Quand on s’ennuie trop, les samedis après-midi, il y a le Prisu. On vient y traîner, il y a de la musique et même une cafét. On n’est pas obligé d’acheter. Mais si l’on veut acheter, il suffit de tendre la main et de se servir soi même sans passer par la vendeuse. Pour nous les jeunes, c'est extra ! Les garçons, c’est vers les rayons de disques qu’ils aiment flâner. Elle, ce qui l’attire, c’est les maquillages. Elle hésite entre le Rouge Baiser, le gloss lilas, Le blush abricot, la poudre de Java rose frisson... Mais ce qui la fait le plus rêver, c’est le mascara. Rien que le mot... Elle se le répète en boucle. Quand elle regarde les romans-photos dans « Nous deux » le seul magasine que lit sa mère, il y a toujours une fille qui pleure à cause d'un homme et son mascara coule dans une larme et en coulant lui noircit le regard, ça la rend sexy la fille. Elle désire tellement avoir enfin l’âge de l’acheter ce mascara qui fera d’elle une femme.
Pour l’instant ce qui l’a fait exister intensément : c’est sentir son coeur s’emballer au bord du vertige. Cette sensation délicieuse de tomber dans le vide, ce trouble intense qui remonte du ventre, lui poignarde l’estomac, lui voile le regard. C’est son opium.
Alors elle y va, elle s’approche et d’un air détaché, elle prend le crayon Ambre d’or, le mascara noir, elle les fourre dans sa poche, très vite maintenant.
Une petite tape sur son épaule la fait tressaillir. Son coeur chavire. Elle se retourne, un vigile lui demande de le suivre. Elle le suit, traverse le magasin crucifiée par la honte.
« Petite voleuse. Je vous ai vu, je vais appeler la police. »
Dans un sursaut de survie, elle sort de sa poche les crayons, les rend. Elle comprend à son regard inflexible, qu’il va le faire. Il va appeler la police et sûrement les parents.
Elle voudrait disparaitre.
Elle voudrait mourir.
Christiane.
Consigne : une tape sur l’épaule.
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