qui s’élèvent dans la nuit. Des phrases d’amour et d’amitié lui reviennent en mémoire et l’enveloppent. Elle ressent une douce chaleur dans son corps. Elle murmure cette chanson qui revient sans cesse comme un fil rouge dans leur complicité. Robert, le casse-cou de la bande, sa casquette toujours rivée à l’envers sur sa tête la regarde d’un air narquois. On parie ? Elle revoit la falaise blanche, d’un a-pic vertigineux et frissonne. Cette rivalité incessante avec Adrien aurait pu leur coûter cher. Malgré les protestations des filles, ils ont osé. Quel soulagement de les voir réapparaître dans l’eau plusieurs mètres plus bas, s’éclaboussant de rire et fiers de leur exploit. Elle sourit. Le nez couvert de chantilly de Simon, son clown préféré, ses cheveux en bataille et sa dégaine d’ado dégingandé. Cette énorme glace italienne qu’ils partagent à six sous les yeux moqueurs du serveur sympathique qui leur offre une double ration de chantilly. Simon, l’éternel retardataire, l’étourdi de service qui oublie son maillot pour aller se baigner et finit tout nu sous les yeux réprobateurs des vacanciers. Elle soupire. Des yeux verts où pétillent quelques pépites d’or, des cheveux satinés d’un blond cuivré, une peau douce et dorée par le soleil : la beauté sans fard de Sara. Un picotement de jalousie la fait frémir. Ne sois pas stupide, tu l’adores ! Sara, la douce, réservée, attentionnée, artiste. Les couronnes de fleurs qu’elle pose délicatement sur nos têtes émerveillées, les bandanas qu’elle dessine sur le sable et que nous avons tous signés de nos prénoms enlacés. Un frôlement la gêne un peu. Lison se retourne face à la vitre. Les pensées reviennent. Elle court, court, danse sur la plage. Toujours en mouvement. Isabelle, le garçon manqué. Petite brunette sportive toute en muscles. Une confidente toujours à l’écoute qui sait garder les secrets mais qui reste secrète. Ses regards lumineux tournés vers Sara dévoilent son homosexualité. L’embarras de Sara ne lui donne aucun espoir. Lison soupire. Quelle tristesse ! Ses amis lui manquent déjà. Le sourire moqueur d’Adrien la contemple. Coup de foudre instantané. Il lui prend la main et l’entraîne dans l’eau. Ce premier baiser échangé dans les vagues, doux, léger, terriblement romantique. Elle a complètement craqué. Leurs corps qui se parlent dans une symphonie de caresses. Elle frémit. Un charme fou dont il a pleinement conscience et c’est ce qui la tracasse. Leur histoire jusque-là est un conte de fée mais elle n’est sûre de rien et reste assez lucide pour savoir que les promesses échangées ne seront pas éternelles. Son cœur déborde de tristesse. Elle écrase une larme de ses doigts, ouvre les yeux pour échapper à sa peine. A travers la vitre, elle contemple les lumières de la nuit derrière le rideau de gouttelettes. Même la pluie pleure ! Croix de bois croix de fer, ils ont tous juré de ne jamais se séparer. Elle refuse ce départ, cette grisaille. Elle se rebelle contre cette vie injuste qui ne lui autorise pas le bonheur. Elle voudrait que sa vie s’arrête là. Elle ouvre les vannes, laisse échapper son chagrin et sanglote doucement.
« Tenez. »
Une main apparaît devant ses yeux tenant un mouchoir. Elle le prend et se mouche bruyamment. Lison lève des yeux étonnés. Un regard plein de compassion l’enveloppe. Des petits yeux tout flétris, un visage couvert de rides et un sourire qui se dessine en coin.





Consigne : 45 lignes (sujet libre).

