Présentation

L’Atelier d’écriture de Solliès-Pont a commencé en septembre 2018 à l’initiative de Tristan Choisel, auteur de théâtre et de chansons. Pourquoi ? Pour s’initier à l’écriture de formes brèves (nouvelles, saynètes…), pour perfectionner son style ou pour simplement explorer son potentiel créatif. Nous sommes sept à partager nos textes dans la bienveillance, un peu d’humour et toujours avec beaucoup de plaisir. L’association « L’Atelier de Solliès-Pont » abrite cette initiative et vous pouvez nous rejoindre si, comme nous, vous avez l’âme d’un écrivain amateur.

Ce blog est la mémoire de notre travail. Il sert à mettre en lumière quelques-uns de nos textes. Enfin, il permet de communiquer entre nous plus facilement.

jeudi 21 décembre 2023

Comment gaspiller son temps

 

Qu’est ce que je fais encore avec lui. A quoi ressemble mon existence depuis que je le connais ? J’ai tiré un trait sur toute vie sociale, je refuse sorties et invitations de peur de rater une occasion de le retrouver. Je m’isole. Il m’isole. Je suis entravée, je perds ma liberté petit à petit, je deviens une femme de l’ombre.

Ce soir encore il m'a dit qu’il ne savait pas s’il allait pouvoir venir.  Alors une nouvelle fois j’attends fébrilement, seule chez moi, attentive à la moindre vibration de mon portable, guettant ses SMS. Je m’en veux de lui être aussi soumise. 

Il y a quelque temps il m’a même promis une escapade amoureuse sur les côtes normandes. Je l’attends encore.

Bien sûr il me dit qu’il n’aime plus sa femme, qu’il ne peut pas vivre sans moi, que je suis sa bouffée d’oxygène, qu’on va trouver une solution pour que cette situation soit moins pesante pour moi. Cela fait déjà six mois au moins et j’attends toujours.

Je ne devrais pas me plaindre ainsi puisqu’il m’a prévenue dès le début de notre histoire : il est marié et père de famille. Je savais très bien dans quoi je m’embarquais.

Oui mais voilà ce soir je réalise enfin que je ne veux plus vivre comme ça. Je gaspille mon temps et ma vie avec lui. Il faut que j’aie le courage de lui dire que notre histoire est finie. J’attends le bon moment...

Et puis non, une bonne fois pour toute rayer le verbe « attendre » de mon existence, je l’appelle tout de suite comme ça le problème sera réglé.

Zut il est sur répondeur….



Martine F

Consigne : Titre "Comment gaspiller son temps"

Mauvais accueil

 

C’est décidé aujourd’hui je vais voir mon voisin, le propriétaire de ce foutu gallinacé.  

-          - Bonjour, je suis votre nouvelle voisine. Je voudrais vous parler d’un petit désagrément qui me gâche la vie. Je suis venue m’installer à la campagne pour y trouver le repos et le silence loin des bruits de la ville, et tous les matins je suis réveillée dès l’aube par le chant de votre coq.

-          - Ah ! et alors il chante pas bien mon coq !!

-         -  Là n’est pas la question, ne vous moquez pas de moi s’il vous plait. Votre poulailler est presque sous mes fenêtres ; aussi peut-être pourriez-vous le déplacer de l’autre côté de votre terrain ou alors enfermer votre bestiole le soir dans une pièce noire, que sais-je moi. Comprenez bien qu’il y va de ma santé tout de même.

-          - Vous savez ma petite dame, ici vous êtes à la campagne. Les gens et les animaux qui y vivent ont toujours fait bon ménage. Ce n’est pas de ma faute si vous les gens de la ville vous vous faites de fausses idées. Mon coq était là bien avant vous, il fait tout simplement son boulot en chantant ainsi de bon matin. Je suis désolé mais je ne changerai rien à rien. Vous verrez vous finirez peut-être pas vous y habituer. Ou essayez les boules Quies !!! Sinon retournez donc à la ville retrouver ses bruits sans doute moins agressifs pour vos oreilles sensibles. Sur ce au revoir Madame, j’ai bien d'autres chats à fouetter.  

Q   Quel mufle ! Il a de la chance que je sois végétarienne, sinon son coq je l’aurais volontiers bouffé avec une bonne sauce au vin !



      Martine F

C   Consigne : Thème : Un mauvais accueil

M









samedi 16 décembre 2023

La mal aimée

Comme chaque année nous arrivons chez mes parents pour fêter Noël, les bras chargés de cadeaux.

