Présentation

L’Atelier d’écriture de Solliès-Pont a commencé en septembre 2018 à l’initiative de Tristan Choisel, auteur de théâtre et de chansons. Pourquoi ? Pour s’initier à l’écriture de formes brèves (nouvelles, saynètes…), pour perfectionner son style ou pour simplement explorer son potentiel créatif. Nous sommes sept à partager nos textes dans la bienveillance, un peu d’humour et toujours avec beaucoup de plaisir. L’association « L’Atelier de Solliès-Pont » abrite cette initiative et vous pouvez nous rejoindre si, comme nous, vous avez l’âme d’un écrivain amateur.

Ce blog est la mémoire de notre travail. Il sert à mettre en lumière quelques-uns de nos textes. Enfin, il permet de communiquer entre nous plus facilement.

vendredi 20 mai 2022

Disparition

Il cochait toutes les cases du bonheur. A à peine vingt-cinq ans, Raphaël occupait un poste dans un cabinet ministériel. Son bureau surplombait la ville. Il était un de ces jeunes ambitieux plein de charisme à qui tout réussit.
Depuis qu’il avait rencontré Anaïs, à cette soirée, une brèche s’était ouverte en lui. Il avait succombé au charme de cette fille un peu froide mais tellement brillante.
Il travaillait au vingt-cinquième étage, suspendu aux textos qu’ils échangeaient tout au long de la journée, un œil rivé sur l’ordinateur, l’autre sur le téléphone. Ils s’étaient inventé un jeu de troubadours modernes, un jeu de joutes amoureuses.
- Tu es l’encre…
- Moi la plume…
- Tu es mon ange…
- Moi ton nuage…
- Tu es mon soleil...
- Toi mon éclipse...
Ces messages étaient devenus leur cocaïne, entretenaient une excitation réciproque et permanente. Ces mots pianotés du bout du doigt projetaient leurs fantasmes au point le plus incandescent. Ils se connaissaient à peine en somme, mais leurs textos leur permettaient de rêver tout le temps. C'était du temps gagné sur la pression de leurs fonctions, gagné sur la mort.
Anaïs répondait tout le temps et très rapidement.
Mais aujourd’hui quelque chose d’inhabituel se passait :
- Tu es mon étincelle...
L’écran restait vide.
Il se fit plus explicite :
J’attends ce soir avec impatience, je pense à ton corps…
Blanc.
Tu es le soleil de mes nuits
Blanc.
Je frissonne a imaginer ton murmure à mon oreille.Blanc.
Je frémis en pensant à tes mains sur mon corps, ma bouche à ta bouche...
Blanc.
Je ne désire que toi.
Blanc.
Répond moi.
Répond moi.
Répond moi.
S'il te plait
Je t'en supplie...




 
 
Christiane
Consigne : une rupture amoureuse

Un porte-bonheur

Lou cherchait une fleur rare pour l’offrir à sa mère. Dans les massifs, une fleur violette d’Agapanthe attira son regard. Sur les feuilles vert tendre, elle aperçut un rubis écarlate. Tout doucement, elle s’approcha. Et sous l’ombrelle violette, reconnu le fragile coléoptère : sept petits points noir réglisse sur l’écarlate de la robe. Une coccinelle en robe andalouse. Précautionneusement, Lou se pencha vers la fleur, posa un doigt sur la feuille tendre et attendit patiemment. La petite demoiselle insaisissable finit par cheminer de la feuille à sa main et se mit à se promener nonchalamment sur ses doigts blancs. Ce petit chatouillis la ravit. L’enfant avait trouvé une amie.
Puis sans prévenir, éprise de liberté, la coccinelle déploya ses ailes et s’envola vers le bon dieu. Alors Lou se laissa surprendre par une larme qui roula sur sa joue.
Oubliant la fleur, l’enfant couru vers sa mère et lui fit promettre de lui offrir un petit pendentif pourpre piqueté de noir, pour le garder toujours sur son cœur et qu'il lui porte bonheur.


 
 
 
 
Christiane.

Consigne : il est question d’un insecte.

Disparue

Une main se pose sur mon épaule. Je reconnais cette main, sa douce pression à cet endroit précis, juste à la base du cou. Je n’ose pas me retourner. J’ai peur de me tromper. J’ai tant rêvé de ce moment. La retrouver là, près de moi, en cet instant. Elle aimait me surprendre en douceur. C’était sa façon de me dire son amour. Elsa la mystérieuse. Elsa, un jour là, un jour disparue, sans un mot. Et ce fil tendu entre nous qui me tient en laisse. Un laissé pour compte, abandonné, muet, transis, glacé.

