Présentation

L’Atelier d’écriture de Solliès-Pont a commencé en septembre 2018 à l’initiative de Tristan Choisel, auteur de théâtre et de chansons. Pourquoi ? Pour s’initier à l’écriture de formes brèves (nouvelles, saynètes…), pour perfectionner son style ou pour simplement explorer son potentiel créatif. Nous sommes sept à partager nos textes dans la bienveillance, un peu d’humour et toujours avec beaucoup de plaisir. L’association « L’Atelier de Solliès-Pont » abrite cette initiative et vous pouvez nous rejoindre si, comme nous, vous avez l’âme d’un écrivain amateur.

Ce blog est la mémoire de notre travail. Il sert à mettre en lumière quelques-uns de nos textes. Enfin, il permet de communiquer entre nous plus facilement.

mercredi 23 novembre 2022

La Plage

La plage, mot chéri du vocabulaire. Il évoque à chacun de nous des souvenirs, des sourires, des jeux, la camaraderie et la liberté. Un collier de mots en perles fines que sont les châteaux de sable, les coquillages, les plongeons, les vagues, les pique-niques et les parasols... Une malle aux trésors remplie de gaieté, de tendresse et de joie de vivre. Les parents attentifs surveillent leurs enfants, une noyade est si vite arrivée. Un petit paradis sur terre dans les pays en paix.

Mais en Turquie, ce 2 septembre 2015, aucun enfant ne jouait sur la plage. Ce jour là, un enfant de trois ans gisait sur la grève, le visage enfoui dans le sable. La mer, désespérée, lui léchait le corps pour le maintenir en vie, en vain.

Embarqué sur un radeau de fortune avec ses parents, ils fuyaient la guerre qui ravageait la Syrie, leur pays. Ils rêvaient, l’espoir chevillé au corps, d’offrir à leur enfant une vie décente sans bombes menaçantes. Ils rêvaient de lui offrir l’accès à la connaissance. Ils rêvaient de le voir grandir dans le respect et la dignité. Ils rêvaient de ciel bleu et de liberté.

Mais ce jour là, la chaloupe a chaviré et leur petit Aylan a échoué sur la plage, vide de vie.





Consigne : Fiction sur la plage où il se passe quelque chose d’étonnant 04/11/22

Catherine


lundi 21 novembre 2022

Le Galop


- Grand-mère, tu es venue me voir ? Je suis tellement contente, mais qui t’a prévenue ?

- Mais non mamie, c’est moi Caroline.

- Caroline ?

- Oui mamie. Tu sais, la fille de Géraldine. Je t’ai apporté des pains au chocolat.

- C’est gentil, mais je ne peux pas les manger. J’ai cassé mon dentier en tombant. Alors tu n’es pas ma grand-mère ? Mais qui est Géraldine ?

- Ta fille aînée. Et moi, je suis sa fille. Ce n’est pas grave si tu ne souviens pas. Je suis contente de te voir, ma petite mamie. J’ai eu tellement peur quand maman m’a dit que tu étais à l’hôpital.

- N’aies pas peur. Moi, je suis toute retournée. Tout à l’heure des messieurs sont venus me chercher. J’avais envie d’aller voir la mer à cheval. Ils m’ont laissée m’échapper. C’était merveilleux ! J’ai galopé avec le vent dans les cheveux. Plus je me rapprochais de la plage, plus je sentais l’iode de la mer et des algues. J’étais folle de joie. Des souvenirs d’enfance remontaient comme une grosse vague. Le problème c’est que mon cheval a eu peur de l’eau. Il s’est cabré et après je ne me souviens plus de rien. Je me suis retrouvée ici dans mon lit et tu es rentrée.

- Tu es fatiguée. Tu as fait un petit somme et tu as dû rêver.

- Mais c’est un monde ! A chaque fois on me dit que je dors ou que je rêve. C’est malheureux quand même !

- Je comprends. Je vais te laisser te reposer et je reviendrai te voir samedi.




