Présentation

L’Atelier d’écriture de Solliès-Pont a commencé en septembre 2018 à l’initiative de Tristan Choisel, auteur de théâtre et de chansons. Pourquoi ? Pour s’initier à l’écriture de formes brèves (nouvelles, saynètes…), pour perfectionner son style ou pour simplement explorer son potentiel créatif. Nous sommes sept à partager nos textes dans la bienveillance, un peu d’humour et toujours avec beaucoup de plaisir. L’association « L’Atelier de Solliès-Pont » abrite cette initiative et vous pouvez nous rejoindre si, comme nous, vous avez l’âme d’un écrivain amateur.

Ce blog est la mémoire de notre travail. Il sert à mettre en lumière quelques-uns de nos textes. Enfin, il permet de communiquer entre nous plus facilement.

mercredi 28 décembre 2022

Libérée



La machine à laver, symbole de mon émancipation. Mon émancipation que je revendique tambour battant. Mon premier achat de jeune femme indépendante. Mon premier achat à crédit. La télé ce sera pour plus tard, tant pis, j’ai un écran magique qui tourne et me fait voyager quand je le contemple. Avec un petit goût de mal de mer en fin de cycle.

Me voici comme ma mère, libérée. Je me rappelle dans l’Allier, chez mes arrières grands-parents : pas d’eau chaude, pas de douche, pas de machine à laver et évidemment pas de téléphone ni de télévision. L’été, les adultes sortaient un grand baquet en fer-blanc qu’ils disposaient dans le jardin, ils faisaient chauffer l’eau sur le feu et les enfants, on prenait notre bain en plein air, joyeux intermède familial. Le baquet devait servir aussi pour la lessive mais je n’en ai aucun souvenir. Juste les draps rêches dans les lits recouverts de gros et lourds édredons.

Aujourd’hui à mon crédit, la machine à laver, qui m’exonère d’une tâche ingrate. Finie la fatigue superflue et les mains sèches. Vive le vernis à ongles et un bon roman. Entre deux chapitres de ce roman, un nuage passe, un moment suspendu. Seule entre les quatre murs de mon logement HLM, mon premier appartement de jeune femme indépendante, la nostalgie me prend du baquet en fer-blanc. Vilaine pensée à balancer dans le tambour béant.



Consigne : L'animateur a demandé à chaque autrice de choisir un thème et de le traiter durant plusieurs semaines. J'ai choisi "la machine à laver".

mardi 20 décembre 2022

Mal préparée

Deux villages népalais doivent s’unir pour mettre fin aux guerres de territoires. Leurs chefs se sont entendus pour préserver les générations futures lors de l’heureuse naissance d'Isia, la fille du premier dignitaire. Elle sera mariée à 10 ans avec le chef voisin. Cet accord permet à tous de profiter des verts pâturages pour le bétail, de s’abreuver à toutes les sources et de bénéficier d’un ensoleillement équitable. Un rêve devenu réalité grâce au pacte signé et à l’intelligence des hommes.

Petite Isia grandit et comme promis son mariage est célébré le jour même de ses 10 ans. Tous les villageois participent aux préparatifs de la fête devenue sacrée. Chacun met la main à la pâte pour la cuisine et les décorations des maisons, des bêtes, des chemins, des montagnes et même des lacs.

Tout est prêt, la cérémonie peut commencer.

Toute voilée de rouge et de paillettes, Isia rejoint son époux âgé maintenant de cinquante ans. Des rumeurs circulent. La jeune épouse serait pubère. La descendance ne devrait pas tarder. Le marié s’en réjouit.

Les vœux des époux étant prononcés, l’heureux mari soulève le joli voile de sa femme pour l’embrasser. Comme elle est belle ! Ses yeux noirs perçants le troublent. Il s’approche de sa bouche pulpeuse où ses dents étincellent. Mais subitement, telle une lionne, Isia se jette sur sa bouche et lui arrache les lèvres.

Une jeune mariée, sans doute mal préparée…





Consigne en atelier du 16/12/22 : en titre « Mal préparée » 15 mn
Catherine

 

dimanche 18 décembre 2022

Abribus

Épuisée, Marguerite décide de se reposer sur un banc sous un abribus. Elle ne sait plus depuis combien de temps elle marche. Elle sent qu’elle ne peut pas aller plus loin. S’asseoir pour soulager ses jambes, ses pieds et ses articulations. Ses douleurs s’apaisent laissant place à la faim. Elle rêve de chocolat chaud et de croissants. Tout le monde s’agite en ce début de journée. Les travailleurs et collégiens attendent leur bus, rivés sur leur téléphone, les écouteurs plantés dans les oreilles. Marguerite s’étonne de l’agitation de cette nouvelle génération. A son époque, il suffisait d’attendre le bus, un point c’est tout.

- Vous attendez le 40 ? dit la dame assise à côté de Marguerite.

- Non.

- Vous prenez quel bus ?

- Je ne sais pas. Je me repose.

- Vous avez dû partir vite de chez vous ce matin.

- Je ne me souviens pas. Pourquoi ?

- Si vous me permettez... Vous avez toujours vos pantoufles aux pieds.

- Vous êtes gentille madame. Mais je ne me rappelle pas. Je sais que j’ai marché toute la nuit. Je n’en peux plus, alors je fais une pause ici.

- J’ai bien vu que vous étiez fatiguée, c’est pour cela que je vous ai parlé. Vous allez où comme ça ?

- Je ne sais pas, je ne sais plus.

- Ne vous inquiétez pas. Nous allons trouver. Avez vous un téléphone ? Fouillez dans vos poches.

Marguerite plonge ses mains glacées dans ses poches mais n’y trouve rien. Elle se souvient de son collier. Oui, elle se souvient. « Maman, si tu te perds, regarde ton collier » Elle l’extirpe au dessus de sa pelisse. Une petite pancarte indique son nom et un numéro de téléphone à composer.






Consigne pour le 16/12/22: Fiction sur le thème choisi pour le trimestre en 15 lignes. Thème choisi: la mémoire

Catherine

 

samedi 17 décembre 2022

La Réponse de l'Homme

- Et pourquoi je devrais y voir plus clair ?

- Ça me paraît indispensable. Si cela continue, tu cours à la catastrophe

- Pour moi, cette pièce tient la route, contrairement à toi. Les acteurs ont lu la pièce et ils incarnent tous parfaitement leur rôle. Je ne vois pas ce que je pourrais faire de plus.

