Ondine flottait ! Ondine rêvait, frappée par un coup de foudre, touchée en plein champ des jardins partagés. Ce matin là, elle accompagnait Marcel, poussant son fauteuil-roulant sur le chemin de terre jusqu’à la parcelle d’Hubert. Ces deux-là s’étaient donné rendez vous pour admirer les salades, choux et poireaux. Promener Marcel ou faire son ménage... Ondine préférait abandonner les chiffons de poussière et autres balais. Elle n’avait pas présagé un chamboulement aussi brutal.
Hubert rayonnait au milieu de ses légumes en pousse. Il rayonnait d’autant plus qu’il retrouvait, après de longs mois d’hospitalisation, son ami Marcel. La joie prenait corps devant elle comme un miracle. Une révélation de la joie et de la beauté. La sagesse s’incarnait en lui tout en délicatesse et intensité. Elle y assistait, en direct. Un tableau en harmonie avec une végétation en devenir, égayé par le chant discret des oiseaux et l’émotion de Marcel, vibrant sur son fauteuil.
Ondine avait été troublée par cette grâce, avant même de découvrir l’être physique d’Hubert. Pas vraiment Apollon, de taille moyenne, Hubert est légèrement trapu, sans doute en raison de sa musculature. La peau tannée par le soleil, des yeux noirs et un large sourire blanc illuminent son visage. Un large bandeau sur le front retient sa chevelure ébouriffée et blanchissante.
Durant que les deux hommes parlaient, Ondine restait silencieuse, médusée, séduite. Hubert, lui, s'est saisit du fauteuil pour poursuivre la visite des jardins partagés avec Marcel, sans se préoccuper d’Ondine. « Pudique et timide, se dit-elle. Il fait semblant de ne pas me voir. Il ne peut assumer pour l'instant, cet immense bonheur, le bonheur absolu de notre rencontre. »
*
Sur le chemin du retour, sa journée de travail bouclée, Ondine flotte, Ondine rêve mais Ondine a peur de ce trop, subitement. Elle réalise que sa vie est ailleurs avec Piotr son mari et son petit Paul.
Ces derniers mois ont été si difficiles. Elle avait même failli perdre de justesse son bébé. Piotr n’en voulait pas. Elle avait sauvé Fantine mais elle la sentait en danger et menacée. Cinq mois de lutte au quotidien. Prétextant un mal de dos, Ondine portait une ceinture lombaire où elle dissimulait Fantine, la bouche arrimée à son nombril pour finir le temps de sa grossesse. Mais Fantine ne grossissait pas vraiment. Chaque matin Ondine devait rajouter à sa poupée de chiffon une nouvelle bandelette. Cela la rassurait, son bébé fœtus prenait forme. Plus que quatre mois et elle pourra montrer son bébé bien vivant. Certains font grandir des embryons dans des éprouvettes, elle, elle avait trouvé une autre solution qui étonnera le monde entier.
Ondine flotte et s’envole. Elle s’imagine au jardin, au bras solide d’Hubert poussant un landau où dort paisiblement Fantine. Petit Paul ramasse des tomates cerises et s’en amuse.
La peur la saisit de nouveau. La colère de Piotr, la méfiance d’Hubert… Comment annoncer à ce dernier qu’elle attend un enfant de son premier mari ? Et pourtant, elle a besoin de cette force tranquille, celle du jardinier qui sait transformer des graines séchées en matière vivante. Il saura faire de même avec ce fœtus qui ne demande qu’à vivre. C’est un impératif incontournable, Ondine doit le convaincre de leur amour absolu, pour sauver son bébé.
Il faut élaborer un nouveau plan d’attaque, pense-elle. Par qui commencer ? Piotr ? Hubert ? Ou petit Paul ?
Concernant Piotr, elle s’en arrangera, que cela lui plaise ou non.
Hubert ? Ondine n’a aucun doute, elle sait que le coup de foudre les a frappés avec la même intensité. Il comprendra les enjeux et trouvera toutes les solutions aux problèmes qui pourraient se présenter. C’est un homme solide et se réfugier dans ses bras préserve des affres de la vie.
Alors, c’est au petit Paul qu’il faut songer en premier. Si la partie se gagne avec lui, le reste ne sera que formalités. Ondine décide de lui annoncer la prochaine naissance de sœur Fantine, et la volonté farouche du père de la tuer. Bien qu’il ne soit qu’en CP, il comprendra et aimera son futur papa. De ce pas, Ondine va chercher petit Paul à la sortie des classes, car il est déjà quatre heure et demi.
Texte libre 45 lignes
Catherine