Présentation

L’Atelier d’écriture de Solliès-Pont a commencé en septembre 2018 à l’initiative de Tristan Choisel, auteur de théâtre et de chansons. Pourquoi ? Pour s’initier à l’écriture de formes brèves (nouvelles, saynètes…), pour perfectionner son style ou pour simplement explorer son potentiel créatif. Nous sommes sept à partager nos textes dans la bienveillance, un peu d’humour et toujours avec beaucoup de plaisir. L’association « L’Atelier de Solliès-Pont » abrite cette initiative et vous pouvez nous rejoindre si, comme nous, vous avez l’âme d’un écrivain amateur.

Ce blog est la mémoire de notre travail. Il sert à mettre en lumière quelques-uns de nos textes. Enfin, il permet de communiquer entre nous plus facilement.

mercredi 29 décembre 2021

Vie d'eux

Isabella et Marcello vivaient enfin ensemble. Il y a plus d’un an, un concert de rock débridé avait permis leur rencontre. Proches de la quarantaine et célibataires endurcis, ils avaient longtemps hésité à partager le même toit. Ils appréciaient de se voir plusieurs fois par semaine tout en conservant leur autonomie. Les mois défilant, le poids des doubles charges locatives avait été décisif. Cela devenait ridicule. Les réduire leur permettait d’envisager plus de fêtes et de loisirs.
Les copains et familles s’étaient réjouis de les voir enfin réunis dans une maison commune. Isabella et Marcello se répétaient chaque jour qu’ils avaient fait le bon choix. Une vraie ritournelle, un mantra. Cherchaient-ils à s’en persuader ? A vrai dire sans ce mantra, l’abcès aurait percé plus rapidement. Chacun ressentait l’autre en dévoreur d’espace. Ils n’avaient pas envie de tout exposer, de tout donner. Ils se sentaient menacé dans leur intimité. Les défauts de l’autre jaillissaient alors avec intensité. Cela passait par d’infimes détails, petits mais rebutants... Une odeur, une posture, une réflexion, des goûts, des aménagements…Ce malaise n’avait pas de nom précis, mais il était là, palpable, tapi sous le tapis avec les poussières que chacun y déposait furtivement. Le plus drôle, si on peut dire, c’est qu’ils agissaient en miroir, comme de vrais jumeaux.
Ils ont fini par se donner rendez-vous dans un café pour y voir plus clair et enfin poser des mots sur leur vie partagée.
La parole, en principe, libère. Il convenait de tester le principe.


 

 

Consigne 15l En couple depuis peu le narrateur découvre l’autre avec quelques surprises

Catherine

jeudi 23 décembre 2021

Parenthèse

Elle est assise sur le siège. Elle vérifie la barre de sécurité. Autour d’elle il n’y a que des jeunes, excités comme des puces. Elle se dit « c’est moi vingt ans en arrière ».

Le wagonnet se met en marche. Il commence poussivement son ascension. On prend de la hauteur. Déjà les premières sensations. A peine le temps de réaliser qu’elle est au sommet, voilà qu’il amorce la descente. C’est à son tour d’avoir vingt ans. Le cœur lui remonte dans la gorge. Elle se met à crier, comme les jeunes à côté d’elle. Elle lève les bras, la tête en arrière. Elle rit de peur, d’excitation. Elle suffoque. On remonte encore plus haut, puis le wagon prend le virage à toute allure. On se cramponne à la rambarde. On voit le sol tout en bas. La vitesse les fait tenir en équilibre sur le ciel. Elle vole. La vie, légère comme un oiseau. La vie, comme un bonbon acidulé. Sa tête se vide,elle n’a plus de pensées. Plus rien n’existe, sauf le vent qui lui entre dans la bouche et ébouriffe ses cheveux. On redescend plus raide, plus vite, plus fort. Et ça tourne, encore et encore. Les tours s’enchaînent. Elle danse dans le vertige. Elle s’agrippe aux nuages. Elle voudrait que ça dure toujours. Mais déjà le wagon s’arrête. On est arrivé.

Il lui faut un moment pour reprendre conscience de la réalité, pour se mettre à bouger. Elle s’extirpe à contre-cœur, à contre-temps. Elle pose le pied sur la terre ferme. Un manteau gris et lourd s’abat sur ses épaules. Tout lui revient intact, rien n’a changé. La récréation est finie.





Dominique

(Consigne : perte de conscience)

mardi 21 décembre 2021

Silence vertigineux

Il y a plusieurs sortes de bruits.

Dans certains bruits il y a du silence, il y a du vide. Certains bruits sont là pour cacher la misère, pour remplir le rien.

La nature a horreur du vide, dit-on. Dans ce cas est-ce vraiment la nature ? Je pense pour ma part qu’elle s’accommode bien du silence. Ce sont plutôt les gens qui, en général, en ont horreur. Est-ce que le silence leur fait peur ? Est-ce qu’il laisserait la place à autre chose, à une autre part de nous-même ?

Moi je l’aime bien le silence. Il invite à descendre en soi, à écouter nos petites voix, à regarder en face nos ressentis, nos émotions. Il dilate les contours du quotidien, ouvre des portes dérobées. Il nous entraîne vers des espaces oubliés, où résonnent des voix qui nous parlent de nous, qui nous parlent d’hier.

Silence vertigineux où se perd la rationalité. Alors bien sûr ça dérange, ou même parfois ça inquiète. Aussi accueille-t-on en urgence le bruit salvateur, sécurisant, anesthésiant. Surtout ne pas laisser la parole aux divagations de l’âme. Combler le vide à tout prix, l’encombrer, le saturer. Se griser de bruit, quel confort.

On était dans la même entreprise. On partageait depuis plusieurs mois le même espace dans l’entrepôt, les mêmes tâches un peu monotones. Je ne connaissais presque rien de lui.

Il traînait son transistor partout. Un jour pendant la pause déjeuner il l’a oublié sur un banc. Il a couru le récupérer, mais il avait disparu. Quand il est revenu à son poste, j’ai lu comme de la panique dans ses yeux.




 
 
Dominique

(Consigne : Texte libre)

mardi 7 décembre 2021

Une légère cicatrice

On n’avait pas déménagé dans la hâte, non, on avait pris le temps.
Cette maison, loin de la ville avec son jardin sauvage nous parlait de l’enfance. On l’avait aperçue derrière sa végétation exubérante, lors de promenades dans la campagne. Ce n’est pas que l’on vivait mal, auparavant, habités par le fourmillement de la ville, non, on était plutôt heureux. Mais cette maison, comment résister à ça. On n'arrêtait pas d’y penser. On en parlait tout le temps, on ne pouvait pas s’en empêcher. Finalement, on avait fini par s’y installer tranquillement.
Elle dégageait une sérénité qui nous enveloppait. Jusqu’à ce jour ou une légère faille installa un doute.
L’ombre d’un instant, on aperçut une lézarde sur le mur de la chambre. Cette fissure parut chaque jour s’élargir. Chaque jour avant de quitter la maison, on la regardait et chaque soir en rentrant on la surveillait. On ne pouvait pas s’empêcher d’en parler. Puis bientôt, on ne parla plus que de ça.
Une cicatrice pâle s’était creusée dans le mur écaillé. L’entaille s’ouvrirait-elle demain davantage ?
Notre rêve d’enfance prenait des allures de cauchemar.