- Tes acteurs doivent avoir peur de toi. Ouvre les yeux et les oreilles. Moi, je vois et j’entends ce que toi tu n’entends ni ne vois.

- Et qu’est-ce qui se dit, beau prince ?

- Que cela n’a ni queue ni tête, ce en quoi je suis tout à fait d’accord. Personne ne comprend où tu veux en venir. C’est quoi ton message ?

- Je m’en fous ! Je n’écris pas pour les nuls. Tant pis s’ils ne comprennent rien. Quinze comédiens et cinq musiciens, ça devrait suffire à contenter ce public. Ça bouge non ?

- Voilà le problème. Tu approches. Ce n’est pas le nombre d’acteurs et de musiciens que tu mets sur scène, ni cette kyrielle de techniques audio visuelles qui donneront le sens. Et je ne te parle pas des trois heures et demi de spectacle ! C’est beaucoup trop pour ne rien y comprendre, même si ça bouge, comme tu dis.

- C’est tout ? Ma coupe est pleine. J’arrête les répétitions et je reprends la pièce, ça te va ? Je vais l’adapter pour cette compagnie d’idiots pour un public de nase.

- Là, tu es loin du compte. Prends du recul. Un conseil, le matin dans ta salle de bain, regarde-toi dans la glace et ne te dis plus que tu es le meilleur. Ça serait un bon début et après réfléchis au message que tu veux faire passer dans ta pièce, en toute simplicité et on en reparle.





Consigne du 09/12/22 : Une fiction qui commence par : « Et pourquoi je devrais...en 15 mn

Catherine


jeudi 15 décembre 2022

La machine à laver



Elle est un peu bruyante, c’est vrai. Surtout au moment de l’essorage. Là c’est une calamité. On ne s’entend plus. L’émission de radio qu’on écoutait avec intérêt. La conversation qu’on aurait voulu poursuivre. Juste un brouhaha.

Je lui suis reconnaissante pourtant. Pour la corvée effectuée suivant le cycle sélectionné. Et surtout pour son assistance très professionnelle à maintenir le lien entre lui et moi. 
 
La machine à laver, c’est pour elle qu’il revient à la maison. Soit il la remplit avec son linge sale, enclenche un cycle de lavage et repart vers d’autres horizons. Soit il dépose simplement le sac de linge dans la pièce dévolue, charge à moi de recevoir le message. Complété ou non par un texto. Parfois le lien est simplement virtuel. La machine à laver est le tiers qui nous permet de conserver un dialogue minimal, utilitaire. « Continue à prendre soin de moi à travers ce linge à laver, étendre, plier ». Ou : « Prends soin de mon linge à défaut de prendre soin de moi ».

Parfois je suis là quand il passe. Alors on se croise aux abords de la machine à laver. La conversation est toujours périlleuse, hésitante, sur un fil. Le sujet du linge à laver, de la machine à faire tourner, nous sauve du néant. Elle nous raccroche aux branches. À travers elle, nous demeurons une famille. 



Consigne : L'animateur a demandé à chaque autrice de choisir un thème et de le traiter durant plusieurs semaines. J'ai choisi "la machine à laver".

mardi 13 décembre 2022

Fallait-il écrire ? 

Fallait-il écrire ?

Fallait-il écrire pour ne pas oublier ?

Comme chaque soir depuis ses onze ans Mireille écrivait dans son journal. A Noël, ses parents lui avaient offert un petit carnet en cuir rouge qui se fermait à clé avec un cadenas. Elle rangeait cette clé au fond de son tiroir, sous ses chemises de nuit. Personne ne devait lire son jardin secret.

Après ce carnet rouge, il y eut une succession de cahiers, calepins de divers formats mais toujours rouges. Mireille savait que les souvenirs s’estompaient et parfois même disparaissaient. Elle pensait avec bienveillance à la vieille dame qu’elle deviendrait un jour.

Écrire pour tracer sa vie au jour le jour, les petits et grands événements. Un quotidien avec sa charge d’émotions, de contrariétés, de colères et de joies. Mireille y décrivait sa chambre, sa maison et y tirait le portrait de chaque membre de sa famille. Écrire en secret, loin des regards et jugements. Écrire la rendait vivante à elle même. Une page blanche l’attendait chaque soir pour un mot ou une phrase voire plusieurs pages, selon son humeur ou sa fatigue.

Les années sont passées et aujourd’hui Mireille a 85 ans. Entourée de ses carnets, Mireille lit chaque soir quelques pages du récit de sa vie avec tendresse et émotion. Elle n’écrit plus depuis dix ans, ne se souvenant plus de sa journée. Plus rien ne s'imprime dans sa tête. Chaque instant s'envole immédiatement.

Pourtant elle se souvient avec intensité de cette enfant qu’elle a été. Elle aurait très bien pu se passer d’écrire dans tous ces carnets. Ses souvenirs sont gravés dans le marbre. Fallait-il écrire ?




Consigne : Fiction sur le thème choisi pour le trimestre en 15 lignes. Thème choisi: la mémoire

Catherine





samedi 3 décembre 2022

Le Salon d'Estelle

Vers dix heures du matin, le soleil d'hiver pénètre dans le salon en le baignant d'une douce lumière. Comme chaque jour Estelle l'attendait pour réchauffer ses vieux os. Son fauteuil relax orange avait été orienté de telle sorte qu'elle puisse profiter de ces rayons lumineux le plus longtemps possible. Estelle aime le soleil, elle l’accueille comme un ami calme et bienveillant qui lui rend visite.

Dès le réveil elle se sent bousculée par plusieurs personnes qu'elle ne connaît pas, toujours pressées pour lui donner la douche, son petit déjeuner et la faire marcher. Un début de matinée difficile, mais elle se laisse faire sans trop chercher à comprendre.

Avec le soleil Estelle se sent rajeunir. Elle peut, enfin seule, se laisser voguer aux grès de ses rêves et de ses souvenirs. La mince frontière entre l'état de veille et de somnolence ne la gêne pas. Elle aime sa maison et son salon où tout est à portée de mains : le téléphone à gros chiffres et touches programmées, les télécommandes, son magazine de mots codés, ses livres et bien sûr les photos de famille. Elle en reconnaît certains comme ses parents et même ses grands parents, quant aux autres, un peu trop nombreux, elle ne sait plus trop bien. Elle s'agace régulièrement lorsqu’elle subit un interrogatoire.

- Et elle, elle s'appelle comment, Maman?

- Brigitte

- Mais personne ne s'appelle Brigitte dans notre famille

- Dommage, Brigitte c'est joli. Après...vous êtes gentille, mais m’appeler maman, là vous en faites un peu trop je crois.