Aliette

(Sans titre)

Jeannette entend le coq chanter. Il est encore un peu tôt pour se lever, mais elle n’a pas fermé l’œil de la nuit, envahie de sentiments contraires faits d’un mélange de peur, d’excitation, d’anxiété, mais aussi de chagrin de quitter les siens pour l’inconnu.
Elle n’arrive pas à se rendormir aussi elle se lève doucement, faisant attention de ne pas réveiller sa grand-mère ni son jeune frère qui dort avec elle dans le lit clos de la pièce commune. Elle caresse son chien et sort avec lui, en chemise de nuit, dans le jour qui se lève pour faire un dernier tour dans les écuries dire au-revoir aux vaches et aux cochons puis dans la basse-cour voir les poules et les lapins.
Lorsqu’elle revient tout le monde est levé car on doit l’accompagner au bourg pour prendre le car qui la conduira jusqu’à la gare. Elle déjeune avec eux le cœur gros, aide sa petite sœur à manger qui lui demande de ne pas partir, de rester avec elle.
Après sa toilette elle va mettre ses habits neufs, ses habits de ville, achetés exprès car elle ne pouvait pas aller à Paris avec son costume de tous les jours et son béguin, ni même celui du dimanche avec sa belle coiffe. Ça lui fait tout drôle de se voir habillée comme cela d’une jupe avec un simple chemisier et surtout avec ses cheveux sans chignon, juste coiffés d’une queue de cheval. Heureusement sa jeune tante Yvonne est venue avec elle acheter ses nouveaux habits pour le voyage en lui montrant comment les mettre et lui en a donné d’autres plus simples pour tous les jours. Ce qui l’angoisse le plus c’est de porter des chaussures à la place des sabots qu’elle porte tout le temps. Heureusement pour les 5 kms qui la séparent du bourg elle va garder ses sabots, elle ne mettra ses chaussures qu’avant de monter dans le car.
Elle met sa veste et va se regarder dans la glace de l’armoire. Elle ne se reconnait pas et ne se sent pas à l’aise dans ses nouveaux vêtements. En plus ils ne cachent pas toutes ses jambes, elle aurait froid sans les bas que lui a tricoté sa grand-mère.
Le cœur gros, elle sort de la maison après avoir embrassé sa tante et sa petite sœur. Son père l’attend avec sa valise. Sa grand-mère est prête aussi puisqu’elle prend le car avec elle pour aller passer quelques jours chez sa fille Jeanne et lui rapporter des produits de la ferme.
Ils s’apprêtent à partir quand la porte s’ouvre à toute volée et son jeune frère Joseph arrive à grands coups de sabots en finissant de s’habiller :
- Je viens avec vous.
- Bon, dit le père mais allons-y maintenant sinon on va rater le car. Il faut que tu marches vite Joseph.
- J’ai l’habitude papa quand je vais à l’école avec les cousins, ils marchent plus vite que moi.
- Bon on va couper à travers bois, c’est plus court.
Ils entament leur marche à travers bois, la main de Joseph dans celle de Jeannette. Ils ne parlent pas, chacun perdu dans ses pensées.
Le père est contrarié par le départ de sa fille, il la trouve trop jeune, seize ans à peine, il a peur pour elle des dangers de la capitale, la guerre lui ayant ouvert les yeux sur le monde extérieur et ses dangers, mais il sait qu’il est obligé d’obéir à la comtesse qui lui a trouvé une place.
La grand-mère regrette le départ de sa petite fille si courageuse qui l’aidait bien aux travaux de la ferme mais ils sont trop nombreux maintenant dans cette maison séparée en deux entre ses deux fils avec les bébés qui arrivent.
Joseph sait que sa sœur va lui manquer, celle-ci s’étant bien occupée de lui, surtout pour ses devoirs, après le décès de leur mère il y a six ans.
Jeannette a mal au cœur de quitter la ferme, sa famille, son enfance et la langue bretonne qu’elle parle encore en famille. Elle essuie discrètement une larme, regarde bien autour d’elle pour s’imprégner du paysage qui a déjà pris les couleurs de l’automne en humant la bonne odeur de la campagne.
Arrivés au bourg, elle aperçoit avec soulagement sa copine Georgette qui part avec elle à Paris. Elles ne seront pas dans la même famille, mais sans prendre conscience des distances à Paris, du fait qu’elles peuvent être loin l’une de l’autre, elles savourent toutes les deux l’idée de prendre ensemble le train, ce gros monstre qui fait de la fumée et sont contentes d’être toutes les deux habillées pareil.





