Présentation

L’Atelier d’écriture de Solliès-Pont a commencé en septembre 2018 à l’initiative de Tristan Choisel, auteur de théâtre et de chansons. Pourquoi ? Pour s’initier à l’écriture de formes brèves (nouvelles, saynètes…), pour perfectionner son style ou pour simplement explorer son potentiel créatif. Nous sommes sept à partager nos textes dans la bienveillance, un peu d’humour et toujours avec beaucoup de plaisir. L’association « L’Atelier de Solliès-Pont » abrite cette initiative et vous pouvez nous rejoindre si, comme nous, vous avez l’âme d’un écrivain amateur.

Ce blog est la mémoire de notre travail. Il sert à mettre en lumière quelques-uns de nos textes. Enfin, il permet de communiquer entre nous plus facilement.

lundi 28 mars 2022

Un message personnel

C’est dimanche, il pleut, c’est le soir, un soir comme un autre, comme beaucoup d’autres. Elle attend, elle n’en peut plus d’attendre. Sa mère, à voir sa mine s’irrite, et elle, de voir sa mère, son tablier, toujours ce même tablier, elle ne le supporte plus. Son père, toujours ce béret qu’il ne quitte jamais, sa gauloise coincée aux bord des lèvres, elle a envie de hurler. Il n’a qu’une obsession se coller à la radio. Quand elle se décide à ouvrir les lèvres pour manger, elle entend : « Odette aime le pot au feu… Pierre est de bonne humeur… Le coq est ivre… Le moustique est amnésique…» Ça grésille affreusement. Ces phrases sans queue ni tête, ses vieux les vénèrent, leur vie toute entière suspendue à ces quelques mots absurdes. Elle, elle s’en fout, puisque rien ne change dans sa vie. Puis c’est leurs rires qui l’écœurent quand démarre l’émission de cet humoriste loufoque. Le rire de sa mère lui donne des hauts le cœur. Elle, c’est de pleurer qu’elle a envie. Il ne reviendra pas, c’est sûr. Quand ce jour-là elle entend : « Nous t’attendons impatiemment » elle pense que c’est enfin un message personnel.

 
 
 
 
Consigne : titre : Un message

Christiane

Boufigue

« Je vous préviens, ne comptez pas sur moi. Je ne supporte plus ce genre de situation. Un pas en avant et deux en arrière, nous allons droit dans le mur. Ce n’est pas la première fois que je vous mets en garde, mais personne ne m’écoute, je parle dans le vide, alors... débrouillez-vous ! D’autre part, je demande à chacun de vous de ne plus me harceler, surtout la nuit, quand je viens juste de trouver le fil de mes rêves. Vous devez assumer vos actes, sans moi. Ne me demandez plus mon avis puisqu’à présent cela n’a servi à rien. Personne ne m’écoute. »

Personne ne l’écoutait. Jamais. La solitude avait eu raison de sa raison. Chaque jour, Boufigue parcourait les chemins rocailleux pour retrouver ses compagnons. Il grimpait, s’agitait, menaçait, brandissant sa canne aux arbres, au ciel, aux oiseaux…

Toujours la même histoire. Il les prévenait tous ! Il voulait être écouté et se sentir indispensable.

Perdu au sommet de sa colline il avait fini par l’être, en intégrant sa colère au paysage.




 
 
 
Consigne : en 15 mn Texte commençant par « Je vous préviens »

Catherine



jeudi 24 mars 2022

Peut-être noir

Soyez vous-même, tous les autres sont déjà pris, écrivait Oscar Wilde.

Eh bien oui, moi, je suis noir, sans hésitation, je vous le dis. Les autres ? Je n’en sais rien, demandez-leur.

Noir, absolument noir.

Noir, couleur de l’absence, du deuil, du désespoir, de la nuit, du contraste ou du négatif, de la cécité, de l’anarchie et de l’esclavage. Un noir aveugle, privé de lumière.

Et pourtant, moi, je suis d’un noir lumineux, tout comme mon sang rouge qui coule dans mes veines.

Les autres ? Tout pareils, même sang, mêmes artères… Des humains qui me ressemblent emballés dans d’autres couleurs. Parfois noirs de l'intérieur. Des rongeurs propageant le rejet, annonciateur d’épidémie pestilentielle.

 
 
 
 
 
Consigne : en 15 l en titre : « Peut-être noir »

Catherine

mercredi 23 mars 2022

Un message

Allô ! Appel détresse. Je vous écoute. Que puis-je pour vous ?