Ces questions superflues gâchent ces visites. Estelle apprécie la compagnie même si elle ne reconnait plus personne. Mais quelle importance ? Il fait bon vivre chez elle.



Consigne : L'animateur a demandé à chaque autrice de choisir un thème et de le traiter durant plusieurs semaines. J'ai choisi la mémoire 

Catherine

mercredi 23 novembre 2022

La Plage

La plage, mot chéri du vocabulaire. Il évoque à chacun de nous des souvenirs, des sourires, des jeux, la camaraderie et la liberté. Un collier de mots en perles fines que sont les châteaux de sable, les coquillages, les plongeons, les vagues, les pique-niques et les parasols... Une malle aux trésors remplie de gaieté, de tendresse et de joie de vivre. Les parents attentifs surveillent leurs enfants, une noyade est si vite arrivée. Un petit paradis sur terre dans les pays en paix.

Mais en Turquie, ce 2 septembre 2015, aucun enfant ne jouait sur la plage. Ce jour là, un enfant de trois ans gisait sur la grève, le visage enfoui dans le sable. La mer, désespérée, lui léchait le corps pour le maintenir en vie, en vain.

Embarqué sur un radeau de fortune avec ses parents, ils fuyaient la guerre qui ravageait la Syrie, leur pays. Ils rêvaient, l’espoir chevillé au corps, d’offrir à leur enfant une vie décente sans bombes menaçantes. Ils rêvaient de lui offrir l’accès à la connaissance. Ils rêvaient de le voir grandir dans le respect et la dignité. Ils rêvaient de ciel bleu et de liberté.

Mais ce jour là, la chaloupe a chaviré et leur petit Aylan a échoué sur la plage, vide de vie.





Consigne : Fiction sur la plage où il se passe quelque chose d’étonnant 04/11/22

Catherine


lundi 21 novembre 2022

Le Galop


- Grand-mère, tu es venue me voir ? Je suis tellement contente, mais qui t’a prévenue ?

- Mais non mamie, c’est moi Caroline.

- Caroline ?

- Oui mamie. Tu sais, la fille de Géraldine. Je t’ai apporté des pains au chocolat.

- C’est gentil, mais je ne peux pas les manger. J’ai cassé mon dentier en tombant. Alors tu n’es pas ma grand-mère ? Mais qui est Géraldine ?

- Ta fille aînée. Et moi, je suis sa fille. Ce n’est pas grave si tu ne souviens pas. Je suis contente de te voir, ma petite mamie. J’ai eu tellement peur quand maman m’a dit que tu étais à l’hôpital.

- N’aies pas peur. Moi, je suis toute retournée. Tout à l’heure des messieurs sont venus me chercher. J’avais envie d’aller voir la mer à cheval. Ils m’ont laissée m’échapper. C’était merveilleux ! J’ai galopé avec le vent dans les cheveux. Plus je me rapprochais de la plage, plus je sentais l’iode de la mer et des algues. J’étais folle de joie. Des souvenirs d’enfance remontaient comme une grosse vague. Le problème c’est que mon cheval a eu peur de l’eau. Il s’est cabré et après je ne me souviens plus de rien. Je me suis retrouvée ici dans mon lit et tu es rentrée.

- Tu es fatiguée. Tu as fait un petit somme et tu as dû rêver.

- Mais c’est un monde ! A chaque fois on me dit que je dors ou que je rêve. C’est malheureux quand même !

- Je comprends. Je vais te laisser te reposer et je reviendrai te voir samedi.




Consigne : L'animateur a demandé à chaque autrice de choisir un thème et de le traiter durant plusieurs semaines. J'ai choisi la mémoire 

Catherine


La route

En route ! criait mon père. C’était le signal du départ en vacances. Nous devions être prêts à monter dans la voiture dès qu’il le disait. Nous, les enfants, l’étions depuis longtemps au risque de susciter sa colère mais notre mère elle, se faisait attendre. Le rituel était toujours le même, elle retournait une fois encore dans la maison, vérifier qu’elle avait bien tout fermé. Dés qu’elle apparaissait sur le seuil, mon père mettait le contact. Elle s’installait à coté de lui, vérifiait que nous, ses trois enfants étions bien là. Moi, j’étais coincée à l’arrière entre mes deux frères. Pas question d’avoir droit à la place près de la vitre… c’étaient eux qui décidaient, et je ne contestais pas. De toute façon, ça n’aurait servi à rien, j’étais une fille et de plus, la »petite ». De la route, je ne voyais jamais rien.

Durant le trajet, il y avait comme deux mondes, celui des adultes à l’avant qui bavardaient, et celui des enfants à l’arrière comme si une cloison de verre nous séparait. Quand parfois je m’endormais et que je m’appuyais sur l’un de mes frères, il me repoussait d’un coup d’épaule et me réveillait. Mais je n’ai pas oublié la chaleur de leur corps, leurs petites querelles, les emportements de mon père qui animaient un trajet qui me paraissait bien ennuyeux.

Chaque été de mon enfance ce fut le même rituel. C’est la route qui changea, elle s’agrandit, devint une autoroute, et bientôt, dans la voiture, nous ne fûmes plus que quatre, puis trois… Nos routes peu à peu se séparèrent.







Anne



Consigne : texte libre (sur le thème du mois choisi par l'autrice).

 

vendredi 18 novembre 2022

Les anges, mon amour

C'est l'automne, il pleut, dans l’allée du cimetière le gravier crisse sous mes pas, à la fontaine je m’arrête  remplir l’arrosoir. L’eau claire coule, de grandes gerbes d’enfance viennent m’éclabousser : l’arrosoir si lourd au bout de mes bras et la fierté de le porter. Porteuse d’eau d’un jour sur les tombes d’anciens jamais connus de moi et que les vieilles de la famille m’emmenaient visiter une fois l’an.  Cet unique jour-là, à l’automne. 
Aujourd’hui, je suis vieille et c’est moi qui veille.Je pose le chrysanthème sur la tombe, le ciel est gris, la pluie s’est arrêtée. Je pose l’arrosoir, me souviens de ce bonheur inaccoutumé quand petite je jetais l’eau croupissante des fleurs pour de l’eau claire. Et cette odeur de pétales fanés. Et la promenade étonnée dans les allées. Tous ces noms gravés sur les pierres « à ma chérie », « à mon ange  pour l’éternité ». Chaque fois l’occasion d’imaginer une histoire à ces vies.Aujourd’hui seule devant la tombe, étrangement je vois perler des gouttes d’eau sur la pierre et les gouttes rouler sur la mousse. Sereinement le chrysanthème frissonne, les pétales cuivrées des asters flétrissent, les cernes violettes des pensées se creusent, la bruyère s’étiole, le cyclamen gémit. Les fleurs pleurent. J’entends s’écouler les larmes de leur mélancolie.

