Présentation

L’Atelier d’écriture de Solliès-Pont a commencé en septembre 2018 à l’initiative de Tristan Choisel, auteur de théâtre et de chansons. Pourquoi ? Pour s’initier à l’écriture de formes brèves (nouvelles, saynètes…), pour perfectionner son style ou pour simplement explorer son potentiel créatif. Nous sommes sept à partager nos textes dans la bienveillance, un peu d’humour et toujours avec beaucoup de plaisir. L’association « L’Atelier de Solliès-Pont » abrite cette initiative et vous pouvez nous rejoindre si, comme nous, vous avez l’âme d’un écrivain amateur.

Ce blog est la mémoire de notre travail. Il sert à mettre en lumière quelques-uns de nos textes. Enfin, il permet de communiquer entre nous plus facilement.

dimanche 26 juin 2022

L'étoile de maman

Matthias saute dans le lit, bataille avec son oreiller et s’allonge. Je rabats la couette sur lui. Il se pousse pour me faire un peu de place et déclare :

« Assieds-toi là papa, ce soir c’est la nouvelle année et j’ai droit à un vœu. »

La tendresse me monte au nez en regardant mon fils, petit rouquin de cinq ans, si plein de vie. S’il est impatient et tenace comme moi, son imagination sans limite tient de sa mère.

« Et quel est ton vœu pour cette année ? »

« J’aimerais bien qu’on aille encore chercher l’étoile de maman. Ça fait longtemps qu’on l’a pas fait. »

Je réfléchis un instant. Je ne suis plus si sûr que ce soit une bonne idée. Son imagination débordante risque de l’entraîner très loin mais c’est un vœu et je ne trouve aucune excuse valable pour y échapper ce soir. De plus il est indéniable que cela aide beaucoup Mathias à s’endormir paisiblement. Matthias s’impatiente :

« Allez, papa, on y va ? »

Je repousse à plus tard mes réflexions. Et je cède :

« D’accord, mais d’abord tu te souviens de la prière de maman ? »

Matthias se relève d’un bond, s’assoie en lotus et joins les mains paumes contre paumes devant lui avant de murmurer :

« Que tous les êtres soient heureux, vivent en paix et en bonne santé ».

« Très bien mon petit Lou. Recouche-toi maintenant et installe-toi confortablement, on part en orbite dans quelques minutes. »

« Tu crois qu’elle sera au rendez-vous ? »

« Elle n’a jamais raté aucun de nos rendez-vous que je sache. Ferme les yeux. Allez, tu es prêt ? »

Matthias s’est allongé sur le dos, le corps un peu raide, les yeux fermés, fortement froncés.

« PRÊT ! »

« Détends-toi un peu, le voyage ne sera pas long si tu te laisses bien allé. Attention, c’est parti. Vroom vroom, nous décollons pour les étoiles. Ça va secouer un peu au début. »

Je m’agite un peu sur le lit, secoue la couette.

« Tu as senti notre décollage ? Ouf ! Ça y est, nous sommes en orbite ! Regarde bien, tu vois toutes ces étoiles ? »

Matthias, les yeux toujours fermement fermés s’exclame :

« Oui, oui, papa, je les vois.

« Tu peux les compter ? »

« Oh, non y en a beaucoup trop, mais qu’elles sont belles ! »

« La voie lactée est magnifique ce soir, tu vois toutes ses couleurs ? »

Je ressens l’impatience de Matthias qui soupire.

« Oui, mais tu peux me montrer l’étoile de maman ? »

« A ta gauche, là, elle arrive, tu la vois ? »

Matthias se concentre.

« Ça y est, je vois son étoile, c’est la plus brillante pas vrai ? J’espère que maman va venir. »

« Mais bien sûr, concentre-toi encore un peu. Elle va apparaître bientôt. »

Silence concentré de quelques minutes.

« Je la vois, papa, je la vois. Elle a mis sa jolie robe avec des petits pois blancs et bleus. Qu’elle est belle ! Elle approche. Elle me prend dans ses bras. Elle sent si bon ! »

Je reste silencieux, au bord des larmes.