Consigne : 45 lignes (sujet libre).

Armelle
 

 

jeudi 18 novembre 2021

La poupée d'Ondine

Piotr ne cesse de s’interroger. « Mon fils de cinq ans a compris qu’une naissance s’annonçait et moi je n’ai rien vu du tout. Je suis vraiment naïf... Quinze semaines de grossesse ! Il était temps. Cet enfant ne verra ni son frère ni sa mère. Cette partie de cache-cache n’a que trop duré. Je suis le père et j’ai le droit de m’opposer à cette naissance. Je ne veux pas d’un enfant dans le dos. Elle a voulu jouer, elle a perdu la partie. Échec et mat ! Direction avortement, de gré ou de force »
Piotr n’y va pas par quatre chemins. Un rendez-vous est pris pour le lendemain avec son ami gynéco.


Ondine doit en une seule nuit déterminer le restant de ses jours. A-t-elle vraiment le choix ? S’enfuir avec son Petit Paul ? L’arracher à son sommeil, à son père, à sa maison ? Où se réfugier ? Qui accueillerait dans l’urgence une femme enceinte avec un enfant de cinq ans ?
Les questions jaillissent aussi vite que les heures défilent...Ondine se perd, s’embrouille, désespère. Elle ne peut pas abandonner son fils et partir seule. Elle réalise qu’elle ne pourra pas assumer la charge de ses deux enfants. Son salaire d’auxiliaire de vie n’y suffirait pas. Elle ne peut pas non plus abandonner « ses vieux » comme elle a coutume de les appeler. Elle leur est indispensable et souvent l’unique dépositaire de leur mémoire. Elle se compare à un coffre à tiroir. Chacun a le sien. Il suffit d’en ouvrir un pour y trouver, enroulés, les souvenirs d’une vie passée en espoirs, déceptions, illusions, rêves, peurs…
Ondine se perd dans ses réflexions. Penser à « ses vieux » en cette nuit fatidique est vraiment absurde. Penser à eux la rassure. Elle existe à leurs yeux. Mais un rendez vous est pris pour le lendemain. Elle doit se recentrer sur ses enfants.
Fantine, ma petite Fantine, pense-t-elle, en caressant son ventre.
« Fantine, mon doux bébé, je sais que tu m’entends. Tu t’es si bien cachée jusqu’à présent. Tu es en danger. Alors demain, il faudra être encore plus forte. Trouve un endroit où personne ne pourra t’attraper. Tu vas y arriver, je le sais, je le sens. Je ne le supporterai pas si tu n’y parviens pas. Cherche, mon corps est tout à toi, tu ne me feras pas mal. »
Ondine, persuadée d’avoir enfin trouver la solution salvatrice, s’apaise et s’endort au petit matin. Elle se rend à la clinique pour une interruption de grossesse, ni de gré ni de force, mais docile, déterminée, convaincue.
Surpris par cette résignation, Piotr se garde de la questionner pour ne pas déclencher de tempête. Il a demandé qu’une anesthésie générale soit pratiquée pour éviter tout changement de décision devant le médecin.
« Réveillez-vous madame, tout s’est bien passé. Il n’aurait pas fallu attendre quelques jours de plus… N’hésitez pas à m’appeler si souci. Je vous conseille de ne pas faire d’efforts et surtout la prochaine fois, n’oubliez pas votre contraceptif pour éviter ces complications. »
Ondine sourit. Elle sait que sa Fantine n’a pu se faire aspirer…Un bébé obéissant, résistant.
Les semaines s’écoulent. Ondine ne cesse de caresser son ventre. Elle guette un mouvement, un signe complice. Mais son ventre reste muet, figé, presque froid.
C’est alors, qu’une nuit, elle découpe ses robes pour en faire une poupée de chiffons. Elle s’attelle avec méticulosité à cette tâche choisissant les plus doux tissus. Dans une frénésie ouatée elle pique, coud, admire son travail. Fantine est aussi belle qu’elle l’avait imaginée. Elle l’a enfin retrouvée. Elle savait que Fantine ne se laisserait pas faire. Elle avait gagné ! Il fallait maintenant lui trouver un berceau. La boite de ses bottes est juste à sa taille. Un petit lit tout douillet. Elle a tout ce qu’il faut pour la couvrir. Surtout, qu’elle ne prenne pas froid. « Fais dodo, dans ton lit tout chaud », chante-t-elle. Elle a pris soin de la bercer après la tétée. Tout est en ordre. Fantine a fait son rot. « C’est l’heure de faire dodo, mon trésor, maman est fatiguée. »