Je ne suis plus seule maintenant accompagnée par ces pleureuses.

 

 

Consigne : sujet : quelque chose d'insolite dans un cimetière.

Christiane


 

Post modernité


- Cet enfant dont tu as tellement envie, le préférerais tu les yeux verts les cheveux noirs ?
- Non plutôt yeux bleus et cheveux clairs.
- Préfèrerais-tu une fille où un garçon ?
- Un garçon peut-être ? Mais peu m’importe vraiment au fond.
- L’aimerais-tu tout blanc cet enfant où métissé de couleurs ?
- Tu sais que j’aime les couleurs, mais ne soyons pas idiots ! Bon ne parlons plus de tout ça…
- Et ce prénom que tu aimais tant ?
- Oui, Raphaël, ce prénom m’a toujours fait rêver.
- Cet enfant, je veux te l’offrir.
- S’il te plait ne fais pas remonter les anciennes blessures…
- Tu sais, il existe des femmes qui rêvent d’une expérience extrêmement enrichissante, aider des couples du monde entier à réaliser leur rêve.    
- Mais qu’est ce que tu racontes ?
- J’ai repéré une agence très fiable, ne t’en fais pas, un avocat spécialisé nous établira un contrat, histoire de s’assurer que la candidate est à la hauteur de sa tâche.
- Mais de quoi tu parles ? Une mère porteuse tu veux dire, ne me dis pas que tu as pensé à ça ?
- Et pourquoi pas ? C’est dans l’intérêt de tous, non ? Imagine : tu peux aider une femme a faire vivre sa famille pendant plusieurs années.
- En somme, c’est par altruisme qu’on va acheter son ventre, c’est ce que tu es en train de me dire ? Et peut être aussi pour participer à son émancipation tant qu’on y est !
 - Écoute-moi au moins ; elle sera choisie entre 21 et 35 ans dans la plénitude de l’âge. Une femme qui ne boit, ne se drogue pas, ne fume pas, et sans aucun souci d’anxiété ni de dépression surtout.
- Stop, je t’arrête tout de suite ! Non et non, je ne veux pas rentrer dans ce business.
 - J’ai beaucoup réfléchi tu sais, tu pourras même si tu le veux faire réaliser des tests de personnalité. Donc aucun risque. N’hésite pas !
- Tu n’as pas pensé à l’adoption, plus simple non ?
- Franchement, entre nous, tu te sens toi de récupérer un gosse de n’importe quel âge avec en prime des problèmes émotionnels et les visites au psy chaque semaine et les éducs sur le dos ?
- Tu ne me fais plus du tout rêver là, cet enfant je ne suis plus sûr du tout d’en avoir envie.
- Ne te sens pas coupable. Réfléchis plutôt : avec la GPA la gestation bénéficie d’un procédé novateur, développement de l’embryon dans une machine d’incubation, séquençage ADN etc… Contrôle absolu.
- Et bien, plutôt que ça, tu vois, je préfère continuer avec le manque.
- Et à ça tu veux résister encore : en prime un voyage en Inde comme un voyage de noces ? L’agence m’a promis de travailler avec notre budget, c’est le prix à payer pour réaliser notre désir. Il faut juste que la banque nous suive dans notre projet.
- L’offre et la demande quoi, c’est la régulation du marché, mais monnayer un ventre, ça me dégoûte et ce qui me dégoûte encore plus c’est que tu ai pensé à tous ces salamalecs et que tu ai imaginé que je serai partant. Des années de vie ensemble pour aboutir à ça ! Mais c’est comme si tu ne me connaissais pas ! C’est ça en fait ! 

Christiane.

Consigne :  Il est question de la difficulté a choisir








jeudi 17 novembre 2022

Nostalgie

Encore un dimanche de pluie, impossible d’aller faire un tour en ville sous prétexte d’acheter le journal. Alors, je me réfugie dans mon bureau. Là, je peux rêver. J’ouvre un tiroir, oh ! ce n’est pas par hasard, je sais ce que je vais y trouver, des photos, Sa photo. Instantanément, les images, les lieux, les personnes, les odeurs même me reviennent et m’emportent loin, si loin, à la campagne, chez mes grands parents chez qui je passais mes vacances. L’été ils accueillaient aussi régulièrement des enfants. Je n’ai jamais cherché à savoir pourquoi. C’était comme ça. Ils arrivaient puis repartaient, parfois, ils revenaient. C’était bien, j’avais ainsi des compagnons de jeux. Un été, grand-mère me présenta Marie. Jean, me dit-elle, tu prendras bien soin d’elle, tu vois, elle est un peu intimidée. Va, allez promener maintenant. Je la pris par la main (douce, si douce) et l’entraînait vers la rivière. Je lui montrais comment débusquer les petites truites et les écrevisses cachées sous les pierres. Elle riait en les voyant s’enfuir. Puis je lui fis découvrir mon domaine, la cabane construite avec mon grand-père, la forêt...
Il y avait tant à explorer ! Ce fut un été magique de jeux, de rires, de goûters parfumés, qui passa hélas vite, trop vite. C’est le cœur serré que je la vis repartir ne sachant si elle reviendrait.
J’attendis avec impatience les vacances suivantes et oh bonheur elle fut là et les suivantes aussi.
D’été en été nous étions devenus inséparables. Le temps passait avec toujours autant d’attente, de jeux, et de départs. Nous avons grandi et notre relation se fit plus distante. Nous ne jouions plus comme autrefois. Nous aidions ma grand-mère à ramasser les fruits, à faire les confitures.
Nous nous promenions parfois mais elle ne prenait plus ma main. Elle m’évitait, sauf ce jour, où allongés dans l’herbe, elle posa un baiser sur ma joue. J’en garde encore la chaude sensation.
Elle me parlait un peu de sa vie d’étudiante loin de moi. Moi, j’étais resté à la ferme. J’étais jaloux de ceux qui partageaient sa vie. Elle était de plus en plus belle et quand nous allions danser, j’étais si heureux de la tenir dans mes bras. Mais j’étais timide et je n’osais lui dire les mots qui me brûlaient les lèvres. Elle vint de moins en moins. Je ne posais pas de questions, j'avais peur de savoir ce qu’elle faisait, et avec qui. Puis elle ne vint plus du tout. Un courrier de temps en temps nous parvenait où elle parlait de sa vie d’étudiante jusqu’à celui qui me brisa le cœur accompagné d’une photo de Marie rayonnante le jour de son mariage. Mon cœur cessa de battre. J’avais espéré malgré moi qu’elle me revint un jour. D’elle, il ne me reste plus que cette photo presque complètement passée.
Un coup sec à la porte me tire de ma rêverie : " et alors Jean, que fais tu ? Ah ! Encore dans tes souvenirs ! Tu n’as pas oublié, j’espère, que nous allons manger chez mes parents" .