Au bout du fil, le silence. Il a l’habitude. Il sait que ce n’est pas facile de mettre la douleur en mots. Il faut du temps. Alors il attend. Il entend un souffle, un soupir aussi. Le silence lui indique la profondeur du gouffre, le chemin à parcourir pour remonter à la surface, pour oser établir le contact. Il attend. Il dit « Je sui là. Prenez votre temps, je suis à votre écoute ». Un soupir plus appuyé lui répond. Il a été entendu. Garder le lien. Il sait que c’est là l’enjeu. Son cœur se serre un peu : la crainte d’échouer. Il fait le vide en lui, pour être tout entier dans l’écoute. Un fil ténu comme un cheveu porte tout le poids du tragique. Ne pas rompre ce fil. Il redit « Je suis là, je suis avec vous ». Il rassure doucement. Puis il se tait. Ils échangent désormais dans le silence. Il accorde son souffle sur le sien. Saccadé au début, le rythme petit à petit s’apaise. Ils respirent ensemble. Il sent un relâchement. Il entend un léger gémissement. C’est le premier son qu’il perçoit. Puis après un temps, presque comme une plainte, le premier mot : « Je ». Elle a dit « Je ». C’est une voix de femme. Il espère une suite, rien ne vient. Mais il a reçu ce mot comme un retour à la vie. « Je » a un corps, une identité, une histoire. « Je » est porteur d’espoir. Il dit « Oui c’est vous, c’est bien vous ». Il croit entendre « Oui ». Il n’en n’est pas certain. Puis la communication se coupe. Elle a raccroché.

Il garde le combiné sur l’oreille. Il n’a pas envie de le reposer tout de suite. Mais une lumière clignote sur le clavier. C’est déjà un nouvel appel. « Allô, Appel Détresse, j’écoute ».





Consigne : titre : Un message

Christiane


Plus que ça

Ma voiture, où est ma voiture ? Je l’avais bien garée là, j’en suis sûr. Elle n’y est plus. Qu’est-ce que je vais faire sans ma voiture ? Je cherche comme un fou dans toutes les petites rues adjacentes. Mais rien à faire, elle a disparu. J’interpelle un passant, il n’a rien vu. Un autre, il ne sait pas non plus. Ce balayeur peut-être ? Oui il a vu en effet. Un camion de la fourrière, il y a une heure environ. Comment me rendre à la fourrière ? On m’indique le chemin. J’y vais. C’est loin. J’arrive juste avant la fermeture. Elle est bien là. Elle m’attend. Seulement il faut payer une amende. Exorbitante. Je n’ai pas les moyens. Je plaide ma cause, j’insiste, je supplie. J’essaye de les convaincre, de les apitoyer. Ils ne veulent rien entendre. Il faut payer d’abord. Je dis je n’ai pas d’argent sur moi. Je dis je n’ai pas d’argent du tout. Ils disent retournez chez vous et revenez avec la somme. Chez moi, chez moi, mais c’est là chez moi. Où me demandent-ils ? Là je vous dis. Chez moi... c’est ma voiture.





 
Consigne : incipit : Ma voiture...

Dominique


lundi 14 mars 2022

Un petit lézard

Ce petit lézard vert de jade et légèrement mordoré s’anime sur le mur du plein soleil, puis par instant s’immobilise dans une immobilité de toute éternité. C’est dans l’immobilité que j’aime le contempler. Et c’est dans l’éternité que je voudrais le capturer. Le capturer pour l’épingler sur le revers de ma veste verte. Le capturer ? Ce mot arrivé par effraction m’effraie. Ces mots et ces pensées venus d’un lieu inconnu viennent me surprendre. Inconnus de moi-même vraiment ? Serait-ce un petit animal cruel tapi tout au fond de mon âme ? Fantastique, un tel monstre à l’affût, de moi-même prêt a surgir !



 
 
 
Christiane

Consigne : un animal monstrueux

dimanche 13 mars 2022

Ondine aux champs

- Ah je t’attendais avec impatience Ondine !

- Cela me fait plaisir aussi de vous retrouver Gustave ! C’était mon premier arrêt maladie mais le docteur ne m’a pas laissé le choix. Il paraît que je n’étais pas en état de travailler. Vous m’avez manqué ! J’espère que ma remplaçante n’a pas été méchante avec vous et que la maison a bien été entretenue.

