Aout 2003, c’est l’été de la canicule. Une terrible canicule, 40 degrés !
L’herbe
est sèche, rase, le causse caillouteux. Il n’y a même pas un souffle
pour soulever la poussière sur ce plateau austère du Larzac.
Paul, Michel, Alain font la queue devant les citernes pour le ravitaillement en eau.
Jöelle,
Françoise et moi avons mis les enfants encore petits à l’abri du soleil
sous une vaste tente où des Kurdes en costume traditionnel se tiennent
par la main, dansent et chantent en cercle. On craint quand même que
cette chaleur irrespirable leur donne la fièvre. Et si une envie se
mettait à nous tenailler le ventre pour une évacuation pressante,
comment faire ? Il y a bien des
cabines Algeco, elles nous rebutent mais il faudra s’y résoudre. Tant pis, il ne faudra pas traîner, on se pinçera le nez, se dit-on dans un
fou rire. Pas encore de
toilettes sèches en ce début des années 2000.
Au
cœur de cette déferlante de 150 000 personnes : jeunes, vieux, paysans,
urbains, femmes, enfants ; on se sent accordés. Une sensation d’ébriété
a en être.
D’autres
ont du rebrousser chemin, après bien souvent des heures de voiture car
le site est saturé. Sous des banderoles arc en ciel, on lie conversation
avec la diversité du monde, avec des jeunes en tee-shirt imprimés du
slogan « Un autre monde est possible ».
On a besoin d’y croire.
Le terme Altermondialiste s’invente.
Après
tout, on peut se passer « des choses » : bagnole, fringues, téléphone
…puisqu’on est venus avec juste une tente, trois duvets, un sac à dos,
une gourde, puisque qu’on a marché des kilomètres depuis la voiture, à
pied et sous le soleil pour être là.
« Le monde n’est pas une marchandise. »
On
renoue avec l’authenticité. On s’exalte. Avec des centaines de gens on
partage en un geste militant la soif, l’eau, l’inconfort, la chaleur. On
expérimente la sobriété. Nos enfants se construirons dans ce modèle, on
s’en persuade comme d’une évidence.
On partage le sort des réfugiés. Des réfugiés du capitalisme.
150
000 personnes rassemblés sous 40 degrés, venues dire Non à la
marchandisation de la santé, de l’eau, des services… Non à L’OMC et à sa
gestion anti démocratique. Partout des conférences, une fournaise
d’idées, une ébullition de propositions.
C’est une grande fête.
Une
foule venue commémorer une victoire après des années de lutte sur ce
plateau. Une foule venue soutenir le chantre de la désobéissance civile :
José Bové.
Le
soir il prend la parole, il sort de prison pour avoir arraché des
plants OGM. Pour nous protéger de ce fléau. Il parle de sa voix ferme
et douce. De la prison, pas une plainte, non, mais de ses compagnons de
cellule, de la solitude, de la condition des prisonniers. Il est amaigri
mais debout.
Il
remercie de son accent aveyronnais les camarades venus le soutenir
chaque jour à l’extérieur de la prison, l’importance de leur voix de
l’autre côté des murs, pour ne pas céder au découragement.
On est très émus.
D’autres
camarades ont été aussi jetés en prison pour avoir démonté un temple
de l’impérialisme Américain, un MAC DO. Une insulte pour Millau. Une
domination toxique pour le monde entier.
A la nuit, les enfants s’endorment sur les paroles de Manu Chao au loin :
« Clandestino…
Correr es mi destino
Para burlar la ley
Perdido en el corazon
De la grande babylon »
Et
nous euphorisés de vivre intensément ce moment solidaire, historique;
on tarde à céder au sommeil avec cet air qui nous trotte dans la tête :
« Je dormais à poings fermés… »
Je rêvais d'un autre monde
Où la Terre serait ronde
Où la lune serait blonde
Et la vie serait féconde »
Christiane
Consigne : 45 lignes, thème libre
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