Consigne Libre 45 l

Anne


Le choix

Pour son anniversaire ses copains avaient décidé de l’emmener faire la fête dans le village voisin chez des gens qu’elle ne connaissait pas vraiment. Mais qu’importe, elle n’avait pas le choix, elle les aurait suivis, les yeux fermés, jusqu’en enfer ! Ses parents étaient réticents, on ne connaît pas ces gens, disaient-ils. Mais elle insista tant et tant qu’ils finirent par céder avec la promesse de ne pas rentrer trop tard.
C’était une soirée folle ! Quelle ambiance ! On dansait, on chantait, on riait, des couples s’embrassaient... L’alcool circulait, les joins aussi... ça la grisait. Un garçon qu’elle ne connaissait pas s’approcha d’elle. Il lui sourit, la complimenta sur sa robe, ses yeux... Il lui dit qu’il était étudiant en droit, que ses parents étaient à l’étranger pour affaires. Il lui proposa un verre, une cigarette... elle n’avait pas l’habitude mais comme elle ne voulait pas passer pour une gourde elle ne put refuser. Ils dansèrent un peu, il l’embrassa beaucoup...
Quand ses amis lui firent signe qu’ils partaient, il la retint, « reste encore un peu, j’ai une
voiture, je peux te ramener », lui dit-il. Elle hésitait pourtant, que diraient ses copains, et puis elle avait promis à ses parents. Mais la tentation était trop forte. C’était si agréable de plaire à un beau garçon. Il insista, elle resta.
Le lendemain, toutes les radios et télévisions lançaient un appel pour signaler la disparition
d’une jeune fille de dix-sept ans, brune, yeux verts, vêtue d’une robe rouge.





Anne

Consigne : votre personnage n'a pas le choix.

dimanche 13 novembre 2022

Un jardin, des histoires

Des arbres fruitiers, des cactus et des iris sauvages plantés depuis un siècle par des hommes que je n’ai pas connus. Ils vivaient dans la Bâtisse du haut. Des acanthes ont envahit la moindre parcelle de terre de ce vieux jardin-jungle où personne ne pénètre plus.

Des hommes, les anciens, y avaient construit un puits, des restanques et un portail surplombé de deux vasques en pierre. Leur histoire émerge en grattant simplement la terre. Des trésors cachés refont surface. Bouts de vaisselle en porcelaine, fioles pharmaceutiques, flacons de parfum, roues de landau, vieux outils… Dès notre première rencontre, ces traces de vie me fascinent. Une reconnaissance, des retrouvailles comme des liens qui nous unissent.

Ces petits riens résonnent portés par des voix. Je les entends, elles m’appellent. Un écho me persuade de partager le temps restant de ma vie avec ces anciens pour les faire revivre. Tranche de vie nouvelle, superposée aux strates anciennes. Je deviens dépositaire d’une transmission.

Cet assemblage ne s’opère ni en douceur, ni en silence. Le vrombissement du tractopelle annonce la tempête : arbres déracinés, tranchées ouvertes, matériaux charriés. Des hommes travaillent. Les abricots, poires, prunes ne grossiront plus. Ils cèdent leur place au ciment, parpaings et ferrailles. La bétonneuse rythme les saisons et finit par s'en aller. La paix retrouvée donne des ailes aux oiseaux qui chantent de nouveau à cœur joie.

Une maison a poussé. La terre est toujours aimée. Le jardin doit être restauré. Promesse faite aux premiers hommes et au terrain.

Plusieurs entretiens ont permis au paysagiste de répondre à mes attentes. Écouter, réfléchir, ressentir l'appel du jardin et dessiner de nouvelles perspectives. Je ne suis que l’hôte provisoire de cet espace qui nous accueille. Le jardin habite sa terre et la main de l’homme ne fait que passer. L’objectif est de meurtrir le moins possible et de redonner à la nature ses droits. Les pins, amandiers, oliviers, noisetiers sont préservés. L’abricotier et le prunier remplacés. D’autres essences s’installent.

L’aménagement n’est pas seulement végétal. Le minéral prend place et nous conduit loin de nos rives. Après un long voyage, par terre et mer, des pierres viennent se marier à celles des restanques. Chacune est unique. De l’ocre au gris, du rose au rouge, au toucher sinueux, au relief râpeux ou lisse, elles ont été taillées par d’autres hommes en Inde. Ces dalles massives racontent leur histoire et celles des tailleurs de pierres. Leurs coups de masse résonnent encore. Je les entends. Posées, elles s’apaisent et reprennent vie en harmonie avec celles qui les attendaient.

D’autres les rejoignent sans avoir navigué. Transportées par camion de vieilles bordures de trottoir en pierre, chamboulées par leur voyage, atterrissent les unes sur les autres à grand fracas. Fraîchement déterrées, des restes de racines s’y accrochent encore. Je les découvre et fais connaissance. Premiers pas vers l’adoption. Leur nez est patiné, usé par les pas. Difficile de reconnaître celui de l’enfant sautillant de celui soutenu par une canne. Un vrai défilé, toutes catégories confondues. Ont-elles été frappées avec fureur ? Foulées par des travailleurs ? Caressées par des enfants rêveurs ? Ont-elles servi de refuge aux amoureux ? Je m' y assois pour les écouter chuchoter des bribes de vie. Fragments d’histoires mélangées et passées. Des pierres, des végétaux témoins et passeurs de vies. Que raconterez-vous de nous ?

Ce jardin est devenu nôtre et ces mémoires perdurent.