Intrigué, Piotr ne la questionne pas au sujet de cette poupée de chiffon. Son fils a bien des peluches mais pas de poupée. Il croit reconnaître le tissu d’une robe qu’il lui avait offert. Un cadeau plutôt exceptionnel pour qu’il s’en souvienne. Jusqu’où ira-t-elle ?

 

 

 

Texte 45l / Pas de consigne 

Catherine

C'est à boire qu'il nous faut !

- Tchin ! A notre nouvelle maison ! Celle qui nous a tant fait rêver. Nous avons pris le temps mais nous y sommes !
- Tchin ! Je savais que je pouvais te donner carte blanche. Tu es vraiment experte en la matière. Tu as dû en visiter plus d’une vingtaine, non ?
- Tu es gentil… Dis plutôt une quarantaine en deux ans. Celle ci répondait pile-poil au cahier des charges. Elle a matché tout de suite.
- Tiens ! Nous avons de la visite, tu connais ?
- Non, je ne vois pas bien. Il me semble aussi que ces deux là viennent chez nous. Bingo ! La sonnette fonctionne, tu y vas ?


- Bonjour ! Nous vous avons vu emménager toute cette semaine. Nous nous sommes dit, ma femme et moi qu’il était temps de vous souhaiter la bienvenue dans le quartier. Nous sommes vos voisins mitoyens. Alors, buvons ces premières bulles, en espérant que le bruit des bouchons de champagne nous réunissent le plus souvent possible.
- Bien aimables, chers voisins et vous tombez à pic ! Nous trinquions à notre maison, mais une bouteille de plus à partager en bonne compagnie ne nous fait pas peur! Dites moi, c’est curieux, j’ai le sentiment de vous connaître …
- Bien vu, vous avez une excellente mémoire ! J’ai été l’amant de votre femme durant les dix premières années de votre mariage !




 

Consigne : Les premiers jours du narrateur dans une nouvelle maison, avec une ou plusieurs surprises

Catherine

mercredi 17 novembre 2021

Santiago

Vous souvenez vous de ce jour de grande chaleur à Santiago, ce jour ou sous un ciel d’orage ce très grand Nègre aux lourdes paupières mélancoliques se balançait dans son rocking-chair ? On en avait parlé la première fois qu’on s’était rencontré.
La dernière fois qu’on l’avait aperçu, c’était un dimanche à un de ces combats de coqs exaspérants. Ensuite, on ne l’avait plu jamais revu. Ces combats de coqs, il en était friand. Dans l’enfance son père l’emmenait la nuit dans les champs de cannes assister aux combats clandestins. Depuis, ils avaient fini par être autorisés. L’on entendait quelquefois des froissements d'ailes dans l’air moite, même à minuit on pouvait les entendre. La passion d'Ignacio était telle qu'il pouvait se relever la nuit pour entraîner son coq. Sa collerette fauve tranchait sur son plumage ébène. C'est une méfiance chronique aussi qui le faisait se relever la nuit ; son coq lui rapportait beaucoup d'argent et il avait une peur farouche qu'on le lui empoisonne.
Depuis ce dimanche, tout le monde le cherchait dans le quartier. On traînait l’air de rien dans les ruelles, on se glissait dans les patios secrets, prés du port aussi on allait. La vie était vide sans lui. Les enfants ne tapaient plus avec autant d’entrain dans leurs balles de base-ball, les vieilles languissaient dans leur rocking-chair, les cris marchands ambulants ne nous attiraient plus vraiment. Même les échos des musiciens de rue nous arrivaient assourdis.
La rue s’emplissait de rumeurs. Parler de politique n'était pas autorisé, alors dans les longues fins d'après-midi calcinées, on se retrouvait pour parler d'Ignacio, on se congratulait avec fortes tapes dans les mains.
Certains disaient que ses paris étaient exorbitants. Peut-être n’avait-il pas trouvé l’argent suffisant pour honorer le dernier et il aurait préféré disparaitre, ou alors une bagarre se serait déclenchée après ces paris stupides, un rival lui aurait planté un couteau entre les côtes ?
Ou bien se serait-il laissé séduire par quelques trafics illicites au marché noir ?
Peut être, était-il entré en prison ?
Il n’était pas de ceux qui se jettent sur l’océan dans une embarcation de fortune au grès des vagues pour fuir la misère. Ça non, ce grand Nègre taiseux aimait sa ville, il était l’âme du quartier. Et il n'était pas misérable.
Maintenant, il semblait renfermer tellement de secrets. On n’allait pas prévenir la police. Il fallait attendre qu’il réapparaisse. On préférait parler de disparition plutôt que de mort.
La mort, on préfère ne pas y penser.