Consigne : une fois emménagé dans un nouveau logement, le narrateur en découvre les vices cachés.
 
Christiane

Hey Jude

Leurs bras enlacés, leurs yeux fermés, leur haleine mêlée, dansant dans les volutes de fumée. Elle aurait voulu juste un baiser.
« Hey Jude don’t make it bad. »
C’est dans un garage enfumé, un samedi après-midi de ses quinze ans, elle a enfin la permission. La sono transporte la musique jusqu’au dehors. Les meilleurs copains du lycée sont déjà là.
« Hey Jude don’t let me down. »
Lui, osé, sous son pull glisse ses mains, elle, intimidée les repousse. Lui, pas gêné, s’aventure sous sa jupe et lui murmure à l’oreille : « Hey Jude don’t be afraid ».
Elle, elle le repousse doucement. Juste un baiser, elle aurait voulu.
Lui, dans son désir obstiné, la pousse dans l’obscurité.
« Remember to let her under your skin. »
Puis elle ne souviendra plus de rien.
Jusqu’à ce jour où elle entendra dans une conversation à son propos : une jolie petite pute.
« Hey Jude don’t make it bad. »







Consigne : perte de conscience.


Christiane

dimanche 5 décembre 2021

La fable

- Maman réveille toi ! Papa est parti au travail. Tu m’as promis hier d’écouter ma récitation avant de m’accompagner à l’école.
- Viens dans mon creux Petit Paul, petite sœur y est déjà.
Ondine a pour habitude de dormir en chien de fusil. Elle adore y caler son fils pour un câlin du matin. Petit Paul s’y réfugie aussi quand les terreurs nocturnes le réveillent. Mais ce matin là, Petit Paul n’a pas voulu de ce rituel. Il n’a qu’une envie, celle de réciter et mimer une fable ! Il veut déclamer devant sa maman, alors, prête ou pas, il y va :
« Maître Corbeau sur un arbre perché tenait en son bec un fromage... »
Ondine ne parvient pas à se concentrer. Elle sourit. Elle sait que son sourire rassure Petit Paul. Après, elle ne sait plus. D’autres mots s’entremêlent et se bousculent dans sa tête ; avortement, cauchemar, fécondité, fœtus, Fantine, fuite, fable… et puis elle entend son fils réciter. Elle comprend :
« Mettre corps beau, peau à peau, ne pas le lâcher mais l’attacher. » Elle dit bravo et merci pour cette belle récitation qui lui redonne de l’énergie !
- Vite, nous allons être en retard, j’en n’ai pas pour longtemps, déjeune, j’arrive !
Ondine se saisit de sa poupée fœtus, lovée dans le creux de son ventre et s’enferme dans la salle de bain. Elle l’enroule autour de sa taille avec une large écharpe. « Ce bébé n’a pas fini sa croissance, pense t-elle, plus que cinq mois sa bouche sur mon nombril et j’aurai un vrai bébé ».



 
 
Consigne 15l : Perte de conscience d’un personnage, quelqu’en soit la cause

Catherine

mardi 23 novembre 2021

Intelligence Humaine

- Bonjour ! Je m’appelle IH. Je suis votre nouvelle assistante des Normes.
- Bienvenue IH ! Tu remplaces donc IA, tu la connais ?
- Bien sûr, nous sommes issues du même serveur, mais elle échoué au degré d’évolution H.
- Ça ne m’étonne pas ! Elle était un peu artificielle, surfaite et répétait toute la journée, « le temps c’est de l’argent ».
- N’en parlons plus. Au travail ! Commençons par le rapport boursier, suivront les délations et compte rendu de pensées.





5 lignes, sujet libre

Catherine

Un papier froissé

La vraie vie est là, miroitante et fragile. Elle s'impose comme une évidence. Il suffit de poser son corps, de se laisser pénétrer par le soleil. Elle nous enveloppe comme un papier de soie. Mais quelquefois, elle nous râpe aussi comme un papier de verre. Pourtant, il suffirait de regarder le ciel ou la mer...
Pourquoi, alors, cet attrait irrésistible vers cette délicieuse angoisse, cette torture de l'âme ? Chiffonner du papier pour aller fouiller tout au fond.