                                                                        *

Vingt ans sont passés depuis le premier coup de pelleteuse. Vingt ans de partage, d'échanges, de soins, entremêlés de rêveries, de pensées, de méditation. Les arbres et les massifs ont grandi puis été taillés. Des essais potagers ont plus résisté que produit. Les pots de fleurs se sont multipliés. Et de boutures en boutures, le jardin n’est plus seulement composés de plantes aux noms scientifiques, il est aussi un jardin de prénoms. On y trouve des Yannick-aloès, un Robert-Hibiscus, des Jean-Pélargonium, une Chantal-Bégonia Rex, un ostéo-coléus… la liste est longue. Une bouture, un souvenir, un lieu, reliés à un prénom. Une responsabilité de les soigner et les voir pousser.

Les propriétaires des lieux sont revenus en famille. Une maman hérisson avec ses petits, des écureuils, des papillons, des oiseaux, des cigales et malheureusement des moustiques-harceleurs.



Consigne : L'animateur a demandé à chaque autrice de choisir un thème et de le traiter durant plusieurs semaines. J'ai choisi la mémoire 

Catherine



Après une nuit sans sommeil

Après une nuit sans sommeil, André se lève à 5 h du matin comme d’habitude. Il sort voir le temps qu’il fait. On avait annoncé la pluie pour cette nuit, mais apparemment rien, juste la rosée du matin, pas assez pour mouiller le sol en profondeur.
Comment va-t-il faire ? Il est temps de semer le blé maintenant pour récolter l’année prochaine sinon c’est la faillite complète.
Il a obéi aux instances agricoles en diversifiant. Depuis quatre ans il a planté des vignes en vendant son troupeau de vaches laitières qui n’était plus rentable. Cette année devaient avoir lieu les premières vendanges qui promettaient en qualité due à la sécheresse. Mais catastrophe, deux jours avant les vendanges, orage de grêle : 50 % de la récolte perdue.
Cela fait vingt ans qu’il élève des poulets en batterie. Il en retire juste de quoi rembourser les crédits avec toujours l’angoisse d’une annonce de la grippe aviaire.
Ce matin André est au bord du désespoir. Toute une vie de labeur, sept jours sur sept à partir de l’adolescence, pour garder la ferme héritée de ses parents et finalement vivre aux crochets de sa femme qui assume les crédits de la maison, le quotidien et les enfants. A part les deux ou trois premières années de vie commune, il n’a pas pris de vacances, Chantal est toujours partie seule avec les enfants.
Et maintenant que faire ? A 58 ans je suis trop vieux pour changer de vie, j’ai encore des crédits à rembourser. Un vertige le saisit en pensant à toute l’énergie qu’il a dépensée pour rien.
 
 
Armelle

Consigne : Un personnage qui ne peut que tolérer ou subir une chose, car il ne peut rien y changer, n’a pas la liberté de choisir.


mercredi 9 novembre 2022

Trauma

- Alors, cette première nuit chez Papy et Mamie ? Tout s’est bien passé ?

- Thomas a dormi comme un petit ange jusqu’à sept heures

- Et il ne s’est pas du tout réveillé ? En principe, vers deux heures, il pleure.

- Non, Je ne crois pas, je l’aurais entendu. Et puis, tu sais bien, j’ai fait ma ronde, justement à deux heures du matin, comme je le faisais quand vous étiez petits avec ton frère.

- Attends, je ne comprends pas cette histoire de ronde…

- Ah ! Je croyais que tu savais ou que tu t’en rappelais. Je me levais chaque nuit pour vérifier si vous respiriez bien. Un rituel pour voir si tout allait bien, couverture, doudou, fièvre, une caresse sur le front, un bisou et je me recouchais. Donc, cette nuit j’ai fait pareil avec ton fils.

- Mais tu ne nous l’a jamais dit ! Crois-moi, cela nous aurait servi ! Je comprends mieux pourquoi à deux heures du matin, je transpire, j’ai des palpitations, comme s’il me manquait quelque chose de vital. En fait, tu nous a drogués à heure fixe. Ce n’est pas un hasard si ton fils et ta fille se réveillent angoissés toutes les nuits ! Comme si nous t’attendions. Et maintenant c’est Thomas... Mais pourquoi ? C’est dingue cette histoire !

- Pourquoi ? Pourquoi ? Parce que ta sœur, celle que tu n’as pas connue, est morte dans son sommeil, subitement et sans raison. Elle avait huit mois.

- Et tu ne nous as rien dit durant toutes ces années. Tu savais que nous avions, mon frère, mon fils et moi, de graves problèmes de sommeil. Et tu te taisais, tu gardais ton secret. Tu aurais dû nous en délivrer plus tôt.

- Je n’ai jamais voulu vous traumatiser avec ce drame atroce et maintenant, je le regrette. J’ai bien senti qu’il était temps de vous en parler. Les secrets de famille étouffent souvent ceux qui les ignorent.



Consigne : Reprendre le texte précédent pour aller plus loin en 15mn

Catherine


vendredi 28 octobre 2022

Bestiaire


Je n’y croyais pas à ces chèvres roses, ses ânes verts, ces oiseaux bleus, à ces violons sur le toit et ces mariés envolés dans le ciel violet. Que voulait nous dire ce monde où les personnages flottaient comme des cerfs volants ? Que le quotidien est merveilleux pourvu que l’on sache le regarder ? Que les anges veillent sur nous ? Que la vie est une fête ? Je ne réussissais pas à y participer. Ce n’était qu’un fabuleux décor de théâtre qui me laissait sur le seuil. Le rêve psychédélique de Chagall saturait mon regard. Ni ce bleu, ni ce rose ni ce mauve entrés par effraction ne me laissaient de respiration. Un univers mouvant sans ancrage, un peu désincarné figeait des visages mélancoliques comme sur des cartes à jouer, bref l’émotion n’était pas au rendez-vous.
Ces poissons volants ne faisaient pas voyager mon imaginaire comme Hannibal et ses éléphants ou Salomé auréolée de mystère, ou encore le Jardins des délices et La porte de l'enfer. Je préférais Virgile sur le fleuve de l’oubli, les ciels tourmentés de Turner et la mer mourant dans la mer, les sombres sabbats de Goya et encore la femme qui pleure devant Picasso. Sans doute ai-je le goût du drame ?


