Au bout du fil, le silence. Il a l’habitude. Il sait que ce n’est pas facile de mettre la douleur en mots. Il faut du temps. Alors il attend. Il entend un souffle, un soupir aussi. Le silence lui indique la profondeur du gouffre, le chemin à parcourir pour remonter à la surface, pour oser établir le contact. Il attend. Il dit « Je sui là. Prenez votre temps, je suis à votre écoute ». Un soupir plus appuyé lui répond. Il a été entendu. Garder le lien. Il sait que c’est là l’enjeu. Son cœur se serre un peu : la crainte d’échouer. Il fait le vide en lui, pour être tout entier dans l’écoute. Un fil ténu comme un cheveu porte tout le poids du tragique. Ne pas rompre ce fil. Il redit « Je suis là, je suis avec vous ». Il rassure doucement. Puis il se tait. Ils échangent désormais dans le silence. Il accorde son souffle sur le sien. Saccadé au début, le rythme petit à petit s’apaise. Ils respirent ensemble. Il sent un relâchement. Il entend un léger gémissement. C’est le premier son qu’il perçoit. Puis après un temps, presque comme une plainte, le premier mot : « Je ». Elle a dit « Je ». C’est une voix de femme. Il espère une suite, rien ne vient. Mais il a reçu ce mot comme un retour à la vie. « Je » a un corps, une identité, une histoire. « Je » est porteur d’espoir. Il dit « Oui c’est vous, c’est bien vous ». Il croit entendre « Oui ». Il n’en n’est pas certain. Puis la communication se coupe. Elle a raccroché.
Il garde le combiné sur l’oreille. Il n’a pas envie de le reposer tout de suite. Mais une lumière clignote sur le clavier. C’est déjà un nouvel appel. « Allô, Appel Détresse, j’écoute ».
Consigne : titre : Un message
Christiane
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