- Ne t’inquiètes pas. Ma principale impatience était d’aller voir le jardin d’Hubert, depuis le temps qu’il me le demande, et je le lui avais promis. Mais en fauteuil je ne suis plus libre de me déplacer comme avant. Ceci dit, je suis contente de voir que tu vas mieux. C’est vrai qu’avant ton arrêt, tu paraissais un peu bizarre. Mais je ne veux plus t’en parler pour ne pas raviver tes étranges pensées. Allons-y !

Gustave lui parlait souvent d’Hubert. La création de ces jardins partagés avait suscité une effervescence à chaque étage de l’immeuble HLM, « Les Fourches ». Il y avait ceux qui avaient eu la chance d’en bénéficier, ceux qui les enviaient, ceux qui se réjouissaient d’échanger des légumes contre de menus travaux et ceux qui partageaient simplement la joie des jardiniers qui s’évadaient du béton pour travailler la terre. Gustave était l’un d’eux. Quant à Ondine, elle rêvait d’Hubert en plein champ. Un bon jardinier ne pouvait que l’aider à faire grandir Fantine son bébé fœtus. Elle sentit un léger tressaillement la parcourir, persuadée qu’Hubert devinerait son secret.




 
 
Consigne : en 15l Mettre en scène le personnage crée dans le lieu 
 
Catherine

lundi 7 mars 2022

D'encre et de terre

Les évènements, il ne pourra pas les oublier. Quand il rentrera chez lui, ça sera comme une pierre à son cou, un poids sur son cœur. Dans le silence, la nuit son âme tremblera. Ses yeux resteront ouverts a contempler le temps. Ses yeux sont morts, quelque part là-bas en Algérie, sa jeunesse cernée par des étoiles qui flambent.
Un jour sous l’emprise d’une colère tellurique, il balancera son poing rageur sur les lèvres de ce docteur qui lui parle de résilience.
Il se retrouvera dans une chambre plus blanche que sa mélancolie.
Un matin pour calmer sa rage, il ira se promener au ruisseau de cet hôpital.
Camille est là avec ses pinceaux et ses couleurs. Ils vont se regarder, se rencontrer, se reconnaitre comme deux jumeaux à leur regard irrésolu.
Plus tard, quand on les dira enfin rendus à la raison, elle lui proposera son jardin sauvage. Il la suivra comme une sœur. La vieille maison les recueillera. Dans son labyrinthe végétal et l’odeur des figuiers, il trouvera un peu d’apaisement. Le parfum de la terre et des feuilles le bouleverse. Là il fera provision de fleurs, de fruits, de rêves et de mots, les doigts tâchés d’encre et de terre. Dans le jardin de roses, Il va se mettre a écrire cette guerre, les souvenirs vont se déployer sur la feuille de papier : dés le premier jour, les jeunes de son âge pulvérisés à côté de lui et leur évacuation à laquelle il devra participer. Tout revient. Quelquefois sa main se suspend, pour aller s’éclabousser d’eau fraîche à la fontaine. Alors avec Camille, ils rient comme des enfants dans l’odeur du jasmin.
Un jour assis sur la margelle du puits, Camille tout en peignant sa longue chevelure va lui confier un secret.






Consigne : personnage du trimestre dans lieu du trimestre.


Christiane

mercredi 2 mars 2022

L'hospitalité n'est pas un crime

"J’y suis pour rien, c’est pas moi qui l’ai tué." Il soutenait le regard du juge, et ça, ça, ne lui plaisait pas au juge. Un regard clair, éblouissant d’innocence, un sourire désarmant. Ce sourire, il le lui fera payer le juge.
"Vous pouvez pas m’accuser ! Je suis pacifiste ! Je vous le répète : je n’aime pas les armes. Mon unique tort d’après vous, c’est d’avoir offert l’hospitalité de mon cabanon à ce gars ? Mais l’hospitalité n’est pas un crime !
Vous croyez que je l’ai invité peut-être ? Si quelqu’un arrive, vous dit : j’ai besoin de toi, vous allez le mettre sur le grill ? Lui faire réciter le catéchisme ? Il me l’a demandé, je l’ai fait, point final.
Vous croyez que c’est prévisible, que c’est un choix ? Ça se démontre pas, ça se décide pas, ça se fait, c’est tout !"
La justice n'aime pas beaucoup les rebelles. Il n'y avait pas de dialogue possible. Il appliquait la loi de la république le juge.
Le verdict tomba : "Délit d'hospitalité"