« Pourquoi tu es partie si loin, maman ? Tu me manques beaucoup tu sais. Parfois, j’ai du mal à me rappeler ton visage. Ça me fait très peur. »

Je retiens mes larmes et respire profondément. Ce petit bout de nous te ressemble tellement. Il a ton regard, ta fraîcheur, ta spontanéité, ta vivacité. Il me déchire le cœur et enchante ma vie. Je me reprends péniblement.

« Matthias, tu es bien dans les bras de maman ? »

« Mumm. Merci papa d’avoir réalisé mon vœu. »

« Alors tu peux t’endormir maintenant. Bonne nuit mon petit Lou. »


 

 

 

Consigne : écrire un récit fictif de 45 lignes de notre choix


Aliette

 

jeudi 23 juin 2022

Désenchantement

Ce matin, elle a vingt six ans, c'est son anniversaire, un jour bien ordinaire. Elle est devant le rayon couches culottes de l’hypermarché : Pampers super absorbantes - Dodies couches écolo - Baby dry - Chérubin Auchan made in France… Le doute la paralyse. Finalement, elle tend la main au hasard et jette un paquet dans le charriot. Son regard glisse vers les laits de toilette : Mixa bébé à l’avocat bio - Bébé Cadum à l’amande douce - Sobio étic à la cire d’abeille… Sa volonté défaille, elle passe aux laits maternisés : Guigoz bio - Candia lait de croissance - Blédilait premier âge épaissi… Un chaos mental l’anéantit.
Soudain les larmes aux paupières, le cerveau mouliné par la pub, les jambes ramollies par le piétinement, elle sent qu’elle ne va pas y arriver. Par chance, l’enfant, lui s’est endormi dans son Maxi Cosy. Elle abandonne le caddy dans l’allée, récupère son fils. Mécaniquement, elle sort de l’hypermarché, longe le trottoir rongée de culpabilité. Comme un automate, elle glisse la clé dans sa serrure. Quand elle entre, la table est encore couverte des miettes du petit déjeuner, le linge sale empilé à côté de la machine, la vaisselle dans l’évier. Six tétés, six changes par jour, réveillée deux fois par nuit, elle n’y arrivera pas. La vie l’a essorée, les gestes quotidiens éternellement recommencés.
Son enfant est si sage, elle débranche le Baby phone, lui met la sucette Sophie la girafe dans la bouche, éteint la veilleuse Fun led.
Le lit est encore défait, elle s’y laisse couler.
Son enfant est un ange.





Christiane

Consigne : Un personnage qui n’a plus aucune énergie.

samedi 18 juin 2022

Le froid et le chaud

Le bras gauche posé à la fenêtre de son utilitaire Peugeot, Hotman conduit en écoutant « Rires et chansons ». Il ne rit pas toujours, mais peu importe . Cette station de radio lui permet de canaliser ses pensées. Un vrai jeu de billard dans sa tête : son rendez vous chez le dentiste, Marie-Lou, ses derniers clients...

Sept ans qu'il tourne en rond dans le Var. Un nouvel homme sandwich, moderne et motorisé. La déco de son fourgon finit par lui peser sur les épaules : « Le chaud et le froid, le tout pour 1€ ». Le rêve ! Qui dit mieux ? Même lui n'y croyait pas au début. Il faut dire qu'en la matière il n'y connaissait rien. Il a vite appris. D’ailleurs, il n'a rien à faire, juste appuyer sur l'ordi pour faire défiler le logiciel de démonstration présenté aux futurs clients. Le top ! D’autre part, il connaît son script de réponses par cœur. Et hop ! Un nouveau contrat signé !

Hotman rit mais ce n'est pas la radio qui le fait rire. Non ! Il rit en pensant à une rengaine qui tourne dans sa tête depuis plusieurs jours. Cela est gênant et se produit avec ses clients, systématiquement lorsqu'il arrive au chapitre des bienfaits de la climatisation. « L'objectif est d'avoir chaud l'hiver et froid l'été ». Une lapalissade qui chante si bien ! A la place, Hotman voudrait leur dire « mettez la clim l'hiver et le chauffage l'été et vous vous distinguerez par votre tempérament bien trempé ! Il serait préférable en effet de réchauffer l'air extérieur l'hiver et de le refroidir l'été, histoire de calmer notre planète qui se réchauffe. »

La Terre, elle, ne comprend plus rien. Les hommes ont perdu la boule. Plus il fait chaud et plus ils rejettent de l'air chaud en voulant refroidir leur nombril...