Les enfants sont impatients de retrouver leurs cousins pour partager des jeux, des fou-rires. C’est une parenthèse appréciée dans la vie de tous les jours.

Comme chaque année nous sommes les premiers. C’est toujours ma mère qui ouvre, et ce sont toujours les mêmes mots : « ah ! c’est vous ! vous êtes déjà là, on ne vous attendait pas si tôt. » Pas de sourire, pas d’embrassades. On a beau être habitués, c’est toujours un choc. Heureusement mon père est plus chaleureux, je me plais alors à penser qu’on est les bienvenus !

Comme chaque année en revanche, quand mon jeune frère arrive avec femme et enfants, ma mère se précipite pour ouvrir. Car c’est lui qu’elle attendait. Elle rayonne ! Elle lui reproche presque de ne pas être arrivé plus tôt ! Elle l’embrasse, le serre dans ses bras, a un petit mot gentil pour chacun de ses petits-enfants.

Alors, comme chaque année, je me dis que c’est bien la dernière fois que je viens, que je vis cette frustration, ce sentiment d’être la mal-aimée, et, je dois l’avouer, la jalousie. Mais comme chaque année, pour faire plaisir à mes enfants, je reviens.

J’imagine parfois que, peut-être déjà à ma naissance, ma mère a murmuré « je ne t’attendais pas, toi."
 
 
Anne
 
Consigne : thème : mauvais accueil

jeudi 14 décembre 2023

Un mauvais accueil

           C’était la première fois qu’Amélie remettait les pieds dans le Sud de la France, depuis son départ précipité vers l’Angleterre, il y a dix ans.

Pourtant, ce n’était pas faute d’avoir essayé. Mais à chaque tentative de retour, elle trouvait un prétexte pour ne pas partir. 


Une fois, elle avait même réservé un vol Direct « Londres Gatwick / Marseille Marignane » et s’était rendue jusqu’à l’aéroport. Dans la salle d’embarquement, des éclats de voix avaient attiré son attention. Un couple se disputait avec virulence sous le regard triste de leur petite fille, une jolie blondinette tout juste en âge de marcher. 

Alors elle avait fait demi-tour. D’abord en marchant lentement, pour se donner une chance de changer d’avis. Mais lorsque dans le haut parleur, elle entendit son nom, dernier appel, dernière chance de partir, elle s’était mise à courir d’une traite jusqu’à sa voiture. Là, dans ce parking de Gatwick qu’elle connaissait par coeur, elle avait pleuré à chaudes larmes, sur le capot de sa BMW, son bagage Vuitton jeté par terre, piètre spectacle d’une sublime Businesss Woman trentenaire en manteau de laine Saint Laurent.


Mais aujourd’hui elle avait réussi à le prendre cet avion. Elle atterrit à Orly et héla un taxi en direction de la gare de Lyon. Ensuite, elle monta dans un TGV pour se rendre à Nice, la Ville de son enfance. Elle fit l’effort de ne pas penser et de focaliser son attention sur le paysage fantomatique qui défilait à toute vitesse sous ses yeux.


Quelques heures plus tard, une voix annonçant le TGV en gare de Nice la tira de ses rêveries. Sur le quai bondé, un père Noêl dont la hotte débordait de bonbons agitait sa clochette en tonitruant d’une voix enjouée des « HOHOHO » pour le plus grand bonheur des jeunes enfants en âge d’y croire encore.


Sa fille à elle n’y croyait sans doute plus. Elle allait avoir dix ans le 24 décembre. Célia…, sa fille unique… elle ne l’avait jamais revue.


Un mois après sa naissance, Amélie avait fuit à Horsham, petit village dans le Sussex, au Sud de Londres, pour fabriquer des sculptures dans un atelier de design, abandonnant Célia à ses grands-parents sans explication.


Lorsqu’elle était tombée enceinte, elle avait inventé une histoire rocambolesque d’un amour interdit avec un jeune aristocrate qui ne l’épouserait jamais. Ses parents étaient furieux mais l’avaient obligé à garder cet enfant puisque le Seigneur lui avait envoyé. A 20 ans à peine, elle n’avait pas eu le courage de s’opposer à leur volonté. Comment leur dire qu’elle avait été violée par son oncle Albert, ce frère si charismatique dont son père ne tarissait pas d’éloges ? Alors elle était partie, hébergée chez ses amis rencontrés lors d’un worskshop de design à Paris, pendant ses études artistiques. Nourrie et logée contre un emploi de créations de sculptures, elle avait tentée d’oublier en se jetant à corps perdu dans son travail. Au fil du temps elle était devenu une sculptrice reconnue, non seulement au Royaume-Uni mais également dans le monde entier.