Ce ne peut qu’être Elsa… Elle connaît mes habitudes dans ce café en fin de journée. Je continue à y venir comme un rendez-vous jeté à la mer dans une bouteille qui finirait bien par lui parvenir. J’ai bien fait de m’y accrocher. Sa main sur mon épaule. Elle ne dit rien. Son silence pour signature.

Je n’ai plus peur. Mes forces reviennent. Je vais pouvoir me retourner et la prendre dans mes bras.

« Oh ! Pardon ! Je me suis trompé. J’ai failli vous embrasser pensant à une amie. Je veux bien, s’il vous plaît une bière et une deuxième pour vous pour me faire pardonner ! »







Consigne : en 15mn début de texte : Une main se pose sur mon épaule

Catherine

mercredi 18 mai 2022

Comment leur dire...

Vous voulez savoir ? Eh bien je vais vous le dire !

Oui, je pourrais commencer comme ça... Ils voudront peut-être en savoir plus. En fait je n’en sais rien. Ils ne me posent jamais de questions sur mon passé, cela ne les concerne pas. J’ai souvent essayé et ils me clouent le bec dès que je l’ouvre. Je suis ce corbeau perché que personne n’écoute et dont personne ne tente d'attraper le fromage. Tu radotes, voilà ce qu’ils me disent et hop ils passent à autre chose et poursuivent entre eux leur discussion. Moi, je veux qu’ils sachent !

Mes jours sont comptés. Ils le savent puisqu’ils sont tous là pour mes 92 ans. Je ne veux pas partir avec ce secret qui m’étouffe, cette honte qui m’agrippe et recouvre ma peau. Le remord me donne la main chaque jour de ma vie.

J’étais jeune et ignorais tout des conséquences de mes actes. Je n’ai songé qu’à me faire pardonner, comme si cela était possible… J’ai aussi cherché, mais en vain à me pardonner. Vous comprendrez aisément ces regrets.

Ma repentance m’a conduit à devenir valeureux au quotidien et un héros à vos yeux. Vos qualificatifs à mon égard ne manquent pas : honnête, humain, généreux, attentif... un véritable modèle pour ma filiation.

« Eh bien, je vais vous le dire, même si vous ne voulez pas le savoir ! J’ai dénoncé cinq résistants en 1942. Ils s’appelaient : Hugo, Édouard, Maxime, Julien et Octave. Ils ont tous été fusillés, là, sur la place du village »




 
 
Consigne : en 15 mn début de texte : « Vous voulez savoir ? Eh bien je vais vous le dire »

Catherine

vendredi 13 mai 2022

Coup de foudre

Ondine flottait ! Ondine rêvait, frappée par un coup de foudre, touchée en plein champ des jardins partagés. Ce matin là, elle accompagnait Marcel, poussant son fauteuil-roulant sur le chemin de terre jusqu’à la parcelle d’Hubert. Ces deux-là s’étaient donné rendez vous pour admirer les salades, choux et poireaux. Promener Marcel ou faire son ménage... Ondine préférait abandonner les chiffons de poussière et autres balais. Elle n’avait pas présagé un chamboulement aussi brutal.

Hubert rayonnait au milieu de ses légumes en pousse. Il rayonnait d’autant plus qu’il retrouvait, après de longs mois d’hospitalisation, son ami Marcel. La joie prenait corps devant elle comme un miracle. Une révélation de la joie et de la beauté. La sagesse s’incarnait en lui tout en délicatesse et intensité. Elle y assistait, en direct. Un tableau en harmonie avec une végétation en devenir, égayé par le chant discret des oiseaux et l’émotion de Marcel, vibrant sur son fauteuil.

Ondine avait été troublée par cette grâce, avant même de découvrir l’être physique d’Hubert. Pas vraiment Apollon, de taille moyenne, Hubert est légèrement trapu, sans doute en raison de sa musculature. La peau tannée par le soleil, des yeux noirs et un large sourire blanc illuminent son visage. Un large bandeau sur le front retient sa chevelure ébouriffée et blanchissante.

Durant que les deux hommes parlaient, Ondine restait silencieuse, médusée, séduite. Hubert, lui, s'est saisit du fauteuil pour poursuivre la visite des jardins partagés avec Marcel, sans se préoccuper d’Ondine. « Pudique et timide, se dit-elle. Il fait semblant de ne pas me voir. Il ne peut assumer pour l'instant, cet immense bonheur, le bonheur absolu de notre rencontre. »

*

Sur le chemin du retour, sa journée de travail bouclée, Ondine flotte, Ondine rêve mais Ondine a peur de ce trop, subitement. Elle réalise que sa vie est ailleurs avec Piotr son mari et son petit Paul.