Hotman finit par rire jaune sur la route du bureau. Peu me chaut, se dit-il, en conduisant... Décision prise, il gare son véhicule et l’abandonne. Il ne peut plus rien avaler, il ne sera plus cet homme sandwich.

 
 
 
 
Consigne : En titre : le froid et le chaud en 15l

Catherine

L' escalier

Il aborde la première marche, c’est assez facile, il attrape la rampe de la main gauche, pose un pied puis l’autre suit tout naturellement.
La deuxième ça va, il est confiant, son souffle est intact.
A la troisième pourtant, il marque un temps d’arrêt, le souffle s’amenuise.
A la quatrième marche, il s’agrippe à la rampe, le souffle court maintenant.
Puis à partir de la suivante, ses genoux endoloris lancent des alertes. Il marque une pose, les articulations grippées. A la sixième son corps va t-il le trahir ? Lui, qui toute sa vie a pu compter sur lui, son fidèle compagnon. Il redresse un peu le buste, regarde le palier. Un instant le découragement le saisit, puis il se reprend : empoigne la rampe un peu plus fort, à deux mains maintenant, tire sur ses bras, se hisse un peu plus haut.
Combien de marches lui reste-t-il pour atteindre sa chambre ?
Combien d’années encore avant qu’il ne puisse plus du tout ? se demande mon père.






Christiane.

Consigne : une fiction qui se passe dans un escalier.

mercredi 15 juin 2022

Le chaud et le froid

Un rayon de soleil distille sa lumière et se pose sur ma main. Douceur.


Les cristaux de neige tombent sur mon nez. Rires et joie.


Le thé brulant envahit ma bouche, descend dans ma gorge et se répand dans mon corps. Bien-être.


Les glaçons tintent dans mon verre et je bois goulument. Désaltérant.


Son corps collé au mien réchauffe mon cœur et mon âme. Amour.


La douleur s’apaise peu à peu dans mon genou blessé emmailloté dans un sac de glace. Soulagement.


La brulure sur ma peau s’intensifie. Douleur.


La froideur de son regard m’exaspère. Colère.


Mes yeux pleurent devant ce mur de feu. Peur et mort imminente.


La température descend encore et mes membres engourdis ne répondent plus. Désespoir.


Le chaud et le froid dansent le yin et le yang de la vie.








Consigne : titre : le chaud et le froid en 15 lignes


Aliette

69 au Prisu

Quand on s’ennuie trop, les samedis après-midi, il y a le Prisu. On vient y traîner, il y a de la musique et même une cafét. On n’est pas obligé d’acheter. Mais si l’on veut acheter, il suffit de tendre la main et de se servir soi même sans passer par la vendeuse. Pour nous les jeunes, c'est extra ! Les garçons, c’est vers les rayons de disques qu’ils aiment flâner. Elle, ce qui l’attire, c’est les maquillages. Elle hésite entre le Rouge Baiser, le gloss lilas, Le blush abricot, la poudre de Java rose frisson... Mais ce qui la fait le plus rêver, c’est le mascara. Rien que le mot... Elle se le répète en boucle. Quand elle regarde les romans-photos dans « Nous deux » le seul magasine que lit sa mère, il y a toujours une fille qui pleure à cause d'un homme et son mascara coule dans une larme et en coulant lui noircit le regard, ça la rend sexy la fille. Elle désire tellement avoir enfin l’âge de l’acheter ce mascara qui fera d’elle une femme.
Pour l’instant ce qui l’a fait exister intensément : c’est sentir son coeur s’emballer au bord du vertige. Cette sensation délicieuse de tomber dans le vide, ce trouble intense qui remonte du ventre, lui poignarde l’estomac, lui voile le regard. C’est son opium.
Alors elle y va, elle s’approche et d’un air détaché, elle prend le crayon Ambre d’or, le mascara noir, elle les fourre dans sa poche, très vite maintenant.
Une petite tape sur son épaule la fait tressaillir. Son coeur chavire. Elle se retourne, un vigile lui demande de le suivre. Elle le suit, traverse le magasin crucifiée par la honte.
« Petite voleuse. Je vous ai vu, je vais appeler la police. »
Dans un sursaut de survie, elle sort de sa poche les crayons, les rend. Elle comprend à son regard inflexible, qu’il va le faire. Il va appeler la police et sûrement les parents.
Elle voudrait disparaitre.
Elle voudrait mourir.




