Présentation

L’Atelier d’écriture de Solliès-Pont a commencé en septembre 2018 à l’initiative de Tristan Choisel, auteur de théâtre et de chansons. Pourquoi ? Pour s’initier à l’écriture de formes brèves (nouvelles, saynètes…), pour perfectionner son style ou pour simplement explorer son potentiel créatif. Nous sommes sept à partager nos textes dans la bienveillance, un peu d’humour et toujours avec beaucoup de plaisir. L’association « L’Atelier de Solliès-Pont » abrite cette initiative et vous pouvez nous rejoindre si, comme nous, vous avez l’âme d’un écrivain amateur.

Ce blog est la mémoire de notre travail. Il sert à mettre en lumière quelques-uns de nos textes. Enfin, il permet de communiquer entre nous plus facilement.

samedi 11 juin 2022

Le professeur Lingus

Le professeur Lingus se gratte l’oreille droite, signe d’une profonde réflexion, s’étire et un large sourire décore son visage. Il est prêt. Il a passé toute sa vie à imaginer, dessiner, calculer cette fabuleuse invention. Dans quelques mois, à la fin de l’année 1867, il va enfin pouvoir la présenter à l’exposition universelle à Paris. Son costume élimé, son nœud papillon de travers, ses cheveux en bataille le font ressembler à un savant fou mais qu’importe, il affrontera ses nobles prétentieux et riches bourgeois, sûr de son succès. Il ajuste sa paire de binocles pince-nez qui a tendance à dangereusement pencher sur la droite et recule d’un pas pour admirer sa création. La machine ressemble à une cabine téléphonique en bois vitrée reliée à un imbroglio de pistons, fils électriques et tuyaux en tout genre. L’intérieur est assez étroit mais suffisamment grand pour abriter un homme. Le panel des commandes se résume à deux boutons : « passé » et « futur » et un compteur indique les années. Impatient, il pénètre dans la cabine et presse le bouton : « futur ». En un éclair, il perd toute notion d’espace et de temps.




La cabine le transporte en 1970 et évite de justesse une Volkswagen Beetle entièrement recouverte de couleurs psychédéliques. L’endroit est idyllique. Une belle route de campagne au milieu de champs de vigne. Deux hommes et leurs compagnes sortent de la voiture en chantant à tue-tête. Ils ont l’air un peu éméchés. Les hommes portent pantalons longs à pattes d’éléphant et chemise à fleurs. Ils ont des cheveux très longs et sont barbus. Notre professeur Lingus ne peut pas détacher ses yeux des robes extrêmement courtes de ces dames qui laissent voir leurs belles jambes bronzées. Tous ces gens s’embrassent et se pelotent ardemment en ignorant la présence de notre professeur extrêmement choqué. Il reste là à les regarder, bouche bée, sans sortir de sa cabine. Puis, très gêné devant tant de débauche, il décide de ne pas rester une minute de plus. Il appuie sur le bouton « futur » et disparaît à nouveau.




Un peu étourdi, il vérifie le compteur qui, cette fois, affiche 2100 et regarde par les vitres de sa cabine. L’endroit est extrêmement peuplé et pourtant personne ne s’étonne de son apparition. Tous vêtus d’un uniforme gris, les gens marchent dans diverses directions à pas lents. Leurs gestes sont mécaniques, leur regards fixes. Ils sont étrangement silencieux et ne communiquent pas entre eux. Pas de soleil, des nuages bas. Professeur Lingus sort de sa machine, s’étouffe, tousse et pleure dans cet air irrespirable. Il fait quelques pas sans pouvoir vraiment respirer et n’y tenant plus, il retourne dans son abri. De là, il contemple encore ce futur désolant. Ni arbres, ni fleurs, ni brin d’herbe. Du métal, des pierres, des vitres à perte de vue. Tout est triste, morne, mécanique. Un profond sentiment de malaise l’envahit et se transforme en peur. Il n’a pas vraiment envie d’en connaître plus. Il presse le bouton « passé » et repart. Le futur ne l’intéresse plus.






 
 
Consigne : une fiction en trois parties de 10 lignes au maximum chacune (séparées par un astérisque ou deux sauts de ligne). Le changement de partie peut être l'occasion d'une ellipse de temps, ou changement de personnage, ou changement de lieu, ou autre, peu importe, pourvu que l'ensemble constitue bien une fiction, avec une progression de la première à la troisième partie.


Aliette

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