Depuis dix ans, un détective français qu’elle avait engagé lui envoyait chaque mois des photos et des nouvelles de sa fille et de sa famille. Le mois dernier, il lui avait appris que son oncle venait de décéder. Alors elle sut qu’elle pouvait rentrer. Rien ne pourrait excuser son absence et son silence mais elle leur dirait la vérité. Elle était prête… Prête à affronter leur mauvais accueil… Prête à affronter leurs reproches… S’ils l’aimaient, ils comprendraient. Elles, elle les aimait avec force depuis toujours et elle osait espérer que sa fille voudrait bien lui pardonner sa longue absence, peut-être même venir vivre avec elle à Londres. 


Elle croyait fermement aux Miracles de Noël !!!


Michèle


Consigne : un texte dont le titre est "Un mauvais accueil"

mardi 12 décembre 2023

La rumeur

 

        
- Tu sais Paul je ne comprends pas pourquoi ils ne me croient pas là-haut à la Direction. Je leur ai dit que les bruits qui courent sur moi sont totalement infondés, qu’ils doivent me croire sur parole puisque je ne peux en apporter la preuve. Malheureusement j’ai bien senti qu’ils doutaient de ma sincérité. Et cette rumeur qui s’amplifie de jour en jour. Quand je passe dans les couloirs je vois bien les sourires de convenance. Je sens les regards appuyés dans mon dos. Je n’y comprends vraiment rien. Je me demande qui est à l’origine de ça ; j’ai bien ma petite idée mais je n’ai encore aucune preuve. Tu vois ce qui me sidère c’est que mes plus proches collègues puissent croire à une chose pareille ; ils me connaissent bien ; chacun sait que je suis bien incapable de faire ce dont on m’accuse quand même. Cette situation m’obsède, je n’en dors plus la nuit, je suis totalement épuisé. Ma femme n’arrête pas de me dire que ça va passer comme c’est venu, que c’est le lot des rumeurs. Elle n’a absolument pas conscience de la gravité de ma situation, c’est tout de même mon honneur qui est en jeu. J’ai l’impression que personne ne peut me comprendre. Même toi qui est mon ami. D’ailleurs là maintenant, je te sens sceptique. Alors toi non plus tu ne me croirais pas ? Pourtant je peux t’assurer que tout n’est que mensonge.

 - Que tu dis.


Martine F

Consigne : titre : Que tu dis (l'animateur a suggéré, à la lecture du texte, que l'autrice mette un autre titre)





lundi 11 décembre 2023

Lorsque les rêves se délitent

Eh oui, j’en avais rêvé depuis l’enfance. Et le propre des rêves c’est de vouloir se réaliser. Mais le souffle de la vie et des années délitent les rêves. Pourtant, ils reviennent, s’accrochent, persistent pour se concrétiser, comme une incessante mélodie. Cette petite musique me berça longtemps.

Au tout début, ce fut sur le vieux piano désaccordé. Il vivait paisiblement près de la voiture de mon père dans le garage. Je pianotais en compagnie d’une vieille Méthode Rose dénichée aux hasard de mes explorations. Oh joie ! Je jouais et chantais les petites berceuses préférées de ma maman. Mi ré do do, sol la si ou Au clair de la lune, Meunier tu dors, Frère Jacques... Docile, le piano se laissait faire. J’imaginais un début de carrière prometteur.

Un déménagement a rompu ce charme naissant. Le vieux piano ne nous a pas suivi. Notre séparation, couronnée de tristesse, laissa s’envoler mes rêves comme des nuages emportés par le vent.

Durant des années, je regardais mes mains en regrettant de ne pouvoir les poser sur les touches noires et blanches d’un piano. Ces bouts de doigts qui créaient la musique…


J’avais oublié la capacité des rêves à résister, à s’agripper.

J’ai donc pris mon courage à deux mains en prenant des cours de piano à cinquante-six ans et ce pendant six ans. Un vaste chantier nourrit de solfège, de gammes, d’exercices, de partitions. Je retrouvais même ma bonne Méthode Rose. Fidélité à l’enfant du garage.

Un travail quotidien, acharné et studieux, pour un rendu sous forme de flaque d’eau en présence de mon professeur. J’ai tenu ce que j’ai pu tenir. Plus j’avançais, plus je mesurais l’ampleur de la tâche et de mes faibles capacités.