Consigne : L'animateur a demandé à chaque autrice de choisir un thème et de le traiter durant plusieurs semaines. J'ai choisi la mémoire 

Catherine


La route

En route ! criait mon père. C’était le signal du départ en vacances. Nous devions être prêts à monter dans la voiture dès qu’il le disait. Nous, les enfants, l’étions depuis longtemps au risque de susciter sa colère mais notre mère elle, se faisait attendre. Le rituel était toujours le même, elle retournait une fois encore dans la maison, vérifier qu’elle avait bien tout fermé. Dés qu’elle apparaissait sur le seuil, mon père mettait le contact. Elle s’installait à coté de lui, vérifiait que nous, ses trois enfants étions bien là. Moi, j’étais coincée à l’arrière entre mes deux frères. Pas question d’avoir droit à la place près de la vitre… c’étaient eux qui décidaient, et je ne contestais pas. De toute façon, ça n’aurait servi à rien, j’étais une fille et de plus, la »petite ». De la route, je ne voyais jamais rien.

Durant le trajet, il y avait comme deux mondes, celui des adultes à l’avant qui bavardaient, et celui des enfants à l’arrière comme si une cloison de verre nous séparait. Quand parfois je m’endormais et que je m’appuyais sur l’un de mes frères, il me repoussait d’un coup d’épaule et me réveillait. Mais je n’ai pas oublié la chaleur de leur corps, leurs petites querelles, les emportements de mon père qui animaient un trajet qui me paraissait bien ennuyeux.

Chaque été de mon enfance ce fut le même rituel. C’est la route qui changea, elle s’agrandit, devint une autoroute, et bientôt, dans la voiture, nous ne fûmes plus que quatre, puis trois… Nos routes peu à peu se séparèrent.







Anne



Consigne : texte libre (sur le thème du mois choisi par l'autrice).

 

vendredi 18 novembre 2022

Les anges, mon amour

C'est l'automne, il pleut, dans l’allée du cimetière le gravier crisse sous mes pas, à la fontaine je m’arrête  remplir l’arrosoir. L’eau claire coule, de grandes gerbes d’enfance viennent m’éclabousser : l’arrosoir si lourd au bout de mes bras et la fierté de le porter. Porteuse d’eau d’un jour sur les tombes d’anciens jamais connus de moi et que les vieilles de la famille m’emmenaient visiter une fois l’an.  Cet unique jour-là, à l’automne. 
Aujourd’hui, je suis vieille et c’est moi qui veille.Je pose le chrysanthème sur la tombe, le ciel est gris, la pluie s’est arrêtée. Je pose l’arrosoir, me souviens de ce bonheur inaccoutumé quand petite je jetais l’eau croupissante des fleurs pour de l’eau claire. Et cette odeur de pétales fanés. Et la promenade étonnée dans les allées. Tous ces noms gravés sur les pierres « à ma chérie », « à mon ange  pour l’éternité ». Chaque fois l’occasion d’imaginer une histoire à ces vies.Aujourd’hui seule devant la tombe, étrangement je vois perler des gouttes d’eau sur la pierre et les gouttes rouler sur la mousse. Sereinement le chrysanthème frissonne, les pétales cuivrées des asters flétrissent, les cernes violettes des pensées se creusent, la bruyère s’étiole, le cyclamen gémit. Les fleurs pleurent. J’entends s’écouler les larmes de leur mélancolie.

Je ne suis plus seule maintenant accompagnée par ces pleureuses.

 

 

Consigne : sujet : quelque chose d'insolite dans un cimetière.

Christiane


 