Texte libre 45 lignes

Christiane

samedi 6 novembre 2021

Dodo l'enfant dos

Petit Paul est joyeux ! C’est son anniversaire et pour la première fois son âge remplit sa main. Cinq ans ! Ondine, moins rayonnante, a préparé un gâteau au chocolat pour recevoir les copains de son fils. Cinq années déjà passées. Son Petit Paul n’est plus ce bébé tétant le sein maternel. Elle l’a allaité trente mois puis son époux a exigé l’arrêt de cette pratique devenue suspecte. Ondine l’a vécu comme une punition et ne rêve que de retrouver ces sensations. Le désir d’enfant s’ancre en elle. Piotr s’oppose catégoriquement au projet d’un deuxième enfant. Il avait cédé pour le premier, pour préserver son couple. Il avait fait sa part de concessions, il ne cédera plus. Le silence s'est installé progressivement entre eux. Le veto de l’un n’atténuant pas le renoncement de l’autre.
En voyant son fils souffler ses cinq bougies, Ondine décide de cesser toute contraception en secret.


Elle patiente quelques mois dans une grande solitude. Elle finit, solitaire, par se réjouir de l’excellente nouvelle. Elle a réussi ! Une intime prédiction lui révèle le prénom de ce bébé qui grandit sagement en elle. Fantine ! Aussi secrète que sa maman, Fantine se dissimule et se cache de son père.
Piotr est ravi de la bonne mine de son épouse, depuis quelques mois.
Petit Paul, lui, ne tarde pas à deviner. Un soir, il annonce à table « Je vais avoir un petit frère ou une petite sœur ! »
Ondine ne peut lui mentir. Cela dit, elle croit qu’une grossesse de quinze semaines la protège d’une IVG contrainte...






Consigne en 15l : reprendre le personnage dans une situation inhabituelle qui le déstabilise

Catherine

lundi 1 novembre 2021

Chut !

- Dis, tu n’as rien remarqué de particulier chez Max ?
- Ben oui, et toi ?
- J’ai l’impression que notre cher voisin s’est enfermé chez lui. Il n’ouvre plus ses volets et je suis sûr qu’il est à l’intérieur.
- Tu lui as téléphoné ?
- Oui, je l'ai même appelé alors que j'étais devant sa porte d’entrée. Mais, je tombe directement sur son répondeur. J’entends sonner son portable, c’est qu’il doit être chez lui, à moins qu’il ne soit parti sans le prendre.
- En tout cas, je vois sa poubelle le soir et elle n’y est plus le matin. Bizarre... Si tu veux en avoir le cœur net et te rassurer, sonne chez lui. Tu n’as que la rue à traverser.
- J’y vais, mais c’est quand même gênant, il est si susceptible…


- Bonjour Max, je voulais savoir si tu allais bien, nous ne te voyons plus, que se passe-t-il ?
Silence.
Max s’attendait à cette visite. Pour toute réponse, il fait défiler des cartes où il est écrit :

Bonjour
Je vais bien
Tout va bien
Je ne parle plus
Je ne veux plus voir personne
C’est mon choix
Rentre chez toi












Consigne : en 15l Un personnage qui observe un comportement étrange chez son voisin


Catherine