Présentation

L’Atelier d’écriture de Solliès-Pont a commencé en septembre 2018 à l’initiative de Tristan Choisel, auteur de théâtre et de chansons. Pourquoi ? Pour s’initier à l’écriture de formes brèves (nouvelles, saynètes…), pour perfectionner son style ou pour simplement explorer son potentiel créatif. Nous sommes sept à partager nos textes dans la bienveillance, un peu d’humour et toujours avec beaucoup de plaisir. L’association « L’Atelier de Solliès-Pont » abrite cette initiative et vous pouvez nous rejoindre si, comme nous, vous avez l’âme d’un écrivain amateur.

Ce blog est la mémoire de notre travail. Il sert à mettre en lumière quelques-uns de nos textes. Enfin, il permet de communiquer entre nous plus facilement.

mercredi 17 novembre 2021

Santiago

Vous souvenez vous de ce jour de grande chaleur à Santiago, ce jour ou sous un ciel d’orage ce très grand Nègre aux lourdes paupières mélancoliques se balançait dans son rocking-chair ? On en avait parlé la première fois qu’on s’était rencontré.
La dernière fois qu’on l’avait aperçu, c’était un dimanche à un de ces combats de coqs exaspérants. Ensuite, on ne l’avait plu jamais revu. Ces combats de coqs, il en était friand. Dans l’enfance son père l’emmenait la nuit dans les champs de cannes assister aux combats clandestins. Depuis, ils avaient fini par être autorisés. L’on entendait quelquefois des froissements d'ailes dans l’air moite, même à minuit on pouvait les entendre. La passion d'Ignacio était telle qu'il pouvait se relever la nuit pour entraîner son coq. Sa collerette fauve tranchait sur son plumage ébène. C'est une méfiance chronique aussi qui le faisait se relever la nuit ; son coq lui rapportait beaucoup d'argent et il avait une peur farouche qu'on le lui empoisonne.
Depuis ce dimanche, tout le monde le cherchait dans le quartier. On traînait l’air de rien dans les ruelles, on se glissait dans les patios secrets, prés du port aussi on allait. La vie était vide sans lui. Les enfants ne tapaient plus avec autant d’entrain dans leurs balles de base-ball, les vieilles languissaient dans leur rocking-chair, les cris marchands ambulants ne nous attiraient plus vraiment. Même les échos des musiciens de rue nous arrivaient assourdis.
La rue s’emplissait de rumeurs. Parler de politique n'était pas autorisé, alors dans les longues fins d'après-midi calcinées, on se retrouvait pour parler d'Ignacio, on se congratulait avec fortes tapes dans les mains.
Certains disaient que ses paris étaient exorbitants. Peut-être n’avait-il pas trouvé l’argent suffisant pour honorer le dernier et il aurait préféré disparaitre, ou alors une bagarre se serait déclenchée après ces paris stupides, un rival lui aurait planté un couteau entre les côtes ?
Ou bien se serait-il laissé séduire par quelques trafics illicites au marché noir ?
Peut être, était-il entré en prison ?
Il n’était pas de ceux qui se jettent sur l’océan dans une embarcation de fortune au grès des vagues pour fuir la misère. Ça non, ce grand Nègre taiseux aimait sa ville, il était l’âme du quartier. Et il n'était pas misérable.
Maintenant, il semblait renfermer tellement de secrets. On n’allait pas prévenir la police. Il fallait attendre qu’il réapparaisse. On préférait parler de disparition plutôt que de mort.
La mort, on préfère ne pas y penser.









Texte libre 45 lignes

Christiane

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