Consigne : incipit : Je n'y croyais pas

Atmosphère

Les feux de la fête ne s’éteignent jamais. Leurs nights sous les spots comme des stars, elles balancent chaloupent, tanguent. Se noient dans des gins, s’hallucinent, dansent, s’enlacent. S’éclatent dans le shit et le crac. Leurs cils s’écarquillent dans la nuit électro.
Elles rient, blaguent, zigzaguent. Puis sans plus savoir comment ça a commencé, un mot pour un autre, une phrase qui cloche, à moins que ce ne soit un regard, elle hésite maintenant. Puis comme un flash-back, c’est une baffe qui claque. En accéléré une autre et une autre. Etourdie, elle chancelle sur son axe, ça ne s’arrête plus ça crépite sur sa joue : clic et clac comme un Kodak. Puis sous un coup de poing sans doute l’arcade sourcilière saigne, le nez craque. Abattue, elle ne sait plus qui lui tire les tifs. Son top lacéré cède. Secouée comme dans un shaker, au bout de sa live à 5 heures du mat : One-two-three, elle ne sait plus combien lui sont tombés dessus. Ce qu’elle comprend, c’est qu’elle est sortie des sunlights.


Consigne : décrire une bagarre

 

mardi 25 octobre 2022

Te revoilà!


Sur mes genoux, une enveloppe à ouvrir. Un bout de papier à l’intérieur. Un simple bout de papier pour feuille de route. Je dois en prendre connaissance, je ne peux ni reculer ni le jeter. Mauvais pressentiment...

Je le lis et le relis. Oui, il s’agit bien de moi. Mon nom est correctement orthographié. Mais tous ces mots... Ils m’étaient inconnus et les voilà qui rejaillissent dix ans après. Je les connais par cœur, par peur. Froids, sans détours, ils m’indiquent le circuit qui m’attend, sans surprise ni concession. Plus besoin de médecin pour m’expliquer ces résultats...

Aurai-je la patience et l’endurance pour reprendre la lutte ? J’en appelle une nouvelle fois à St Paul et à cet hôpital St Paul pour me soigner, me protéger des souffrances et s’il le faut, me laisser en finir vite, si la partie est perdue d’avance.

Mes mains et mes genoux tremblent, le bout de papier s’agite. Puis je me souviens. Il est primordial de garder la tête froide, aussi froide que les mots du labo. Je ne suis pas seule à être embarquée dans cette aventure. Résister et puiser mes forces dans mon entourage. La détermination, l’endurcissement, l’amour, un aller-retour permanent pour bouées de sauvetage.

Je suis prête !


Consigne du 14/10/22: écrire une suite du texte de sa voisine de droite 15 mn

Catherine

jeudi 13 octobre 2022

Qui vivra verra!

L’effondrement ne s’annonce plus, il est là... palpable ! Des dangers nous cernent : ouragans ; feux ; guerres ; inondations ; virus ; sécheresses ; famines ; pollutions... Ce dérèglement climatique et humain génère toutes les formes de violence.

La prise de conscience de ces menaces se répand dans la population comme une traînée de poudre prête à exploser. Chaque famille se prépare au pire et cherche le moyen de se protéger. Chacun pour soi, puisque Dieu s’est fait la malle lui aussi.

Survivre, sauver sa peau coûte que coûte, une ritournelle devenue obsession commune.

Les uns construisent des abris anti-atomiques, armes et nourriture jusqu’aux dents. D’autres cherchent des îles désertes pour retrouver les gestes des premiers hommes et rester les derniers. Les plus riches, trop englués de luxe, construisent des tours de Babel en plein désert avec pistes de ski, jardins suspendus, grands espaces de divertissements et esclaves pour les servir.

L’inquiétude grandissante s’étale sur les réseaux sociaux et les médias…

Enfin, d’autres encore trouvent ces nouveaux modes de vie basés sur l’angoisse permanente un peu surdimensionnés. Ils optent pour le partage et la solidarité. Il est à regretter que leur nombre diminue au fil des ans. Seront-ils les survivants ?


Consigne: Une phrase à inclure : « C’est un peu surdimensionné » 15mn

Catherine

lundi 10 octobre 2022

Telle est la vie



Entre les Modernes et les Classiques, j’ai choisi mon camp, versus Moderne. Nota bene : il faut maîtriser son latin Madame, vous n’espérez pas vous en tirer à si bon compte ! ça, je ne l’avais pas prévu mais « La femme tombe 8 fois et toujours se relève ».
Alors je m’y mets chaque jour, je répète sans relâche.
« Rosa, rosa, rosam
Rosae, rosae, rosa
Rosae, rosa,  rosas
Rosarum, rosis, rosis ».
Je suis prête à sacrifier mes dimanches, j’y mets toute ma libido. Je peine, je peine et je répète ad libitum : rosa, rosa, rosis. Je fais mon maximum. La valse des déclinaisons tourne en ronde dans ma tête. La nuit, je me réveille en sueur, je vois des épines partout, on m’en couronne la tête ! Le jour de l’examen, j’étais pourtant au summum de ma forme. Je plonge illico dans le thème. Je n’en suis qu’à l’incipit quand je cogite pour rendre ma copie. N’y voyez aucune provocation, ni quiproquo, tout simplement, je n’y comprends rien ! Livide, mon ego en prend un coup !
Puis in extremis, contre toute attente, comme un rébus, les mots prennent leurs sens dans la phrase. Tout ce que je croyais perdu, revient. Manu militari, je noircis ma copie.
«  Telle est la vie, tomber 7 fois, se relever huit fois » comme dit l'énigmatique proverbe japonais.
C’est comme pour les premiers pas, le vélo, le ski, le permis de conduire, l’amour, les enfants, l’écriture. 
L'écriture parlons en : « Un texte drôle, de l’humour, de l’esprit et positif, positif surtout » dixit l'animateur de l'atelier "Plume".
Je rature, je rature, c’est navrant. On me dit « c’est encourageant ».

Christiane.

Texte écrit hors atelier

Consigne : quelque chose de positif arrive au personnage, alors qu’il ne l’espérait plus, ne l’attendait vraiment plus du tout, en avait fait son deuil.

samedi 8 octobre 2022

La pire version de moi-même


 
 