Post modernité


- Cet enfant dont tu as tellement envie, le préférerais tu les yeux verts les cheveux noirs ?
- Non plutôt yeux bleus et cheveux clairs.
- Préfèrerais-tu une fille où un garçon ?
- Un garçon peut-être ? Mais peu m’importe vraiment au fond.
- L’aimerais-tu tout blanc cet enfant où métissé de couleurs ?
- Tu sais que j’aime les couleurs, mais ne soyons pas idiots ! Bon ne parlons plus de tout ça…
- Et ce prénom que tu aimais tant ?
- Oui, Raphaël, ce prénom m’a toujours fait rêver.
- Cet enfant, je veux te l’offrir.
- S’il te plait ne fais pas remonter les anciennes blessures…
- Tu sais, il existe des femmes qui rêvent d’une expérience extrêmement enrichissante, aider des couples du monde entier à réaliser leur rêve.    
- Mais qu’est ce que tu racontes ?
- J’ai repéré une agence très fiable, ne t’en fais pas, un avocat spécialisé nous établira un contrat, histoire de s’assurer que la candidate est à la hauteur de sa tâche.
- Mais de quoi tu parles ? Une mère porteuse tu veux dire, ne me dis pas que tu as pensé à ça ?
- Et pourquoi pas ? C’est dans l’intérêt de tous, non ? Imagine : tu peux aider une femme a faire vivre sa famille pendant plusieurs années.
- En somme, c’est par altruisme qu’on va acheter son ventre, c’est ce que tu es en train de me dire ? Et peut être aussi pour participer à son émancipation tant qu’on y est !
 - Écoute-moi au moins ; elle sera choisie entre 21 et 35 ans dans la plénitude de l’âge. Une femme qui ne boit, ne se drogue pas, ne fume pas, et sans aucun souci d’anxiété ni de dépression surtout.
- Stop, je t’arrête tout de suite ! Non et non, je ne veux pas rentrer dans ce business.
 - J’ai beaucoup réfléchi tu sais, tu pourras même si tu le veux faire réaliser des tests de personnalité. Donc aucun risque. N’hésite pas !
- Tu n’as pas pensé à l’adoption, plus simple non ?
- Franchement, entre nous, tu te sens toi de récupérer un gosse de n’importe quel âge avec en prime des problèmes émotionnels et les visites au psy chaque semaine et les éducs sur le dos ?
- Tu ne me fais plus du tout rêver là, cet enfant je ne suis plus sûr du tout d’en avoir envie.
- Ne te sens pas coupable. Réfléchis plutôt : avec la GPA la gestation bénéficie d’un procédé novateur, développement de l’embryon dans une machine d’incubation, séquençage ADN etc… Contrôle absolu.
- Et bien, plutôt que ça, tu vois, je préfère continuer avec le manque.
- Et à ça tu veux résister encore : en prime un voyage en Inde comme un voyage de noces ? L’agence m’a promis de travailler avec notre budget, c’est le prix à payer pour réaliser notre désir. Il faut juste que la banque nous suive dans notre projet.
- L’offre et la demande quoi, c’est la régulation du marché, mais monnayer un ventre, ça me dégoûte et ce qui me dégoûte encore plus c’est que tu ai pensé à tous ces salamalecs et que tu ai imaginé que je serai partant. Des années de vie ensemble pour aboutir à ça ! Mais c’est comme si tu ne me connaissais pas ! C’est ça en fait ! 

Christiane.