 
 
 
 
Christiane.

Consigne : une tape sur l’épaule.

samedi 11 juin 2022

Le professeur Lingus

Le professeur Lingus se gratte l’oreille droite, signe d’une profonde réflexion, s’étire et un large sourire décore son visage. Il est prêt. Il a passé toute sa vie à imaginer, dessiner, calculer cette fabuleuse invention. Dans quelques mois, à la fin de l’année 1867, il va enfin pouvoir la présenter à l’exposition universelle à Paris. Son costume élimé, son nœud papillon de travers, ses cheveux en bataille le font ressembler à un savant fou mais qu’importe, il affrontera ses nobles prétentieux et riches bourgeois, sûr de son succès. Il ajuste sa paire de binocles pince-nez qui a tendance à dangereusement pencher sur la droite et recule d’un pas pour admirer sa création. La machine ressemble à une cabine téléphonique en bois vitrée reliée à un imbroglio de pistons, fils électriques et tuyaux en tout genre. L’intérieur est assez étroit mais suffisamment grand pour abriter un homme. Le panel des commandes se résume à deux boutons : « passé » et « futur » et un compteur indique les années. Impatient, il pénètre dans la cabine et presse le bouton : « futur ». En un éclair, il perd toute notion d’espace et de temps.




La cabine le transporte en 1970 et évite de justesse une Volkswagen Beetle entièrement recouverte de couleurs psychédéliques. L’endroit est idyllique. Une belle route de campagne au milieu de champs de vigne. Deux hommes et leurs compagnes sortent de la voiture en chantant à tue-tête. Ils ont l’air un peu éméchés. Les hommes portent pantalons longs à pattes d’éléphant et chemise à fleurs. Ils ont des cheveux très longs et sont barbus. Notre professeur Lingus ne peut pas détacher ses yeux des robes extrêmement courtes de ces dames qui laissent voir leurs belles jambes bronzées. Tous ces gens s’embrassent et se pelotent ardemment en ignorant la présence de notre professeur extrêmement choqué. Il reste là à les regarder, bouche bée, sans sortir de sa cabine. Puis, très gêné devant tant de débauche, il décide de ne pas rester une minute de plus. Il appuie sur le bouton « futur » et disparaît à nouveau.




Un peu étourdi, il vérifie le compteur qui, cette fois, affiche 2100 et regarde par les vitres de sa cabine. L’endroit est extrêmement peuplé et pourtant personne ne s’étonne de son apparition. Tous vêtus d’un uniforme gris, les gens marchent dans diverses directions à pas lents. Leurs gestes sont mécaniques, leur regards fixes. Ils sont étrangement silencieux et ne communiquent pas entre eux. Pas de soleil, des nuages bas. Professeur Lingus sort de sa machine, s’étouffe, tousse et pleure dans cet air irrespirable. Il fait quelques pas sans pouvoir vraiment respirer et n’y tenant plus, il retourne dans son abri. De là, il contemple encore ce futur désolant. Ni arbres, ni fleurs, ni brin d’herbe. Du métal, des pierres, des vitres à perte de vue. Tout est triste, morne, mécanique. Un profond sentiment de malaise l’envahit et se transforme en peur. Il n’a pas vraiment envie d’en connaître plus. Il presse le bouton « passé » et repart. Le futur ne l’intéresse plus.






 
 
Consigne : une fiction en trois parties de 10 lignes au maximum chacune (séparées par un astérisque ou deux sauts de ligne). Le changement de partie peut être l'occasion d'une ellipse de temps, ou changement de personnage, ou changement de lieu, ou autre, peu importe, pourvu que l'ensemble constitue bien une fiction, avec une progression de la première à la troisième partie.