Alors ce fut l’arrêt subit, une espèce de petite mort. Je renonçai. Face à l’étonnement de mon professeur, je ne pus que lui répondre :

« Ça ne m’amuse plus ! »






Consigne en atelier du 24/11/23 : Excipit : « Ça ne m’amuse plus »

Catherine

Promesses

Je jure qu’avant ce soir je lui téléphonerai. Je ne peux plus reculer. Cela finit par me peser. Mais j’ai beau jurer chaque jour, je me réveille le lendemain avec une gueule de bois, confus de ne pouvoir tenir mes promesses. Faut-il que j’aille à confesse pour me soulager ? Avec deux Pater et Ave maria cela devrait régler le problème.

Et demain, nouvelle gueule de bois accompagnée de nouvelles résolutions. Je jure qu’avant ce soir et patati et patata...On prend les mêmes et on recommence.

C’est sûr qu’il ne se doute pas que cela me mine. Il doit penser que je suis le dernier des salauds. Après tout, il a peut-être raison. Je sais qu’il a raison. Ce n’est pas à lui d’appeler. Mais moi, je n’y arrive pas.

Cette impuissance se lit dans mon miroir lorsque je me rase. J’ai du mal à me regarder. Le problème c’est qu’il est impossible de se raser sans se regarder. Alors je jure. Promis d’ici ce soir. Et la journée recommence à l’identique des précédentes. Je finis par avoir des poches sous les yeux. Que dis je... des valises, celles que je remplis de honte au fil des jours en ne l’appelant pas.

Mais, c’est sûr d’ici ce soir, je l’appelle !





Consigne en atelier du 01/12/23 : Incipit : Je jure qu’avant ce soir

Catherine

samedi 9 décembre 2023

Que tu dis

Il fait froid ce soir là quand il rentre chez lui. Il se presse afin de retrouver la chaleur du foyer et le repas que sa femme a dû préparer. Mais, quand il entre, il trouve l’appartement dans l’obscurité et sa femme assise près de l’entrée.
 
"Que fais-tu là assise dans le noir ?"
 
"Je pars", lui dit-elle.

Il remarque alors le sac posé à ses pieds. Il la regarde comme si c’était une étrangère. Il ne reconnaît plus la femme avec laquelle il a passé tant d’années, qu’il a aimée de tout son cœur même si ces derniers temps ce n’était plus pareil. La routine s’était installée, il la négligeait, lui préférant la compagnie de ses amis, les jeux de cartes au café.

Comme s’il sortait d’un mauvais rêve, il la fixe encore et encore cherchant à retrouver ce visage qu’il connaît si bien pour s’y accrocher. Mais rien ne transparaît, elle est comme statufiée attendant un mot, une réaction. Elle voit bien ses poings fermés. Il se contient pour ne pas hurler, ne pas frapper. Il s’approche, cherche à lui prendre les mains qu’elle lui refuse. Il murmure "mais pourquoi ? qu’ai-je fait ? explique toi, dis moi, je peux comprendre. "

Elle se lève et dit : "comprendre, non tu ne le peux pas. Je pars pour un autre. Voilà, c’est dit".