Consigne :  Il est question de la difficulté a choisir








jeudi 17 novembre 2022

Nostalgie

Encore un dimanche de pluie, impossible d’aller faire un tour en ville sous prétexte d’acheter le journal. Alors, je me réfugie dans mon bureau. Là, je peux rêver. J’ouvre un tiroir, oh ! ce n’est pas par hasard, je sais ce que je vais y trouver, des photos, Sa photo. Instantanément, les images, les lieux, les personnes, les odeurs même me reviennent et m’emportent loin, si loin, à la campagne, chez mes grands parents chez qui je passais mes vacances. L’été ils accueillaient aussi régulièrement des enfants. Je n’ai jamais cherché à savoir pourquoi. C’était comme ça. Ils arrivaient puis repartaient, parfois, ils revenaient. C’était bien, j’avais ainsi des compagnons de jeux. Un été, grand-mère me présenta Marie. Jean, me dit-elle, tu prendras bien soin d’elle, tu vois, elle est un peu intimidée. Va, allez promener maintenant. Je la pris par la main (douce, si douce) et l’entraînait vers la rivière. Je lui montrais comment débusquer les petites truites et les écrevisses cachées sous les pierres. Elle riait en les voyant s’enfuir. Puis je lui fis découvrir mon domaine, la cabane construite avec mon grand-père, la forêt...
Il y avait tant à explorer ! Ce fut un été magique de jeux, de rires, de goûters parfumés, qui passa hélas vite, trop vite. C’est le cœur serré que je la vis repartir ne sachant si elle reviendrait.
J’attendis avec impatience les vacances suivantes et oh bonheur elle fut là et les suivantes aussi.
D’été en été nous étions devenus inséparables. Le temps passait avec toujours autant d’attente, de jeux, et de départs. Nous avons grandi et notre relation se fit plus distante. Nous ne jouions plus comme autrefois. Nous aidions ma grand-mère à ramasser les fruits, à faire les confitures.
Nous nous promenions parfois mais elle ne prenait plus ma main. Elle m’évitait, sauf ce jour, où allongés dans l’herbe, elle posa un baiser sur ma joue. J’en garde encore la chaude sensation.
Elle me parlait un peu de sa vie d’étudiante loin de moi. Moi, j’étais resté à la ferme. J’étais jaloux de ceux qui partageaient sa vie. Elle était de plus en plus belle et quand nous allions danser, j’étais si heureux de la tenir dans mes bras. Mais j’étais timide et je n’osais lui dire les mots qui me brûlaient les lèvres. Elle vint de moins en moins. Je ne posais pas de questions, j'avais peur de savoir ce qu’elle faisait, et avec qui. Puis elle ne vint plus du tout. Un courrier de temps en temps nous parvenait où elle parlait de sa vie d’étudiante jusqu’à celui qui me brisa le cœur accompagné d’une photo de Marie rayonnante le jour de son mariage. Mon cœur cessa de battre. J’avais espéré malgré moi qu’elle me revint un jour. D’elle, il ne me reste plus que cette photo presque complètement passée.
Un coup sec à la porte me tire de ma rêverie : " et alors Jean, que fais tu ? Ah ! Encore dans tes souvenirs ! Tu n’as pas oublié, j’espère, que nous allons manger chez mes parents" .




Consigne Libre 45 l

Anne


Le choix

Pour son anniversaire ses copains avaient décidé de l’emmener faire la fête dans le village voisin chez des gens qu’elle ne connaissait pas vraiment. Mais qu’importe, elle n’avait pas le choix, elle les aurait suivis, les yeux fermés, jusqu’en enfer ! Ses parents étaient réticents, on ne connaît pas ces gens, disaient-ils. Mais elle insista tant et tant qu’ils finirent par céder avec la promesse de ne pas rentrer trop tard.
C’était une soirée folle ! Quelle ambiance ! On dansait, on chantait, on riait, des couples s’embrassaient... L’alcool circulait, les joins aussi... ça la grisait. Un garçon qu’elle ne connaissait pas s’approcha d’elle. Il lui sourit, la complimenta sur sa robe, ses yeux... Il lui dit qu’il était étudiant en droit, que ses parents étaient à l’étranger pour affaires. Il lui proposa un verre, une cigarette... elle n’avait pas l’habitude mais comme elle ne voulait pas passer pour une gourde elle ne put refuser. Ils dansèrent un peu, il l’embrassa beaucoup...
Quand ses amis lui firent signe qu’ils partaient, il la retint, « reste encore un peu, j’ai une
voiture, je peux te ramener », lui dit-il. Elle hésitait pourtant, que diraient ses copains, et puis elle avait promis à ses parents. Mais la tentation était trop forte. C’était si agréable de plaire à un beau garçon. Il insista, elle resta.
Le lendemain, toutes les radios et télévisions lançaient un appel pour signaler la disparition
d’une jeune fille de dix-sept ans, brune, yeux verts, vêtue d’une robe rouge.





Anne

Consigne : votre personnage n'a pas le choix.

dimanche 13 novembre 2022

Un jardin, des histoires

Des arbres fruitiers, des cactus et des iris sauvages plantés depuis un siècle par des hommes que je n’ai pas connus. Ils vivaient dans la Bâtisse du haut. Des acanthes ont envahit la moindre parcelle de terre de ce vieux jardin-jungle où personne ne pénètre plus.