***



Le magistrat le traitait de provocateur. Le rapport d’enquête le démontrait bien.
C’est vrai qu’il s’était bien payé leur tête des policiers quand ils avaient perquisitionné chez lui. Il leur avait conseillé une sieste littéraire, histoire de se cultiver un peu. C’était bien noté ça.
"Allez allongez vous un moment, un peu de lecture ne vous fera pas de mal", qu’il leur avait dit.
Des livres, c’est pas ça qui manquait chez lui, du sol au plafond et même les cinq volumes de Lénine, ça les avait un peu découragés. Heureusement qu'ils avaient fini par dénicher quelques journaux du FLNC dans tout ce fatras, entre un buste de Marx et un de Mao.
Tout était consigné. Tout l’accablait.


***


Quand on le ramena dans sa cellule, une rage sourde s’empara de José !
"Délit d’hospitalité !" Vous me la recopierez celle là ! C’est la loi de la République ça ? Elle est belle votre république !
Le juge appliquait la loi quand José obéissait à des règles ancestrales. Sur son île, l’hospitalité était une coutume inscrite dans cette terre tellurique. Tout le monde la respectait. Personne n’aurait eu l’idée de la trahir.
Beaucoup de légendes racontaient des histoires de pétrification , de bannissement de la communauté pour avoir refusé sa bergerie. L’esprit de José était en ébullition, le mauvais oeil le poursuivait. Il n’allait tout de même pas faire appel à un mazzeri, un de ces sorciers corses qui avec trois formules magiques et trois grigris lui enlèverait la guigne ?
Non, c’était un rationaliste, un comité de soutien lui serait plus utile.




Christiane

Consigne : en trois parties.

Qui es-tu ?

Hubert ! Ne sois pas triste ! Je te comprends. Tu viens d’apprendre la disparition de ton ami jardinier. Rose, sa petite-fille est venue te prévenir et te voilà, démuni, planté au milieu des jardins partagés. Planté. Savez-vous planter les choux, disait Marcel en te taquinant ! Tu ne le savais pas. En bon voisin, tu appris avec lui les saisons, les graines, les mésaventures du jardinage menacé par les maladies. Tu as connu, avec lui, la joie de voir pousser tes légumes et tes fleurs. Poussez, poussez, leur disais-tu, comme une sage-femme expérimentée. Et ils poussaient, jusqu’à l’ultime récompense de la récolte. Tu n’osais presque pas les manger. Tant de temps pour travailler la terre, arroser, amender... et hop ! avaler en deux coups de fourchette. Quelle injustice !

Hubert ne sois pas triste ! Je te dois des explications. Tu n’es qu’un personnage, tout comme Rose et Marcel. Je vous ai planté, telles de petites graines dans mon imaginaire. Tu éprouves déjà le sentiment d’abandon avec la perte de ton ami, je ne peux te laisser ainsi.

*

Je suis née, il y a fort longtemps, à St « Hubert ». un quartier dans une ville méditerranéenne. Mes parents avaient fait construire une villa juste un an avant ma naissance. Les travaux étant finis, mon père a conçu le jardin. Il a délimité de grands rectangles bordés de briques rouges. Il y a planté des arbres fruitiers : abricotier, prunier, figuier, citronnier, néflier, amandier, olivier. Il a aussi organisé des espaces pour les légumes : tomates, poivrons rouges... Nous les faisions sécher au soleil sur des draps. Il plantait aussi des fleurs : lantana, arômes, gueules de loup, mimosa et bien sûr les « Roses ». Tous les soirs, il arrosait en « Marcel »

A cette époque, le ventre de ma mère s’arrondissait. Délicieux moments de partage de corps avec elle. J’ai ainsi grandi dans ce jardin, mon frère jumeau. Comprends-tu mieux ton personnage Hubert ? Tu viens de ces souvenirs, tout comme Rose et Marcel.

*

Magie de l’écriture ! Subtil équilibre entre réel et imaginaire, spontanéité et travail d’orfèvre, inattendu et vieux projets... Le plaisir de l’écriture est d’assister au jaillissement des mots. Une source où il fait bon se rafraîchir et s’hydrater. Un je ou jeu très amusant car on ignore tout de ce qui va se produire. Il suffit de laisser l’eau s’écouler. Le souci c’est que des liens se tissent avec les personnages. Ils s’imposent sans crier gare. Ils en veulent toujours plus. Continuer à exister ! Pour qui ? Pourquoi ? Cela n’a pas d’importance. Ils espèrent mener leur propre vie.