Aliette

Jeanine

La plage des Acacias est animée ce matin. Les familles sont installées sous leurs parasols, les enfants s’amusent dans le sable. Assise sur sa serviette de bain, mamie Jeanine contemple ses petits enfants qui jouent dans les vagues avec son mari, papy Marcel. Elle aimerait tellement les rejoindre. Toute sa vie elle a combattu cette peur panique de l’eau sans vraiment pouvoir la dompter. Des heures de psychothérapie n’ont pas vraiment réussi à vaincre cette phobie qui la tenaille depuis sa plus tendre enfance. Elle a subi l’incompréhension de ses proches et les moqueries de ses camarades de classe avec colère et frustration. Désormais, elle accepte sa différence avec résignation. Papy Marcel plonge et ressort en soulevant Claudine, sa petite fille qui, surprise, pousse un cri de frayeur puis éclate de rire. Julien, son frère ainé, armé de son équipement de plongée flambant neuf, masque, tuba et palmes, nage consciencieusement à la recherche d’un joli coquillage pour alimenter sa collection. Il émerge de temps en temps avec un cri de joie, brandissant un nouveau trophée. Ils ont l’air si heureux ! Jeanine aimerait tant pouvoir partager ces moments de bonheur avec eux !



« Jeanine, vient ici ! Allez, dépêche-toi ! » Jeanine est assise dans le sable et regarde son père qui, dans les vagues, fait de grands gestes pour l’inviter à venir. Elle a peur et refuse de bouger. Cet élément mystérieux, froid, toujours en mouvement et qui pourrait l’engloutir la terrorise. Elle porte un joli maillot de bain à pois bleus et blancs avec plein de froufrous qu’elle adore. C’est un deux pièces, pour faire comme maman. A cinq ans, elle est déjà coquette. Sa mère, assise sous le parasol à côté d’elle, l’encourage à rejoindre son père. Jeanine plie les jambes, rassemble ses genoux qu’elle entoure de ses bras pour y déposer sa tête. Elle ferme les yeux et se déconnecte. Les bruits de la plage s’atténuent, elle ne perçoit plus qu’un brouhaha. La brise marine lui caresse le visage, le sable chaud lui chatouille les pieds et le soleil enveloppe son dos d’une douce chaleur. Elle respire profondément, elle est bien. Soudain, elle se sent projeter en l’air. Elle ouvre les yeux, retour brutal dans le monde et le bruit. En quelques secondes, elle est dans l’eau, sous l’eau. Elle étouffe, boit la tasse, coule. Une peur panique l’envahit. Elle se débat, crie, pleure. Dans un grand éclat de rire, son père la sort de l’eau. « Eh, bien, tu vois, c’est pas si terrible, ma fille, tu as bu ta première tasse ! »


Avec une patience infinie, Marcel l’accompagne au bord de la piscine. Elle s’avance, pas très rassurée, mais en confiance avec Marcel à ses côtés. Il a construit lui-même cette piscine adaptée aux besoins de Jeanine. Pas d’escalier, ni de plongeoir mais une pente douce qui descend et une profondeur de 1,5 m de sorte qu’elle puisse avoir pied partout. Son cadeau de mariage. Il lui prend la main et lui demande de s’avancer dans l’eau. Elle hésite. Il lui parle doucement, la réconforte « tu vas y arriver ». Un pied, puis deux dans l’eau. L’eau est chaude, calme. Sensation agréable. Il l’encourage. Elle progresse doucement dans l’eau qui l’entoure jusqu’à la taille. Marcel fait une pause, vérifie que tout va bien puis lui demande de s’allonger sur le dos. Il lui explique qu’il va la soutenir, qu’il ne la lâchera pas. La troisième tentative est la bonne. Jeanine flotte, Marcel la soutient avec ses bras passés sous son dos. Elle est encore tendue. Il la complimente : « tu vois, tu y es, tu as réussi ! » Soudain Marcel perçoit un changement. Le corps de Jeanine se met à trembler. En essayant de se redresser, elle se déstabilise, plonge la tête en arrière et boit la tasse. La panique s’installe. Ses bras et jambes se contractent puis s’agitent en tous sens. Il la saisit fermement et lui maintient la tête hors de l’eau. Pendant quelques secondes qui lui paraissent une éternité, il se débat avec ce corps qui, perdu dans sa terreur, le frappe et l’attaque avec une force décuplée. Enfin dans un ultime effort, il réussit à la porter hors de l'eau et l’étendre en position latérale de sécurité. Peu à peu, Jeanine redevient Jeanine.