Des hommes, les anciens, y avaient construit un puits, des restanques et un portail surplombé de deux vasques en pierre. Leur histoire émerge en grattant simplement la terre. Des trésors cachés refont surface. Bouts de vaisselle en porcelaine, fioles pharmaceutiques, flacons de parfum, roues de landau, vieux outils… Dès notre première rencontre, ces traces de vie me fascinent. Une reconnaissance, des retrouvailles comme des liens qui nous unissent.

Ces petits riens résonnent portés par des voix. Je les entends, elles m’appellent. Un écho me persuade de partager le temps restant de ma vie avec ces anciens pour les faire revivre. Tranche de vie nouvelle, superposée aux strates anciennes. Je deviens dépositaire d’une transmission.

Cet assemblage ne s’opère ni en douceur, ni en silence. Le vrombissement du tractopelle annonce la tempête : arbres déracinés, tranchées ouvertes, matériaux charriés. Des hommes travaillent. Les abricots, poires, prunes ne grossiront plus. Ils cèdent leur place au ciment, parpaings et ferrailles. La bétonneuse rythme les saisons et finit par s'en aller. La paix retrouvée donne des ailes aux oiseaux qui chantent de nouveau à cœur joie.

Une maison a poussé. La terre est toujours aimée. Le jardin doit être restauré. Promesse faite aux premiers hommes et au terrain.

Plusieurs entretiens ont permis au paysagiste de répondre à mes attentes. Écouter, réfléchir, ressentir l'appel du jardin et dessiner de nouvelles perspectives. Je ne suis que l’hôte provisoire de cet espace qui nous accueille. Le jardin habite sa terre et la main de l’homme ne fait que passer. L’objectif est de meurtrir le moins possible et de redonner à la nature ses droits. Les pins, amandiers, oliviers, noisetiers sont préservés. L’abricotier et le prunier remplacés. D’autres essences s’installent.

L’aménagement n’est pas seulement végétal. Le minéral prend place et nous conduit loin de nos rives. Après un long voyage, par terre et mer, des pierres viennent se marier à celles des restanques. Chacune est unique. De l’ocre au gris, du rose au rouge, au toucher sinueux, au relief râpeux ou lisse, elles ont été taillées par d’autres hommes en Inde. Ces dalles massives racontent leur histoire et celles des tailleurs de pierres. Leurs coups de masse résonnent encore. Je les entends. Posées, elles s’apaisent et reprennent vie en harmonie avec celles qui les attendaient.

D’autres les rejoignent sans avoir navigué. Transportées par camion de vieilles bordures de trottoir en pierre, chamboulées par leur voyage, atterrissent les unes sur les autres à grand fracas. Fraîchement déterrées, des restes de racines s’y accrochent encore. Je les découvre et fais connaissance. Premiers pas vers l’adoption. Leur nez est patiné, usé par les pas. Difficile de reconnaître celui de l’enfant sautillant de celui soutenu par une canne. Un vrai défilé, toutes catégories confondues. Ont-elles été frappées avec fureur ? Foulées par des travailleurs ? Caressées par des enfants rêveurs ? Ont-elles servi de refuge aux amoureux ? Je m' y assois pour les écouter chuchoter des bribes de vie. Fragments d’histoires mélangées et passées. Des pierres, des végétaux témoins et passeurs de vies. Que raconterez-vous de nous ?

Ce jardin est devenu nôtre et ces mémoires perdurent.

                                                                        *

Vingt ans sont passés depuis le premier coup de pelleteuse. Vingt ans de partage, d'échanges, de soins, entremêlés de rêveries, de pensées, de méditation. Les arbres et les massifs ont grandi puis été taillés. Des essais potagers ont plus résisté que produit. Les pots de fleurs se sont multipliés. Et de boutures en boutures, le jardin n’est plus seulement composés de plantes aux noms scientifiques, il est aussi un jardin de prénoms. On y trouve des Yannick-aloès, un Robert-Hibiscus, des Jean-Pélargonium, une Chantal-Bégonia Rex, un ostéo-coléus… la liste est longue. Une bouture, un souvenir, un lieu, reliés à un prénom. Une responsabilité de les soigner et les voir pousser.

Les propriétaires des lieux sont revenus en famille. Une maman hérisson avec ses petits, des écureuils, des papillons, des oiseaux, des cigales et malheureusement des moustiques-harceleurs.