Texte de 5 lignes, sujet libre

Christiane

dimanche 21 novembre 2021

La rencontre

Après toute cette agitation pour les préparatifs du départ et les au-revoir qui n’en finissaient pas, Lison se retrouve bien seule dans ce bus qui la ramène à Paris. Le crépuscule l’enveloppe peu à peu. Les passagers se sont installés pour la nuit. Le moteur ronronne doucement. Elle est consciente que quelqu’un est assis juste à côté d’elle mais elle décide de l’ignorer. Elle n’a pas envie de compagnie. Elle s’étire et cherche la bonne position pour dormir. Elle ferme les yeux et glisse peu à peu dans une douce somnolence. Des images apparaissent. Les longues balades au bord de l’eau sur la plage. La douce caresse du sable mouillé sur ses pieds, le clapotis des vagues, la multitude de reflets argentés qui scintillent dans le soleil couchant. L’odeur des goémons qui lui titille les narines la surprend. Elle se secoue mais les souvenirs reviennent à la charge. Le feu de camp crépite. Des flammes s’échappent des confettis de toutes couleurs qui s’élèvent dans la nuit. Des phrases d’amour et d’amitié lui reviennent en mémoire et l’enveloppent. Elle ressent une douce chaleur dans son corps. Elle murmure cette chanson qui revient sans cesse comme un fil rouge dans leur complicité. Robert, le casse-cou de la bande, sa casquette toujours rivée à l’envers sur sa tête la regarde d’un air narquois. On parie ? Elle revoit la falaise blanche, d’un a-pic vertigineux et frissonne. Cette rivalité incessante avec Adrien aurait pu leur coûter cher. Malgré les protestations des filles, ils ont osé. Quel soulagement de les voir réapparaître dans l’eau plusieurs mètres plus bas, s’éclaboussant de rire et fiers de leur exploit. Elle sourit. Le nez couvert de chantilly de Simon, son clown préféré, ses cheveux en bataille et sa dégaine d’ado dégingandé. Cette énorme glace italienne qu’ils partagent à six sous les yeux moqueurs du serveur sympathique qui leur offre une double ration de chantilly. Simon, l’éternel retardataire, l’étourdi de service qui oublie son maillot pour aller se baigner et finit tout nu sous les yeux réprobateurs des vacanciers. Elle soupire. Des yeux verts où pétillent quelques pépites d’or, des cheveux satinés d’un blond cuivré, une peau douce et dorée par le soleil : la beauté sans fard de Sara. Un picotement de jalousie la fait frémir. Ne sois pas stupide, tu l’adores ! Sara, la douce, réservée, attentionnée, artiste. Les couronnes de fleurs qu’elle pose délicatement sur nos têtes émerveillées, les bandanas qu’elle dessine sur le sable et que nous avons tous signés de nos prénoms enlacés. Un frôlement la gêne un peu. Lison se retourne face à la vitre. Les pensées reviennent. Elle court, court, danse sur la plage. Toujours en mouvement. Isabelle, le garçon manqué. Petite brunette sportive toute en muscles. Une confidente toujours à l’écoute qui sait garder les secrets mais qui reste secrète. Ses regards lumineux tournés vers Sara dévoilent son homosexualité. L’embarras de Sara ne lui donne aucun espoir. Lison soupire. Quelle tristesse ! Ses amis lui manquent déjà. Le sourire moqueur d’Adrien la contemple. Coup de foudre instantané. Il lui prend la main et l’entraîne dans l’eau. Ce premier baiser échangé dans les vagues, doux, léger, terriblement romantique. Elle a complètement craqué. Leurs corps qui se parlent dans une symphonie de caresses. Elle frémit. Un charme fou dont il a pleinement conscience et c’est ce qui la tracasse. Leur histoire jusque-là est un conte de fée mais elle n’est sûre de rien et reste assez lucide pour savoir que les promesses échangées ne seront pas éternelles. Son cœur déborde de tristesse. Elle écrase une larme de ses doigts, ouvre les yeux pour échapper à sa peine. A travers la vitre, elle contemple les lumières de la nuit derrière le rideau de gouttelettes. Même la pluie pleure ! Croix de bois croix de fer, ils ont tous juré de ne jamais se séparer. Elle refuse ce départ, cette grisaille. Elle se rebelle contre cette vie injuste qui ne lui autorise pas le bonheur. Elle voudrait que sa vie s’arrête là. Elle ouvre les vannes, laisse échapper son chagrin et sanglote doucement.
« Tenez. »
Une main apparaît devant ses yeux tenant un mouchoir. Elle le prend et se mouche bruyamment. Lison lève des yeux étonnés. Un regard plein de compassion l’enveloppe. Des petits yeux tout flétris, un visage couvert de rides et un sourire qui se dessine en coin.





Consigne : 45 lignes (sujet libre).

Aliette

(Sans titre)

Jeannette entend le coq chanter. Il est encore un peu tôt pour se lever, mais elle n’a pas fermé l’œil de la nuit, envahie de sentiments contraires faits d’un mélange de peur, d’excitation, d’anxiété, mais aussi de chagrin de quitter les siens pour l’inconnu.
Elle n’arrive pas à se rendormir aussi elle se lève doucement, faisant attention de ne pas réveiller sa grand-mère ni son jeune frère qui dort avec elle dans le lit clos de la pièce commune. Elle caresse son chien et sort avec lui, en chemise de nuit, dans le jour qui se lève pour faire un dernier tour dans les écuries dire au-revoir aux vaches et aux cochons puis dans la basse-cour voir les poules et les lapins.
Lorsqu’elle revient tout le monde est levé car on doit l’accompagner au bourg pour prendre le car qui la conduira jusqu’à la gare. Elle déjeune avec eux le cœur gros, aide sa petite sœur à manger qui lui demande de ne pas partir, de rester avec elle.
Après sa toilette elle va mettre ses habits neufs, ses habits de ville, achetés exprès car elle ne pouvait pas aller à Paris avec son costume de tous les jours et son béguin, ni même celui du dimanche avec sa belle coiffe. Ça lui fait tout drôle de se voir habillée comme cela d’une jupe avec un simple chemisier et surtout avec ses cheveux sans chignon, juste coiffés d’une queue de cheval. Heureusement sa jeune tante Yvonne est venue avec elle acheter ses nouveaux habits pour le voyage en lui montrant comment les mettre et lui en a donné d’autres plus simples pour tous les jours. Ce qui l’angoisse le plus c’est de porter des chaussures à la place des sabots qu’elle porte tout le temps. Heureusement pour les 5 kms qui la séparent du bourg elle va garder ses sabots, elle ne mettra ses chaussures qu’avant de monter dans le car.
Elle met sa veste et va se regarder dans la glace de l’armoire. Elle ne se reconnait pas et ne se sent pas à l’aise dans ses nouveaux vêtements. En plus ils ne cachent pas toutes ses jambes, elle aurait froid sans les bas que lui a tricoté sa grand-mère.
Le cœur gros, elle sort de la maison après avoir embrassé sa tante et sa petite sœur. Son père l’attend avec sa valise. Sa grand-mère est prête aussi puisqu’elle prend le car avec elle pour aller passer quelques jours chez sa fille Jeanne et lui rapporter des produits de la ferme.
Ils s’apprêtent à partir quand la porte s’ouvre à toute volée et son jeune frère Joseph arrive à grands coups de sabots en finissant de s’habiller :
- Je viens avec vous.
- Bon, dit le père mais allons-y maintenant sinon on va rater le car. Il faut que tu marches vite Joseph.
- J’ai l’habitude papa quand je vais à l’école avec les cousins, ils marchent plus vite que moi.
- Bon on va couper à travers bois, c’est plus court.
Ils entament leur marche à travers bois, la main de Joseph dans celle de Jeannette. Ils ne parlent pas, chacun perdu dans ses pensées.
Le père est contrarié par le départ de sa fille, il la trouve trop jeune, seize ans à peine, il a peur pour elle des dangers de la capitale, la guerre lui ayant ouvert les yeux sur le monde extérieur et ses dangers, mais il sait qu’il est obligé d’obéir à la comtesse qui lui a trouvé une place.
La grand-mère regrette le départ de sa petite fille si courageuse qui l’aidait bien aux travaux de la ferme mais ils sont trop nombreux maintenant dans cette maison séparée en deux entre ses deux fils avec les bébés qui arrivent.
Joseph sait que sa sœur va lui manquer, celle-ci s’étant bien occupée de lui, surtout pour ses devoirs, après le décès de leur mère il y a six ans.
Jeannette a mal au cœur de quitter la ferme, sa famille, son enfance et la langue bretonne qu’elle parle encore en famille. Elle essuie discrètement une larme, regarde bien autour d’elle pour s’imprégner du paysage qui a déjà pris les couleurs de l’automne en humant la bonne odeur de la campagne.
Arrivés au bourg, elle aperçoit avec soulagement sa copine Georgette qui part avec elle à Paris. Elles ne seront pas dans la même famille, mais sans prendre conscience des distances à Paris, du fait qu’elles peuvent être loin l’une de l’autre, elles savourent toutes les deux l’idée de prendre ensemble le train, ce gros monstre qui fait de la fumée et sont contentes d’être toutes les deux habillées pareil.