Ces derniers mois ont été si difficiles. Elle avait même failli perdre de justesse son bébé. Piotr n’en voulait pas. Elle avait sauvé Fantine mais elle la sentait en danger et menacée. Cinq mois de lutte au quotidien. Prétextant un mal de dos, Ondine portait une ceinture lombaire où elle dissimulait Fantine, la bouche arrimée à son nombril pour finir le temps de sa grossesse. Mais Fantine ne grossissait pas vraiment. Chaque matin Ondine devait rajouter à sa poupée de chiffon une nouvelle bandelette. Cela la rassurait, son bébé fœtus prenait forme. Plus que quatre mois et elle pourra montrer son bébé bien vivant. Certains font grandir des embryons dans des éprouvettes, elle, elle avait trouvé une autre solution qui étonnera le monde entier.

Ondine flotte et s’envole. Elle s’imagine au jardin, au bras solide d’Hubert poussant un landau où dort paisiblement Fantine. Petit Paul ramasse des tomates cerises et s’en amuse.

La peur la saisit de nouveau. La colère de Piotr, la méfiance d’Hubert… Comment annoncer à ce dernier qu’elle attend un enfant de son premier mari ? Et pourtant, elle a besoin de cette force tranquille, celle du jardinier qui sait transformer des graines séchées en matière vivante. Il saura faire de même avec ce fœtus qui ne demande qu’à vivre. C’est un impératif incontournable, Ondine doit le convaincre de leur amour absolu, pour sauver son bébé.

Il faut élaborer un nouveau plan d’attaque, pense-elle. Par qui commencer ? Piotr ? Hubert ? Ou petit Paul ?

Concernant Piotr, elle s’en arrangera, que cela lui plaise ou non.

Hubert ? Ondine n’a aucun doute, elle sait que le coup de foudre les a frappés avec la même intensité. Il comprendra les enjeux et trouvera toutes les solutions aux problèmes qui pourraient se présenter. C’est un homme solide et se réfugier dans ses bras préserve des affres de la vie.

Alors, c’est au petit Paul qu’il faut songer en premier. Si la partie se gagne avec lui, le reste ne sera que formalités. Ondine décide de lui annoncer la prochaine naissance de sœur Fantine, et la volonté farouche du père de la tuer. Bien qu’il ne soit qu’en CP, il comprendra et aimera son futur papa. De ce pas, Ondine va chercher petit Paul à la sortie des classes, car il est déjà quatre heure et demi.

 
 
 
 
 
 
Texte libre 45 lignes

Catherine

mercredi 4 mai 2022

La traversée

Un homme traverse la rue à pas lents. Il doit avoir entre 55 et 70 ans. Enfouit sous des vêtements trop grands, une barbe grisonnante en bataille, des cheveux cachés sous une chapka élimée, il avance légèrement voûté, le visage rougi, râpé par le froid.

L’homme fait une pause au milieu du passage clouté. Pensif, il hésite. Cloué sur le passage clouté. Des voitures s’impatientent et klaxonnent. Drôles d’engins bruyants, plein de vie et d’envie de circuler. Lui, statufié ne peut plus avancer. Un passant témoin de la scène s’apitoie. Il vient l'aider à traverser, le prend délicatement par le bras, lui parle à voix basse, l’invitant à le suivre pour faire cesser ce tintamarre. L’homme accepte sans un mot.

Le voilà de l’autre côté de la rue. De nouveau seul, il guette le prochain feu rouge pour refaire cette traversée. Il se lance dès que le petit bonhomme vert lui en donne l’autorisation. Il avance à pas comptés pour mieux comprendre. Comprendre la rupture qui l’a fait basculer dans un autre monde. Comprendre pourquoi il a vécu ballotté aux gré des eaux tel un bois flotté au milieu de l’océan. Il tangue sans virer de bord. Il poursuit sa marche. Cette traversée lui permet de repasser le film de sa vie au ralenti. Que s’était-il passé ? Là, il ressent un point de rupture et se fige, là, en plein milieu. Le feu repasse au vert ; lui, toujours cloué sur le passage clouté. Ses idées se bousculent. Un orage éclate dans sa tête. Des bouts de phrases jaillissent. Le voilà parlant seul, implorant, invectivant... Il ne se reconnaît pas. Qui habite son corps ? Lui n’aurait pas abandonné son usine, sa famille, son confort. Il avait été heureux, avec bien sûr des soucis toujours surmontés. Mais que s’était il passé ?

Néanmoins, le tintamarre reprend. Cette fois un automobiliste agacé sort de son véhicule et le chasse sans ménagement.

Il reviendra pour comprendre. Pour aujourd’hui cela suffit. Ses copains l’attendent sous le pont de l’autoroute avec les rouges munitions de la journée.

 
 
 
 
 
Consigne 15l : Un personnage arrête de se battre, il abandonne

Catherine