Anne



Consigne : titre : Que tu dis


lundi 4 décembre 2023

Là- bas si j'y suis


 
Aout 2003, c’est l’été de la canicule. Une terrible canicule, 40 degrés ! 
L’herbe est sèche, rase, le causse caillouteux. Il n’y a même pas un souffle pour soulever la poussière sur ce plateau austère du Larzac.
Paul, Michel, Alain font la queue devant les citernes pour le ravitaillement en eau. 
Jöelle, Françoise et moi avons mis les enfants encore petits à l’abri du soleil sous une vaste tente où des Kurdes en costume traditionnel se tiennent par la main, dansent et chantent en cercle. On craint quand même que cette chaleur irrespirable leur donne la fièvre. Et si une envie se mettait à nous tenailler le ventre pour une évacuation pressante, comment faire ?  Il y a bien des cabines Algeco, elles nous rebutent mais il faudra s’y résoudre. Tant pis, il ne faudra pas traîner, on se pinçera le nez, se dit-on dans un fou rire.  Pas encore de toilettes sèches en ce début des années 2000.
Au cœur de cette déferlante de 150 000 personnes : jeunes, vieux, paysans, urbains, femmes, enfants ; on se sent accordés. Une sensation d’ébriété a en être. 
D’autres ont du rebrousser chemin, après bien souvent des heures de voiture car le site est saturé. Sous des banderoles arc en ciel, on lie conversation avec la diversité du monde, avec des jeunes en tee-shirt imprimés du slogan « Un autre monde est possible ». 
On a besoin d’y croire. 
Le terme Altermondialiste s’invente.
Après tout, on peut se passer « des choses » : bagnole, fringues, téléphone …puisqu’on est venus avec juste une tente, trois duvets, un sac à dos, une gourde, puisque qu’on a marché des kilomètres depuis la voiture, à pied et sous le soleil pour être là.
« Le monde n’est pas une marchandise. »
On renoue avec l’authenticité. On s’exalte. Avec des centaines de gens on partage en un geste militant la soif, l’eau, l’inconfort, la chaleur. On expérimente la sobriété. Nos enfants se construirons dans ce modèle, on s’en persuade comme d’une évidence.
On partage le sort des réfugiés. Des réfugiés du capitalisme. 
150 000 personnes rassemblés sous 40 degrés, venues dire Non à la marchandisation de la santé, de l’eau, des services… Non à L’OMC et à sa gestion anti démocratique. Partout des conférences, une fournaise d’idées, une ébullition de propositions. 
C’est une grande fête.
Une foule venue commémorer une victoire après des années de lutte sur ce plateau. Une foule venue soutenir le chantre de la désobéissance civile : José Bové. 
Le soir il prend la parole, il sort de prison pour avoir arraché des plants OGM. Pour nous protéger de ce fléau.  Il parle de sa voix ferme et douce. De la prison, pas une plainte, non, mais de ses compagnons de cellule, de la solitude, de la condition des prisonniers. Il est amaigri mais debout.
Il remercie de son accent aveyronnais les camarades venus le soutenir chaque jour à l’extérieur de la prison, l’importance de leur voix de l’autre côté des murs, pour ne pas céder au découragement.
On est très émus.
D’autres camarades ont été aussi jetés en prison pour avoir démonté un  temple de l’impérialisme Américain, un MAC DO. Une insulte pour Millau. Une domination toxique pour le monde entier.  
A la nuit, les enfants s’endorment sur  les paroles de Manu Chao au loin :

«  Clandestino…
Correr es mi destino
Para burlar la ley
Perdido en el corazon
De la grande babylon  »

Et nous euphorisés de vivre intensément ce moment solidaire, historique; on tarde à céder au sommeil avec cet air qui nous trotte dans la tête :

« Je dormais à poings fermés… »
Je rêvais d'un autre monde
Où la Terre serait ronde
Où la lune serait blonde
Et la vie serait féconde »



Christiane

Consigne : 45 lignes, thème libre



 

samedi 2 décembre 2023

Les maux pour le dire



Il va partir, c’est décidé. Mais comment leur dire ? Est-ce qu’ils vont comprendre ?



Il arrête sa voiture au pied de l’immeuble où il doit les rejoindre. Il reste là les bras posés sur le volant, tenant sa tête entre ses mains. Il ne se sent pas le courage de sortir, de monter les affronter.

Son portable vibre, un message, ils s’inquiètent, lui demandent si tout va bien, s’il n’a pas oublié leur soirée. Il les imagine déjà un verre à la main, parlant de tout et de rien, heureux d’être ensemble. S’ils savaient…

A-t-il le droit de tout gâcher ainsi. Il sait pourtant qu’il doit absolument leur parler, leur expliquer sa décision de vive voix ; il aurait tout aussi bien pu leur laisser un simple message dans leur boîte mail mais ça aurait été trop lâche de sa part, il les estime trop pour agir ainsi.

Il s’extrait enfin de la voiture, se dirige vers l'entrée de l'immeuble lentement, la tête rentrée dans les épaules, les yeux rivés au sol ; il parle à l’interphone d’une voix à peine audible. Dans le hall, devant l’ascenseur son doigt hésite à appuyer sur le bouton.

Il ne pensait pas que ce serait si dur. Il se croyait fort chez lui à préparer ses arguments et explications. Mais là maintenant il perd toute confiance en lui. Dans l'ascenseur le temps de la montée jusqu'au quatrième étage est une véritable torture.

Arrivé sur le palier, la porte de l’appartement est déjà ouverte, ils n’attendent plus que lui. Impossible de reculer maintenant. Il doit avoir une drôle de tête car tous l’observent bizarrement, silencieux tout à coup.




Martine F.


Consigne : sujet : le personnage n'ose pas dire quelque chose.