Consigne : 45 lignes (sujet libre).

Armelle
 

 

jeudi 18 novembre 2021

La poupée d'Ondine

Piotr ne cesse de s’interroger. « Mon fils de cinq ans a compris qu’une naissance s’annonçait et moi je n’ai rien vu du tout. Je suis vraiment naïf... Quinze semaines de grossesse ! Il était temps. Cet enfant ne verra ni son frère ni sa mère. Cette partie de cache-cache n’a que trop duré. Je suis le père et j’ai le droit de m’opposer à cette naissance. Je ne veux pas d’un enfant dans le dos. Elle a voulu jouer, elle a perdu la partie. Échec et mat ! Direction avortement, de gré ou de force »
Piotr n’y va pas par quatre chemins. Un rendez-vous est pris pour le lendemain avec son ami gynéco.


Ondine doit en une seule nuit déterminer le restant de ses jours. A-t-elle vraiment le choix ? S’enfuir avec son Petit Paul ? L’arracher à son sommeil, à son père, à sa maison ? Où se réfugier ? Qui accueillerait dans l’urgence une femme enceinte avec un enfant de cinq ans ?
Les questions jaillissent aussi vite que les heures défilent...Ondine se perd, s’embrouille, désespère. Elle ne peut pas abandonner son fils et partir seule. Elle réalise qu’elle ne pourra pas assumer la charge de ses deux enfants. Son salaire d’auxiliaire de vie n’y suffirait pas. Elle ne peut pas non plus abandonner « ses vieux » comme elle a coutume de les appeler. Elle leur est indispensable et souvent l’unique dépositaire de leur mémoire. Elle se compare à un coffre à tiroir. Chacun a le sien. Il suffit d’en ouvrir un pour y trouver, enroulés, les souvenirs d’une vie passée en espoirs, déceptions, illusions, rêves, peurs…
Ondine se perd dans ses réflexions. Penser à « ses vieux » en cette nuit fatidique est vraiment absurde. Penser à eux la rassure. Elle existe à leurs yeux. Mais un rendez vous est pris pour le lendemain. Elle doit se recentrer sur ses enfants.
Fantine, ma petite Fantine, pense-t-elle, en caressant son ventre.
« Fantine, mon doux bébé, je sais que tu m’entends. Tu t’es si bien cachée jusqu’à présent. Tu es en danger. Alors demain, il faudra être encore plus forte. Trouve un endroit où personne ne pourra t’attraper. Tu vas y arriver, je le sais, je le sens. Je ne le supporterai pas si tu n’y parviens pas. Cherche, mon corps est tout à toi, tu ne me feras pas mal. »
Ondine, persuadée d’avoir enfin trouver la solution salvatrice, s’apaise et s’endort au petit matin. Elle se rend à la clinique pour une interruption de grossesse, ni de gré ni de force, mais docile, déterminée, convaincue.
Surpris par cette résignation, Piotr se garde de la questionner pour ne pas déclencher de tempête. Il a demandé qu’une anesthésie générale soit pratiquée pour éviter tout changement de décision devant le médecin.
« Réveillez-vous madame, tout s’est bien passé. Il n’aurait pas fallu attendre quelques jours de plus… N’hésitez pas à m’appeler si souci. Je vous conseille de ne pas faire d’efforts et surtout la prochaine fois, n’oubliez pas votre contraceptif pour éviter ces complications. »
Ondine sourit. Elle sait que sa Fantine n’a pu se faire aspirer…Un bébé obéissant, résistant.
Les semaines s’écoulent. Ondine ne cesse de caresser son ventre. Elle guette un mouvement, un signe complice. Mais son ventre reste muet, figé, presque froid.
C’est alors, qu’une nuit, elle découpe ses robes pour en faire une poupée de chiffons. Elle s’attelle avec méticulosité à cette tâche choisissant les plus doux tissus. Dans une frénésie ouatée elle pique, coud, admire son travail. Fantine est aussi belle qu’elle l’avait imaginée. Elle l’a enfin retrouvée. Elle savait que Fantine ne se laisserait pas faire. Elle avait gagné ! Il fallait maintenant lui trouver un berceau. La boite de ses bottes est juste à sa taille. Un petit lit tout douillet. Elle a tout ce qu’il faut pour la couvrir. Surtout, qu’elle ne prenne pas froid. « Fais dodo, dans ton lit tout chaud », chante-t-elle. Elle a pris soin de la bercer après la tétée. Tout est en ordre. Fantine a fait son rot. « C’est l’heure de faire dodo, mon trésor, maman est fatiguée. »


Intrigué, Piotr ne la questionne pas au sujet de cette poupée de chiffon. Son fils a bien des peluches mais pas de poupée. Il croit reconnaître le tissu d’une robe qu’il lui avait offert. Un cadeau plutôt exceptionnel pour qu’il s’en souvienne. Jusqu’où ira-t-elle ?

 

 

 

Texte 45l / Pas de consigne 

Catherine

C'est à boire qu'il nous faut !

- Tchin ! A notre nouvelle maison ! Celle qui nous a tant fait rêver. Nous avons pris le temps mais nous y sommes !
- Tchin ! Je savais que je pouvais te donner carte blanche. Tu es vraiment experte en la matière. Tu as dû en visiter plus d’une vingtaine, non ?
- Tu es gentil… Dis plutôt une quarantaine en deux ans. Celle ci répondait pile-poil au cahier des charges. Elle a matché tout de suite.
- Tiens ! Nous avons de la visite, tu connais ?
- Non, je ne vois pas bien. Il me semble aussi que ces deux là viennent chez nous. Bingo ! La sonnette fonctionne, tu y vas ?


- Bonjour ! Nous vous avons vu emménager toute cette semaine. Nous nous sommes dit, ma femme et moi qu’il était temps de vous souhaiter la bienvenue dans le quartier. Nous sommes vos voisins mitoyens. Alors, buvons ces premières bulles, en espérant que le bruit des bouchons de champagne nous réunissent le plus souvent possible.
- Bien aimables, chers voisins et vous tombez à pic ! Nous trinquions à notre maison, mais une bouteille de plus à partager en bonne compagnie ne nous fait pas peur! Dites moi, c’est curieux, j’ai le sentiment de vous connaître …
- Bien vu, vous avez une excellente mémoire ! J’ai été l’amant de votre femme durant les dix premières années de votre mariage !