Comprendre ton identité et tes origines devrait t’aider à avancer, Hubert. Certes Marcel n’est plus. Tu ne peux pour autant rester planté au milieu des jardins partagés, avec ton râteau, ta bêche et ton plantoir. Réagis ! Tu as du travail. Continue à t’occuper de la parcelle de Marcel, comme s’il te surveillait de là-haut. Ne t’inquiète pas ! Ce sera peut-être ton tour de conseiller un jardinier inexpérimenté.



 
 
 
Catherine

Consigne

- Une fiction en trois parties de 10 lignes au maximum chacune (séparées par un astérisque ou deux sauts de ligne). Le changement de partie peut être l'occasion d'une ellipse de temps, ou changement de personnage, ou changement de lieu, ou autre, peu importe, pourvu que l'ensemble constitue bien une fiction, avec une progression de la première à la troisième partie.

mardi 1 mars 2022

Arabesques

C’était une de ces journées ou après avoir longuement peigné ses filles, assises, tout au bord de la margelle, l’ainée soudainement prise d’impatience, lui arracha le peigne et le jeta dans le puits. La mère, alors tout à fait désappointée s’immobilisa dans un désarroi et un silence inattendus. Puis, elle se leva lentement et partit sur le sentier bordé de lilas.
On la chercha inlassablement, dans les rangées de vignes tout d’abord, puis dans les chemins alentours, on la chercha chez les voisines. On leur parla de sa disparition fantasque. Personne ne l’avait aperçu. On continua plus au creux de la campagne, dans les champs d’herbes sauvages maintenant.
Puis on pensa à la ville, on craignait les voitures et leur allure violente.
Le soir venu il fallut bien se résigner a rentrer.
Enfin, une voix au bout du fil, nous délivra et nous chavira tout à la fois.
Demain, on irait encore et encore la visiter dans cet asile. On la retrouverait dans le grand jardin ou maintenant, elle se sentait tout à fait chez elle .



***


Je franchis le pont de l’Île de la folie, le gardien m'ouvre la barrière. Sous le châtaignier, dans ses volutes de fumée, toute entière absorbée dans la contemplation du jardin, son pinceau et ses tubes de couleurs.
Prudemment, je m'approche : « Me voilà, comment ça va ? »
Elle me montre un portrait un peu baroque, de grandes flaques de couleurs dessinent un visage de femme couronnée de fleurs extravagantes .
« Enfin ! Tu en a mis du temps ! Tu vois, je suis de retour, comme toujours on m’attend ici, ici je peux parler, dessiner, réfléchir. Tu n’as pas mis ta blouse blanche ? ».
Avec l’impatience d’une enfant, elle m’entraîne dans le parc abandonnant pinceaux et couleurs.
On marche au gré de ses envies, indifférente au vent qui secoue les ombres des grands châtaigniers.
« Qu’est ce que tu t’es imaginé ? Que j’irais le chercher au fond du puits le peigne ? Ou peut-être que j’allais la pousser la petite ? Toujours à imaginer des choses extravagantes ! Tu dérailles ! Des délires de maniaques dans cette famille ! Vous devriez venir vous aussi, vous reposer ici de temps en temps ici. Toi, tu pourrais en écrire des histoires, de tes histoires tordues . »
Dans les allées, des égarés bras ballants, je vois un homme qui marche à la recherche d’un morceau de rêve, un autre appelle quelqu’un sans trêve. Un autre de grosses larmes coulent sur ses joues, certains jouent aux cartes et d’autres encore rient sans raison et fument à la folie.
« Ici, le jardin est tranquille, les fleurs n’ont pas d’épine, je peux leur parler. »
On revient sur nos pas, on passe le pont de pierres qui enjambe la rivière, elle m’entraine vers le vieux bâtiment, le pavillon le plus ancien, un peu délabré, aux murs patinée par le temps. Elle a fabriqué au creux d’une pierre, un autel de fleurs, elle a entouré les fleurs d’encens et de bougies. Elle est retournée au passé perdu, toute entière habitée par les souvenirs imaginaires .




 
 
 
Consigne : fiction 15 l qui commence dans le lieu précédent et se termine dans un autre lieu tout à fait différent + autre consigne en atelier
 
Christiane