Consigne : L'animateur a demandé à chaque autrice de choisir un thème et de le traiter durant plusieurs semaines. J'ai choisi la mémoire 

Catherine



Après une nuit sans sommeil

Après une nuit sans sommeil, André se lève à 5 h du matin comme d’habitude. Il sort voir le temps qu’il fait. On avait annoncé la pluie pour cette nuit, mais apparemment rien, juste la rosée du matin, pas assez pour mouiller le sol en profondeur.
Comment va-t-il faire ? Il est temps de semer le blé maintenant pour récolter l’année prochaine sinon c’est la faillite complète.
Il a obéi aux instances agricoles en diversifiant. Depuis quatre ans il a planté des vignes en vendant son troupeau de vaches laitières qui n’était plus rentable. Cette année devaient avoir lieu les premières vendanges qui promettaient en qualité due à la sécheresse. Mais catastrophe, deux jours avant les vendanges, orage de grêle : 50 % de la récolte perdue.
Cela fait vingt ans qu’il élève des poulets en batterie. Il en retire juste de quoi rembourser les crédits avec toujours l’angoisse d’une annonce de la grippe aviaire.
Ce matin André est au bord du désespoir. Toute une vie de labeur, sept jours sur sept à partir de l’adolescence, pour garder la ferme héritée de ses parents et finalement vivre aux crochets de sa femme qui assume les crédits de la maison, le quotidien et les enfants. A part les deux ou trois premières années de vie commune, il n’a pas pris de vacances, Chantal est toujours partie seule avec les enfants.
Et maintenant que faire ? A 58 ans je suis trop vieux pour changer de vie, j’ai encore des crédits à rembourser. Un vertige le saisit en pensant à toute l’énergie qu’il a dépensée pour rien.
 
 
Armelle

Consigne : Un personnage qui ne peut que tolérer ou subir une chose, car il ne peut rien y changer, n’a pas la liberté de choisir.


mercredi 9 novembre 2022

Trauma

- Alors, cette première nuit chez Papy et Mamie ? Tout s’est bien passé ?

- Thomas a dormi comme un petit ange jusqu’à sept heures

- Et il ne s’est pas du tout réveillé ? En principe, vers deux heures, il pleure.

- Non, Je ne crois pas, je l’aurais entendu. Et puis, tu sais bien, j’ai fait ma ronde, justement à deux heures du matin, comme je le faisais quand vous étiez petits avec ton frère.

- Attends, je ne comprends pas cette histoire de ronde…

- Ah ! Je croyais que tu savais ou que tu t’en rappelais. Je me levais chaque nuit pour vérifier si vous respiriez bien. Un rituel pour voir si tout allait bien, couverture, doudou, fièvre, une caresse sur le front, un bisou et je me recouchais. Donc, cette nuit j’ai fait pareil avec ton fils.

- Mais tu ne nous l’a jamais dit ! Crois-moi, cela nous aurait servi ! Je comprends mieux pourquoi à deux heures du matin, je transpire, j’ai des palpitations, comme s’il me manquait quelque chose de vital. En fait, tu nous a drogués à heure fixe. Ce n’est pas un hasard si ton fils et ta fille se réveillent angoissés toutes les nuits ! Comme si nous t’attendions. Et maintenant c’est Thomas... Mais pourquoi ? C’est dingue cette histoire !

- Pourquoi ? Pourquoi ? Parce que ta sœur, celle que tu n’as pas connue, est morte dans son sommeil, subitement et sans raison. Elle avait huit mois.

- Et tu ne nous as rien dit durant toutes ces années. Tu savais que nous avions, mon frère, mon fils et moi, de graves problèmes de sommeil. Et tu te taisais, tu gardais ton secret. Tu aurais dû nous en délivrer plus tôt.

- Je n’ai jamais voulu vous traumatiser avec ce drame atroce et maintenant, je le regrette. J’ai bien senti qu’il était temps de vous en parler. Les secrets de famille étouffent souvent ceux qui les ignorent.



Consigne : Reprendre le texte précédent pour aller plus loin en 15mn

Catherine