 

Consigne : Les premiers jours du narrateur dans une nouvelle maison, avec une ou plusieurs surprises

Catherine

mercredi 17 novembre 2021

Santiago

Vous souvenez vous de ce jour de grande chaleur à Santiago, ce jour ou sous un ciel d’orage ce très grand Nègre aux lourdes paupières mélancoliques se balançait dans son rocking-chair ? On en avait parlé la première fois qu’on s’était rencontré.
La dernière fois qu’on l’avait aperçu, c’était un dimanche à un de ces combats de coqs exaspérants. Ensuite, on ne l’avait plu jamais revu. Ces combats de coqs, il en était friand. Dans l’enfance son père l’emmenait la nuit dans les champs de cannes assister aux combats clandestins. Depuis, ils avaient fini par être autorisés. L’on entendait quelquefois des froissements d'ailes dans l’air moite, même à minuit on pouvait les entendre. La passion d'Ignacio était telle qu'il pouvait se relever la nuit pour entraîner son coq. Sa collerette fauve tranchait sur son plumage ébène. C'est une méfiance chronique aussi qui le faisait se relever la nuit ; son coq lui rapportait beaucoup d'argent et il avait une peur farouche qu'on le lui empoisonne.
Depuis ce dimanche, tout le monde le cherchait dans le quartier. On traînait l’air de rien dans les ruelles, on se glissait dans les patios secrets, prés du port aussi on allait. La vie était vide sans lui. Les enfants ne tapaient plus avec autant d’entrain dans leurs balles de base-ball, les vieilles languissaient dans leur rocking-chair, les cris marchands ambulants ne nous attiraient plus vraiment. Même les échos des musiciens de rue nous arrivaient assourdis.
La rue s’emplissait de rumeurs. Parler de politique n'était pas autorisé, alors dans les longues fins d'après-midi calcinées, on se retrouvait pour parler d'Ignacio, on se congratulait avec fortes tapes dans les mains.
Certains disaient que ses paris étaient exorbitants. Peut-être n’avait-il pas trouvé l’argent suffisant pour honorer le dernier et il aurait préféré disparaitre, ou alors une bagarre se serait déclenchée après ces paris stupides, un rival lui aurait planté un couteau entre les côtes ?
Ou bien se serait-il laissé séduire par quelques trafics illicites au marché noir ?
Peut être, était-il entré en prison ?
Il n’était pas de ceux qui se jettent sur l’océan dans une embarcation de fortune au grès des vagues pour fuir la misère. Ça non, ce grand Nègre taiseux aimait sa ville, il était l’âme du quartier. Et il n'était pas misérable.
Maintenant, il semblait renfermer tellement de secrets. On n’allait pas prévenir la police. Il fallait attendre qu’il réapparaisse. On préférait parler de disparition plutôt que de mort.
La mort, on préfère ne pas y penser.









Texte libre 45 lignes

Christiane

samedi 6 novembre 2021

Dodo l'enfant dos

Petit Paul est joyeux ! C’est son anniversaire et pour la première fois son âge remplit sa main. Cinq ans ! Ondine, moins rayonnante, a préparé un gâteau au chocolat pour recevoir les copains de son fils. Cinq années déjà passées. Son Petit Paul n’est plus ce bébé tétant le sein maternel. Elle l’a allaité trente mois puis son époux a exigé l’arrêt de cette pratique devenue suspecte. Ondine l’a vécu comme une punition et ne rêve que de retrouver ces sensations. Le désir d’enfant s’ancre en elle. Piotr s’oppose catégoriquement au projet d’un deuxième enfant. Il avait cédé pour le premier, pour préserver son couple. Il avait fait sa part de concessions, il ne cédera plus. Le silence s'est installé progressivement entre eux. Le veto de l’un n’atténuant pas le renoncement de l’autre.
En voyant son fils souffler ses cinq bougies, Ondine décide de cesser toute contraception en secret.


Elle patiente quelques mois dans une grande solitude. Elle finit, solitaire, par se réjouir de l’excellente nouvelle. Elle a réussi ! Une intime prédiction lui révèle le prénom de ce bébé qui grandit sagement en elle. Fantine ! Aussi secrète que sa maman, Fantine se dissimule et se cache de son père.
Piotr est ravi de la bonne mine de son épouse, depuis quelques mois.
Petit Paul, lui, ne tarde pas à deviner. Un soir, il annonce à table « Je vais avoir un petit frère ou une petite sœur ! »
Ondine ne peut lui mentir. Cela dit, elle croit qu’une grossesse de quinze semaines la protège d’une IVG contrainte...






Consigne en 15l : reprendre le personnage dans une situation inhabituelle qui le déstabilise

Catherine

lundi 1 novembre 2021

Chut !

- Dis, tu n’as rien remarqué de particulier chez Max ?
- Ben oui, et toi ?
- J’ai l’impression que notre cher voisin s’est enfermé chez lui. Il n’ouvre plus ses volets et je suis sûr qu’il est à l’intérieur.
- Tu lui as téléphoné ?
- Oui, je l'ai même appelé alors que j'étais devant sa porte d’entrée. Mais, je tombe directement sur son répondeur. J’entends sonner son portable, c’est qu’il doit être chez lui, à moins qu’il ne soit parti sans le prendre.
- En tout cas, je vois sa poubelle le soir et elle n’y est plus le matin. Bizarre... Si tu veux en avoir le cœur net et te rassurer, sonne chez lui. Tu n’as que la rue à traverser.
- J’y vais, mais c’est quand même gênant, il est si susceptible…


- Bonjour Max, je voulais savoir si tu allais bien, nous ne te voyons plus, que se passe-t-il ?
Silence.
Max s’attendait à cette visite. Pour toute réponse, il fait défiler des cartes où il est écrit :

Bonjour
Je vais bien
Tout va bien
Je ne parle plus
Je ne veux plus voir personne
C’est mon choix
Rentre chez toi












Consigne : en 15l Un personnage qui observe un comportement étrange chez son voisin


Catherine

dimanche 31 octobre 2021

Le pari

« Concentrez-vous d’abord sur votre respiration. »

Ma respiration ? Mais j’ai pas besoin de m’y concentrer dessus, elle se fait toute seule ! J’ai déjà bien assez de choses à penser sans y ajouter ma respiration ! Bizarre cette idée ! Comme ce type d’ailleurs, ce moine. Il a un look d’enfer avec sa robe bordeaux. Il est là, souriant, heureux, zen, il attend que ça passe. Et moi qui ne supporte pas de perdre mon temps ! Encore un qui fait pas grand-chose de sa vie. Je ne sais pas de quoi il vit d’ailleurs. Il doit pas avoir grand-chose sur son compte en banque.

« Inspirez ».

Quand Paul me lance un défi, je ne résiste pas. Mais là franchement je rame ! Et cette position du lotus, pas confortable du tout, j’ai mal partout et je commence à avoir des fourmis dans les pieds.

« Expirez ».

