L’homme fait une pause au milieu du passage clouté. Pensif, il hésite. Cloué sur le passage clouté. Des voitures s’impatientent et klaxonnent. Drôles d’engins bruyants, plein de vie et d’envie de circuler. Lui, statufié ne peut plus avancer. Un passant témoin de la scène s’apitoie. Il vient l'aider à traverser, le prend délicatement par le bras, lui parle à voix basse, l’invitant à le suivre pour faire cesser ce tintamarre. L’homme accepte sans un mot.
Le voilà de l’autre côté de la rue. De nouveau seul, il guette le prochain feu rouge pour refaire cette traversée. Il se lance dès que le petit bonhomme vert lui en donne l’autorisation. Il avance à pas comptés pour mieux comprendre. Comprendre la rupture qui l’a fait basculer dans un autre monde. Comprendre pourquoi il a vécu ballotté aux gré des eaux tel un bois flotté au milieu de l’océan. Il tangue sans virer de bord. Il poursuit sa marche. Cette traversée lui permet de repasser le film de sa vie au ralenti. Que s’était-il passé ? Là, il ressent un point de rupture et se fige, là, en plein milieu. Le feu repasse au vert ; lui, toujours cloué sur le passage clouté. Ses idées se bousculent. Un orage éclate dans sa tête. Des bouts de phrases jaillissent. Le voilà parlant seul, implorant, invectivant... Il ne se reconnaît pas. Qui habite son corps ? Lui n’aurait pas abandonné son usine, sa famille, son confort. Il avait été heureux, avec bien sûr des soucis toujours surmontés. Mais que s’était il passé ?
Néanmoins, le tintamarre reprend. Cette fois un automobiliste agacé sort de son véhicule et le chasse sans ménagement.
Il reviendra pour comprendre. Pour aujourd’hui cela suffit. Ses copains l’attendent sous le pont de l’autoroute avec les rouges munitions de la journée.
Catherine
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