 

 

 

 

Consigne : - Soit un texte de 45 lignes, sujet libre.


- Soit un texte de 3 X 15 lignes (que vous avez déjà expérimenté), sujet libre.


Aliette


lundi 6 juin 2022

Le chaud et le froid

J’ai vu des geysers brûlants s’élancer dans un ciel brouillé
J’ai vu la poussière rouge de la Vallée de la Lune
J’ai entendu craquer les pierres dilatées
Par la chaleur torride des jours et le froid glacial des nuits
Eblouie par les éclats de mica sous un ciel trop bleu
J’ai piétiné le désert le plus aride du monde
J’ai vu mourir L’Atacama dans la vague immense du Pacifique
J’ai longé les lacs asséchés et salés des Andes
J’ai éprouvé le froid cruel sur une route diamanté de sel
J’ai vu jaillir le volcan sous la glace des terres carbonisées d’Islande
Le piton de la Fournaise percer les nuages de l’Océan Indien
J’ai rafraîchi mon corps à ses sources fraîches
J’ai vu la lave en fusion se pétrifier dans la Mer Tyrrhénienne
A Naples j’ai imaginé la porte des enfers devant des cendres fumantes
Et approché l’éternité devant les corps fossilisés de Pompéi
J’ai rêvé d’Ulysse dans les Cyclades et me suis baignée dans l’Odyssée
Je suis devenue braise, pierre, glace, eau, écume, lumière


 

 

 

Christiane

Consigne : Titre : Le chaud et le froid

jeudi 2 juin 2022

Urgences

Urgent ! C’est urgent, je dois le revoir aujourd’hui même. Pourtant je n’aime pas agir sans réfléchir et ne pas prévoir un plan d’attaque. Mais tant pis, je ne peux résister plus longtemps.

Ondine se prépare, envahie par la frénésie de déclarer sa flamme. Elle prend soin de rajouter une nouvelle bandelette autour de Fantine, sa poupée chiffon rivée sur son nombril. Cette fois, cela se voit, je suis une femme enceinte, bien ceinturée, se dit-elle.

Ondine compte les pas qui la séparent des jardins partagés. Cela occupe son esprit et lui évite de s’effondrer, écrasée par la fébrilité. Elle aperçoit Hubert. Un jardinier en plein travail, toujours aussi puissant, éclatant de beauté. Il rayonne !

- Bonjour Hubert ! dit-elle

- Bonjour ! Marcel n’est pas avec vous ?

- Ah non ! Aujourd’hui, je ne travaille pas, j’en ai profité pour venir vous voir

-Tiens !

- Hubert, je dois vous faire un aveu. Je n’irai pas par quatre chemins, la ligne droite est plus courte. Je sais que vous aussi vous avez été traversé par la foudre. Elle nous est tombée dessus subitement lorsque je suis venue vous voir avec Marcel et son fauteuil roulant.

- Désolé, je ne comprends pas du tout ce que vous me dites. Je me souviens. Vous êtes l’auxiliaire de vie de Marcel, mais c’est tout. De quelle foudre parlez-vous ?

- Ne refoulez pas vos pensées et vos désirs. Je l’ai déjà perçu la dernière fois. Acceptez comme moi ce destin qui nous unit. Je dois vous confier un secret. Je suis enceinte et ma Fantine a besoin de vous.

- Vous devez me confondre avec quelqu’un d’autre. Je ne vous connais pas et je n’ai pas été frappé par quelque foudre qui soit. Reprenez-vous.

- Hubert, je n’ai nul besoin de vous connaître. Les sentiments qui nous unissent se dispensent de ce superflu. Fantine se nourrit à mon nombril. Je la porte seule, mon mari n’en veut pas. Chaque matin je rajoute une bandelette pour qu’elle grossisse mais j’ai peur de ne pas réussir toute seule. Votre amour lui apporterait les nutriments indispensables à son développement. Je sais que vous y parviendrez.

- Vous m’avez dit que la ligne droite était la plus courte. A mon tour de vous dire que vous êtes en plein délire. Vous devez vous faire soigner! Je vous conseille d’aller aux urgences sur le champ. Maintenant c’est mon champ qui me réclame !







Consigne : en 15l un personnage qui manque totalement d’empathie

Catherine