Deux, on est que deux mecs ! Encore un truc de nana ça ! Très jolie la blonde à côté d’ailleurs ! Beau sourire à la Mona Lisa. Je crois que j’ai fait une touche ! Et merde ! Voilà mon ventre qui gargouille. Pas très sexy tout ça. Si je pouvais péter discrètement aussi ça me ferait du bien. Bon, j’ai promis à Paul de tenir vingt minutes, c’est pas gagné !

« Maintenant que vous êtes bien détendus, nous allons faire ce que l’on appelle un “scan corporel ” ».





Consigne - Votre personnage (du trimestre) est dans une situation qui n'est pas habituelle pour lui, qui est nouvelle, lui fait perdre ses repères, etc.

Aliette

samedi 30 octobre 2021

Duncan

Il entre dans l’amphithéâtre et se dirige vers l’estrade, droit, altier, sûr de lui. Il porte un costume sur mesure de chez Tailor Trucks bleu marine en laine. Il est grand, élancé, un bel homme comme on en voit dans les magazines de mode, ces mannequins auxquels il s'identifie. Il monte sur l’estrade et dépose son attaché case Maxwell Scott en cuir sur le bureau et s'installe devant le pupitre debout face aux étudiants. Il passe la main dans ses cheveux blonds pour recadrer une mèche rebelle. Il jette un regard bleu métallique sur l'assemblée d’où s’élève un brouhaha de conversations entrecoupées de claquements de livres, cliquetis de stylos et froissements de feuilles. Sourire en coin, il étudie son public : en majorité jeunes, sans expérience. Il décide de la jouer décontracté avec une pointe d'humour. Ce sera parfait. Il a déjà donné plusieurs fois ce type de conférence et connaît bien son sujet : l'immobilier haut de gamme à Londres. Il a parcouru tous les recoins de l’immobilier, s’est formé sur le tas puis a gravi tous les échelons pour devenir directeur commercial de la plus prestigieuse agence de Londres : Luxury Estate. Il est au sommet de sa carrière. Son expérience et sa notoriété obtenues grâce à la réussite spectaculaire de sa société l’autorisent à intervenir dans plusieurs universités. Quelle ironie tout de même ! Lui qui n’a jamais obtenu de diplômes ! C’est d’ailleurs la raison pour laquelle il travaille son look, toujours parfaitement étudié pour impressionner. Incarner le succès. Il ne bouge pas, intensifie son regard. Il attend. Le silence s’installe. Enfin, il prend le micro et le tapote de ses doigts effilés et manucurés. « Bien, mesdames et messieurs, si vous le voulez bien nous allons commencer. »



 

 

Consigne : Portrait d’un personnage.


Aliette

mardi 26 octobre 2021

Poudre noire

Rien que des étincelles, plein de petites étoiles dans le ciel. Une éruption de bleu, de jaune, de rouge et des pétards à crever le ciel.
Il a dix-sept ans, il est au beau milieu d'un feu d'artifice. Ça pète de partout, c'est le bouquet final. Mais non, ça continue. Il se bouche les oreilles mais le bruit ça continue dans sa tête. Il ferme les yeux et ça pique aussi dans la gorge et dans son nez une odeur acide. Ça fuse de partout. Il se cramponne à son fusil Ce pays, c'est pas lui qui a décidé d'y aller. On ne lui a pas demandé s'il voulait le faire ce voyage. On l'a mis sur un paquebot à Marseille, il a traversé la mer. On ne lui a rien expliqué avant de partir. Il pensait juste que ce pays c'était un éternel été.
Un vertige, il croit voir une silhouette de fellagha dans la fumée qui avance vers lui. Il tire, encore et encore, il ne peut plus s'arrêter. Après, il n'ose plus bouger, ses jambes tremblent, il se jette à plat ventre. Il transpire.
Quand plus tard, il voudra raconter, il ne le pourra pas, sa gorge se nouera, il manquera d'air pour respirer. Et il sera devenu un homme explosif, qui se consumera de l'intérieur.




 
Consigne : le personnage du trimestre dans une situation déstabilisante.

Christiane


lundi 25 octobre 2021

Le rugby

C'est moi qui le lui ai proposé et maintenant voilà les conséquences !
J'ai voulu marquer un essai et dés le coup d'envoi, j'ai compris que c'était une erreur. Ce match, c'était mon idée, être côte à côte sur les gradins, pas besoin de parole. D'un coup d’œil, j'ai vu : sa mine, son mouvement du pied, ses bras qu'il croise, décroise.
Dès la mi-temps, au premier mot échangé, ça a été un désastre !
Incapable de me maîtriser, j'y suis allé au contact franco : "pas assez intéressant ce match ou peut-être tu aurai préféré y aller avec ton pote, c'est ça ?"
Lui, du tac au tac : "t'en as pas assez de t'embrouiller, même avec ton fils ? J'en ai assez que tu me mettes sur la touche comme un minable ! Tes conseils, ton mépris, je ne les supporte plus ! Mon jeu au tennis pas aussi fin que le tien, mes photos, il faut que tu les compares aux tiennes évidemment, mes lectures que des niaiseries, à toi les grands auteurs ! Même quand je t'ai présenté mes compagnes, il a fallu que tu en trouves des plus jeunes !
- Tu sais ce qu'elle a été ma jeunesse à moi ?"
Mais aller plus loin je ne l'ai pas pu, ma gorge s'est nouée, ma voix enrouée. Les mots n'ont plus d'importance.
Alors nous voilà encore retranchés dans une zone de silence.




 
Consigne : personnage du trimestre + son antagoniste


Christiane

 

mardi 19 octobre 2021

La question

Tourmentée, insatisfaite, je sors de l’église. Les voies du Seigneur sont réellement impénétrables. Les prières, les pèlerinages ne répondent toujours pas à ma question. Le mystère reste entier. J’ai le sentiment de me heurter à un mur. Je n’ai qu’une envie... y creuser un trou au burin et sculpter un troisième œil, celui de la connaissance, de la révélation.
« 200€ », m’a-t-elle annoncé au téléphone. « Vous n’aurez plus de doutes. Je vous dévoile l’avenir, avec précision. Il suffit de m’interroger. Je vous préviens, ma séance est limitée à quarante cinq minutes. L’état de voyance me fatigue au point de raccourcir ma vie à chaque fois. »
Une décision difficile à prendre. Consulter cette voyante me culpabilise en raison des risques encourus et de l’investissement. Dieu et l’église sont inefficaces mais gratuits. Cela dit, je n’ai qu’une seule question à lui poser. Une question obsédante qui me dévore à petit feu. Cette voyante y répondra rapidement... Tant pis pour les 200€ ! Je vais la consulter.
« Bonjour Madame. Je ne veux surtout pas abuser de votre temps pour ne pas impacter votre capital vie. Une seule question se pose. J’attends une réponse simple et direct. Consultez les astres et votre boule de cristal et dites moi, Madame, Suis-je mortelle ? »



