Présentation

L’Atelier d’écriture de Solliès-Pont a commencé en septembre 2018 à l’initiative de Tristan Choisel, auteur de théâtre et de chansons. Pourquoi ? Pour s’initier à l’écriture de formes brèves (nouvelles, saynètes…), pour perfectionner son style ou pour simplement explorer son potentiel créatif. Nous sommes sept à partager nos textes dans la bienveillance, un peu d’humour et toujours avec beaucoup de plaisir. L’association « L’Atelier de Solliès-Pont » abrite cette initiative et vous pouvez nous rejoindre si, comme nous, vous avez l’âme d’un écrivain amateur.

Ce blog est la mémoire de notre travail. Il sert à mettre en lumière quelques-uns de nos textes. Enfin, il permet de communiquer entre nous plus facilement.

jeudi 18 novembre 2021

La poupée d'Ondine

Piotr ne cesse de s’interroger. « Mon fils de cinq ans a compris qu’une naissance s’annonçait et moi je n’ai rien vu du tout. Je suis vraiment naïf... Quinze semaines de grossesse ! Il était temps. Cet enfant ne verra ni son frère ni sa mère. Cette partie de cache-cache n’a que trop duré. Je suis le père et j’ai le droit de m’opposer à cette naissance. Je ne veux pas d’un enfant dans le dos. Elle a voulu jouer, elle a perdu la partie. Échec et mat ! Direction avortement, de gré ou de force »
Piotr n’y va pas par quatre chemins. Un rendez-vous est pris pour le lendemain avec son ami gynéco.


Ondine doit en une seule nuit déterminer le restant de ses jours. A-t-elle vraiment le choix ? S’enfuir avec son Petit Paul ? L’arracher à son sommeil, à son père, à sa maison ? Où se réfugier ? Qui accueillerait dans l’urgence une femme enceinte avec un enfant de cinq ans ?
Les questions jaillissent aussi vite que les heures défilent...Ondine se perd, s’embrouille, désespère. Elle ne peut pas abandonner son fils et partir seule. Elle réalise qu’elle ne pourra pas assumer la charge de ses deux enfants. Son salaire d’auxiliaire de vie n’y suffirait pas. Elle ne peut pas non plus abandonner « ses vieux » comme elle a coutume de les appeler. Elle leur est indispensable et souvent l’unique dépositaire de leur mémoire. Elle se compare à un coffre à tiroir. Chacun a le sien. Il suffit d’en ouvrir un pour y trouver, enroulés, les souvenirs d’une vie passée en espoirs, déceptions, illusions, rêves, peurs…
Ondine se perd dans ses réflexions. Penser à « ses vieux » en cette nuit fatidique est vraiment absurde. Penser à eux la rassure. Elle existe à leurs yeux. Mais un rendez vous est pris pour le lendemain. Elle doit se recentrer sur ses enfants.
Fantine, ma petite Fantine, pense-t-elle, en caressant son ventre.
« Fantine, mon doux bébé, je sais que tu m’entends. Tu t’es si bien cachée jusqu’à présent. Tu es en danger. Alors demain, il faudra être encore plus forte. Trouve un endroit où personne ne pourra t’attraper. Tu vas y arriver, je le sais, je le sens. Je ne le supporterai pas si tu n’y parviens pas. Cherche, mon corps est tout à toi, tu ne me feras pas mal. »
Ondine, persuadée d’avoir enfin trouver la solution salvatrice, s’apaise et s’endort au petit matin. Elle se rend à la clinique pour une interruption de grossesse, ni de gré ni de force, mais docile, déterminée, convaincue.
Surpris par cette résignation, Piotr se garde de la questionner pour ne pas déclencher de tempête. Il a demandé qu’une anesthésie générale soit pratiquée pour éviter tout changement de décision devant le médecin.
« Réveillez-vous madame, tout s’est bien passé. Il n’aurait pas fallu attendre quelques jours de plus… N’hésitez pas à m’appeler si souci. Je vous conseille de ne pas faire d’efforts et surtout la prochaine fois, n’oubliez pas votre contraceptif pour éviter ces complications. »
Ondine sourit. Elle sait que sa Fantine n’a pu se faire aspirer…Un bébé obéissant, résistant.
Les semaines s’écoulent. Ondine ne cesse de caresser son ventre. Elle guette un mouvement, un signe complice. Mais son ventre reste muet, figé, presque froid.
C’est alors, qu’une nuit, elle découpe ses robes pour en faire une poupée de chiffons. Elle s’attelle avec méticulosité à cette tâche choisissant les plus doux tissus. Dans une frénésie ouatée elle pique, coud, admire son travail. Fantine est aussi belle qu’elle l’avait imaginée. Elle l’a enfin retrouvée. Elle savait que Fantine ne se laisserait pas faire. Elle avait gagné ! Il fallait maintenant lui trouver un berceau. La boite de ses bottes est juste à sa taille. Un petit lit tout douillet. Elle a tout ce qu’il faut pour la couvrir. Surtout, qu’elle ne prenne pas froid. « Fais dodo, dans ton lit tout chaud », chante-t-elle. Elle a pris soin de la bercer après la tétée. Tout est en ordre. Fantine a fait son rot. « C’est l’heure de faire dodo, mon trésor, maman est fatiguée. »


Intrigué, Piotr ne la questionne pas au sujet de cette poupée de chiffon. Son fils a bien des peluches mais pas de poupée. Il croit reconnaître le tissu d’une robe qu’il lui avait offert. Un cadeau plutôt exceptionnel pour qu’il s’en souvienne. Jusqu’où ira-t-elle ?

 

 

 

Texte 45l / Pas de consigne 

Catherine

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