 
C’était un jour de grande lassitude. Avant que cette femme ne mette un pied dans le bureau, avant qu’elle ait prononcé un seul mot, déjà de la voir assise dans la salle d’attente, je l’ai haï, j’ai eu envie de la tuer. Une envie irrépressible, inexplicable. Bien sûr ça ne se fait pas de tuer les gens. Alors je l’ai blessée, salement blessée avec des mots cruels.
Un découragement immense ce jour là, cette croisade contre l’injustice, contre la pauvreté. La police des familles, c’est ça mon métier. Les pauvres ont peur de l’assistante sociale et ils ont raison.
Ce jour là, je n’en peux plus de les entendre : leur manque de fric, leurs problèmes de chômage, leurs gosses qui traînent, leur mec violent qu’elles ont peur de quitter, leurs petites magouilles pour  bouffer et ruser l’aide sociale. 
Pourtant, je les comprends toujours ceux qui n’y arrivent pas, ceux pour qui ça foire toujours dans la vie. C'est mon métier : écouter le malheur des autres. Mais aujourd’hui quand elle entre dans le bureau dans son jogging, ses tatouages dans le cou comme des cicatrices, cheveux décolorés et ongles écarlates, j’ai envie que ça saigne.
Je sais déjà qu’elle va encore une fois me raconter : l'expulsion, ses parents qui se sont lassés de l'aider, sa solitude... Alors, elle s'est  accrochée à ses jeux de grattage comme à une bouée de sauvetage mais elle a quand même coulée. C'est là qu'elle a pensé a s'ouvrir les veines.
Une envie de tout abandonner moi aussi me tombe sur les épaules, je pourrai me lever, quitter sur le champs ce bureau des lamentations.
Mais c'est une colère froide qui m’envahit. Cette femme va encore mettre en échec toutes mes propositions. L’empathie, la bienveillance, c’est une mode, de quand ça date ?  
Je taille dans le vif, je lui balance mon rapport au juge, je le lui lis tranquillement mon signalement pour la protection de l’enfance, je ne me racle pas la gorge, je ne bouge pas un cil.

Christiane.

Consigne : titre :" la pire version de moi même"

mardi 4 octobre 2022

L'espoir fait vivre !

Depuis des semaines, l’état de Pierre n’évolue pas. Son entourage se relaie à son chevet. Les uns lui lisent le journal, d’autres se saisissent de romans que Pierre aimait. Certains laissent le silence planer, en communion. Mais Pierre reste de marbre face aux uns et aux autres.

- Continuez, encore et encore, je vous entends, je vous ressens, je suis vivant ! Pense-t-il, emprisonné dans son corps.

Il s’accroche à ses pensées, seule preuve tangible de son état d’être. Il craint de s’endormir et de perdre au réveil le fil rouge de sa conscience. Depuis quelques jours, il s’imagine en séance de yoga. Il refait minutieusement la salutation au soleil, sa respiration calée à ses gestes précis et subtils. Peu à peu il ressent ses muscles se contracter. Puis arrive le moment de la relaxation. Il repère ses points d’appui dans ce lit devenu son ami inséparable. Il part du talon, remonte aux mollets, cuisses, bassin, colonne vertébrale, omoplates, épaules, dos de la tête. Sa respiration est profonde. Son ventre se gonfle, l’air écarte ensuite ses côtes puis soulève ses clavicules.

Des années de pratique lui permettaient de gonfler à l’extrême sa cage thoracique à l’inspiration et son nombril disparaissait, avalé par son bas ventre, à l’expiration. Cela surprenait toujours son entourage et il en était fier !

- Pierre, Pierre, je n’y crois pas, tu fais du yoga ?

Pour toute réponse Pierre bloque sa respiration.

- Mais alors... tu nous entends ?

Pierre expire et creuse son ventre.

- Oui, se dit-il, je suis encore là, bien vivant avec vous et bientôt je vous parlerai. Laissez moi encore un peu de temps, j’arrive !

Consigne: Quelque chose de positif arrive au personnage, alors qu'il ne l'espérait vraiment plus, n'y croyait plus du tout, en avait fait son deuil.

Catherine

dimanche 2 octobre 2022

Ange

Ange a trois passions.
Ce qu’il aime, c’est regarder les nuages, inlassablement, les fabuleux nuages qui passent et jamais ne s’arrêtent. Il plane. Enfant déjà, en léger décalage, quand le maitre l’envoyait au tableau il tombait des nues et toujours déçu par les mauvaises notes
Aujourd’hui encore quand ses amis lui proposent une sortie. Il choisit toujours un pique nique. Au moment de la partie de pétanque, lui sait qu’il va s’éclipser pour aller s’allonger à l’ombre et son regard s’absorbe vers les nuages. Un voyage au long court.
Curieusement pour un homme si placide, Ange adore aussi le Kitesurf, ce sport si grisant, yeux embués par les embruns, visage fouetté par le vent, un gout de sel sur les lèvres, il s’évertue à s’envoyer en l’air.
Il s’élance, au dessus de l’existence sous son aile vigoureuse et gonflée. Et enfin, sa gourmandise ultime : les meringues, onctueuses et moelleuses.
Lorsque la neige sucrée fond sur sa langue, il est au paradis. Le déranger serait sacrilège. Radieux il plonge avec délice dans le moelleux gâteau. Le temps se suspend pour l’éternité.

 
 
Christiane. 
 

fiction de 15 l dont le personnage a trois passions.

Nassa

 "Vous vouliez me dire quelque chose ?"

Interloqué, l’homme dévisagea son interlocuteur : le visage grave, les traits tirés et un léger haussement de sourcils trahissait son inquiétude. 

Leurs routes s’étaient croisées au Kenya et se rejoignaient à présent en France. Il reconnut le jeune Nassa.

Ce dernier était enfant à l'époque et n’avait pas pu élucider ce que ce français d'âge mûr, avec des tâches brunâtres sur la peau, voulait lui transmettre comme message. Il avait seulement pressenti que c’était important. 

Voici qu’il était parvenu à retrouver cet étranger après ce long voyage et maitrisait à présent suffisamment la langue pour désobstruer le dialogue entre eux. Depuis qu’il avait appris à formuler sa question, il la murmurait partout sur son passage, pour qu’ainsi cette prière se fraye un chemin jusqu’aux bonnes oreilles : "vous vouliez me dire quelque chose ? Vous vouliez...". 

Une réponse à cette prière fut enfin émise quand le français lui répondit : "ce jour-là, je te disais que je te retrouverai le jour de tes 25 ans, pour te transmettre le message de ta mère. Personne n’a pu me traduire dans ta langue, mais je voulais que tu déduises par mes gestes et mon corps que je te promettais de nous retrouver."

Le jeune homme n’avait pas l’âge demandé par la mère, mais le voyage l’avait changé.

Le français parla, le temps rétrograda et le drame familial de ce petit village, durant cette nuit lugubre aux ombres vacillantes, emplit les esprits de ceux qui avaient été concernés.

Consigne en 15 lignes (1400 car. espaces compris) : une fiction commençant par : "Vous vouliez me dire quelque chose ?" : narration avec ou sans dialogue - ou bien dialogue strict entre deux personnages - au choix.