 
 
Consigne: Le narrateur se rend chez une voyante 15l

Catherine

Le P sans respect

Piotr est sous le choc. Les dernières nouvelles de son père révèlent un pronostic vital engagé. La dernière crise cardiaque risque d'être fatale.
Piotr se souvient de ce jour décisif où il annonce à ses parents son départ et sa détermination. Ne plus jamais les revoir, sans autres précisions. Couper le cordon ombilical toxique et trouver le chemin de sa propre vie. Cela lui appartient, il n'a pas à se justifier. Il n'est plus revenu sur cette sentence.
Piotr n'a jamais aimé son prénom, issu d'une ridicule tradition familiale. Il le trouve aussi rugueux que son père Paul. Ce P initial sonne comme punition, paroisse, pénitence, pêchés, plainte, pouvoir, pleur, paresse, peur, peine, passé, piano, père... pas papa.
L'annonce de ce diagnostic le hante. Il ne peut pas le laisser mourir sans explications.
Il redoute ces mots en P, transformés en flèches fatales. Ils tournent en boucle dans sa tête. Ils fuseront seuls, sans phrase ni emphase. Il l'affrontera une dernière fois. Lui récitera le chapelet-mots pour les évacuer. Une catharsis, sa libération comme ultimes cadeaux à son père. Il comprendra, ou pas...


 

 

 

Consigne en 15 l : Reprendre notre personnage, le mettre en scène avec la personne de son entourage avec qui il a le plus de difficultés relationnelles

Catherine

jeudi 14 octobre 2021

La lettre égarée

- Cette lettre que je t'avais envoyée ?
- LA lettre ?
- Oui, cette lettre, ne fais pas l'idiot.
- Je ne vois pas de quoi tu parles.
- Pourquoi n'as tu jamais répondu ?
- Je vois que tu es toujours aussi compliqué.
- Je te demande pourquoi tu n'as jamais répondu ?
- Si seulement je savais de quoi tu parles ?
- Cette lettre qu'en as tu fait ?
- J'ai dû la lire bien sûr.
- Moi, j'attendais une réponse. Des années a attendre une réponse et toi, toujours pareil, là devant moi, toujours aussi désinvolte !
- T'as pas une cigarette ?
- Non.
- On peux aller boire un verre.
- Non !
- Faire un tour ? C'est bon pour les nerfs.
- Non ! Je peux attendre, j'ai tout mon temps, depuis le temps que j'attends.
- Mais attendre jusqu'à quand ? Et attendre quoi au juste ? Je te le répète, je ne sais pas de quoi tu parles ?
- L'Art de l'esquive ! Tout toi !
- Ça suffit pour aujourd'hui !




Consigne : dialogue : l'un revient sur une stupidité commise par l'autre.


Christiane

mercredi 13 octobre 2021

Lucien

Le ciel est triste, le mistral souffle en rafales et commence le grand nettoyage des nuages d’automne. Lucien hésite. La foule derrière lui murmure doucement puis le silence s’installe. Il regarde ses mains rugueuses de travailleur, lève des yeux mouillés de larmes et met sa grande carcasse en branle pour suivre le corbillard. Il a trente-sept ans, la force de l’âge. La vie ne l’a pourtant pas épargné jusque-là mais il s’est construit seul et se croyait fort, invulnérable. Né d’un amour impossible entre un propriétaire terrien et une fille de ferme, il a subi la méchanceté des gens et les moqueries de ses camarades de classe très tôt dans son enfance. Cela a forgé son caractère de battant. Petit garçon têtu et batailleur mais aussi vif et intelligent, il a réussi brillamment son certificat d’étude et obtenu son Brevet. Sa carrière professionnelle commencée en bas de l’échelle l’a mené à force de travail et de persévérance à un poste d’agent de maîtrise aux Ciments Lafarge. Il avance d’un pas hésitant, la tête basse. La mort de sa femme l’a aplati, vouté, recroquevillé. C’est arrivé si vite ! Par moments, il se raccroche à l’idée que tout ceci n’est qu’un cauchemar mais la réalité le rattrape. La réalité, c’est quatre enfants en bas âge qu’il va falloir élever seul. Il a peur, il a froid, le poids de ses responsabilités l’écrase et son chagrin est immense. Comment va-t-il s’en sortir ?








Consigne : 15 lignes utiliser un personnage déjà décrit dans une dernière nouvelle ou reprendre un personnage et le présenter. Faire un portrait. Expliquer sa singularité.


Aliette

jeudi 7 octobre 2021

Première rencontre

Piotr se reproche sa négligence. Il avait mesuré sa fragilité, dès leur première rencontre. Ondine avait prononcé son prénom, comme un poème, une évidence. Il avait fermé les yeux pour imaginer son être invisible, se remettant à la clairvoyance des aveugles. Ondine s'offrait aux capteurs, silencieuse. Un modèle vivant face à l'artiste, elle se laissait absorber. Elle avait l'habitude de cette atmosphère, mais cette fois les rôles étaient inversés, elle n'était pas dans son atelier, pinceaux en mains. 
Une première rencontre étrange où les mots sont superflus. Deux âmes se rencontrent et manifestent un désir muet de se connaître. Une approche commune, ils sont sur la même longueur d'ondes. Ondine, Piotr. Un aller-retour d'imaginaires entremêlés de projections, de désirs, de constructions, sans limite ! 
Un jeu riche mais risqué. 
Piotr avait ressenti sa fragilité, Ondine, sa force... Des aimants ne pouvant que s'attirer ! L'alchimie se chargerait du futur. Ils ignoraient où cette histoire d'amour les conduirait. Allaient-ils s'enrichir ou se détruire ? Aujourd'hui, il connaît la réponse. Les ambulanciers ne vont plus tarder. Le diagnostic du psychiatre est sans équivoque. Les troubles de la personnalité d’Ondine sont la conséquence de grandes souffrances accumulées. L’éloignement du conjoint s’impose.




 
Consigne : Reprendre notre personnage, le mettre en scène avec un autre personnage, privilégié et important. 15L

Catherine

mardi 5 octobre 2021

Un étudiant

Je le vois entrer et s'assoir dans cet amphi parmi les étudiants. Je le remarque alors, bien évidemment à son âge qui tranche dans ce public juvénile. Un homme dans la cinquantaine. Mais c'est son allure tranquille et déterminée qui m'impressionne. Il écoute avec avidité, presque recueillement la prof de Littérature contemporaine.
Que vient chercher cet homme, ici, dans le milieu de son âge déjà ?
Je sais qu'une rencontre va avoir lieu, non pas d'ordre amoureux, mais d'une autre sorte.
Il est d'une sobre et classique élégance : chemise blanche et jean foncé. Cheveux déjà blancs et courts. De son regard des vibrations bleues et acérées m'atteignent. Une énergie fantastique s'en dégage.
Pourtant une sourde inquiétude affleure.


 

 

 

Consigne : portrait d'un personnage.


Christiane

mardi 28 septembre 2021

Solitude

16h30, Paul rentre de l'école. Son père lui a confié le gros trousseau de clés de la maison. Étonnant !!
Depuis que sa mère est hospitalisée, c'est comme si, subitement, il avait grandi. Pas en taille bien sûr ! Aucun centimètre de gagné. Il a plutôt vieilli...
Il se retrouve seul, personne pour le surveiller, le gronder, l'embrasser, l'écouter.
Le silence absolu plane dans chaque pièce. Paul commence par vérifier si des cambrioleurs se cachent et l'observent.
Après le goûter, il se dépêche de monter dans sa chambre. Il teste à plusieurs reprises les deux tours de clés. Il peut enfin respirer, il est dans son domaine. Paul s'allonge sur son lit pour réfléchir, le travail passera après.
« Que faire ? Comment s'y prendre ? »
La pensée magique et sa volonté farouche n'y suffisent pas.
Pas simple de s'opposer à la décision d'un juge. Pas simple de refuser l'amour de son père. Il se redresse et marche dans sa chambre. Il tourne en rond, rien n'y fait. Aucune solution en vue, il manque bien une clé dans ce gros trousseau, à lui de la trouver.
Seul, abandonné, mais déterminé !




 
 
 
Consigne : Utiliser le personnage (atelier précédent) pour une fiction (possibilité de créer un ou deux personnages de plus) Cette fiction devrait permettre de révéler le tempérament du personnage.


Catherine
 
 

lundi 27 septembre 2021

Le diable à cheval

La milice freine brutalement devant le troupeau, leurs pneus soulèvent la poussière. Les para-militaires sautent du pick-up en criant. L'un deux désigne un mouton mâle, un autre l'empoigne dans les hurlements de la bête affolée et les cris du berger. Des coups de matraque s'abattent dans l'air brûlant, atteigne Moussa, qui défend son troupeau et son honneur. Très vite des coups de feu fusent, le vieil homme s'effondre. Un milicien enflamme la hutte de Moussa. Les moutons s'enfuient. Après c'est la désolation.
Ces hommes ont encore réussi a semer la terreur et ce soir ils vont en rire dans l'odeur âcre du mouton grillé qu'ils vont se partager. Demain, le gouvernement choisira leur chef pour une nouvelle mission.




Consigne : situation dans laquelle la narration est poussée plus loin dans la rapidité, violence, dramatisée en ce qui concerne mon texte.

Christiane

Un long voyage

"Nord Soudan, quatre du matin, je pars. Disparaître au plus vite, c'est ça que je pense à ce moment là. Rien ne pourra m'arrêter. Je sais que je quitte pour toujours ma mère, veuve maintenant, Nadia, Félicia, Anila et mes deux autres soeurs. Ma vie est en danger. Je pars sans rien emporter. Ce que je viens de voir est une profonde peine, tu vois, qui ne s'effacera jamais, non, jamais. Je cours vers une station de bus, j'arrive à la maison, j'explique à mon oncle qu'ils ont assassiné mon père, là devant mes yeux pour un mouton qu'il leur a refusé et pour leur avoir résister. "Il faut t'enfuir ! Demain ! Sinon, il viendront te chercher". Je lui obéi et pour sauver ma vie, je pars. Je sais que je vais réussir, je suis habitué au désert, à la poussière, à la chaleur, j'aidais mon père a s'occuper du troupeau.
Je marche huit jours dans le désert, seul, tout seul, c'est ça le plus dur, tu vois. Seul comme un chien ! Jusqu'à Beham : La Lybie , je ne sais pas ce qui m'attends."
Puis tout de suite, la pudeur l'arrête.
"Mais, je suis courageux, tu vois, je suis venu à pieds du Sahel !" me dit Bachir un sourire ironique et en même temps timide. Son regard reste détaché, réservé, nostalgique. Puis très vite le sourire éclaire son visage : "et toi ça va ? Ta famille, ça va ?"
Aujourd'hui comme tous les autres jours, il a mis un maillot de foot, comme si un maillot pouvait forcer le destin. Il a noué un foulard rouge sur ses cheveux aussi noirs que sa peau. A vingt-quatre ans ce fils unique d'un berger du Sahel a l'air d'un seigneur blessé .





Consigne : Présentation d'un personnage, portrait physique, psychologique, social, de façon vivante.


Christiane

Une retraite

Jeanne, jeune retraitée, emménagea dans la maison au bord de la rivière en début d'hiver.
Elle vivait seule depuis quelques années et cette maison isolée l'avait attirée immédiatement. Son plus proche voisin était à un kilomètre de là. Elle avait choisi ce lieu solitaire et bucolique comme dans les contes de son enfance.
Une fois installée, elle commença à façonner un personnage d'argile qui lui tiendrait lieu de compagnon pendant ce premier hiver. Puis elle continuerait, lui inventerait une petite sœur et pourquoi pas tout une communauté.
Jeanne avait rêvé cette retraite depuis longtemps déjà.
Pourtant un doute la saisit un soir, lorsque la brume montée de la rivière enveloppa la campagne : serait-elle capable de traverser tout un hiver ici ?
Et Jeanne ne pouvait pas imaginer qu'il se passait dans ce lieu isolé toutes sortes de bizarreries.
Et ce qu'il allait se passer, Jeanne ne pouvait certainement pas l'imaginer.





Consigne : incipit : Jeanne, jeune retraitée, emménagea dans la maison au bord de la rivière en début d'hiver.


Christiane 


samedi 25 septembre 2021

Risqué

J’atterris dans un endroit bizarre. Des immeubles à perte de vue, dilapidés, infestés de graffitis aux couleurs fanées, s’écrasent contre un ciel gris. Une odeur âcre de fumée s’enfouit dans ma gorge. J’observe le terrain vague remplis de détritus en tout genre qui s’étend devant mes yeux. Une épave désossée s’est incrustée là. Le coffre arrière baille généreusement. Les dents des vitres cassées me menacent. Des tags rouges et noirs décorent les portières d’une écriture enroulée et épaisse. Il reste deux pneus crevés. Le cuir noir et poussiéreux d’un des sièges avant est planté quelques mètres plus loin. Premier indice : une Simca 1000. Plus loin, j’aperçois un homme assis, adossé à un énorme bidon rouillé. Il a l’air de s’être assoupi. Je l’examine de loin et m’avance prudemment. C’est un homme âgé, vêtu d’un imper usé qui devait être noir, ses jambes écartées se cachent sous une couverture à carreaux élimée, quelques affaires sont éparpillées autour de lui ; une lampe de poche, un paquet de cigarettes, des canettes de bière, des restes de repas débordent d’un papier gras crasseux. Deuxième indice : des gauloises bleues. Ne pas intervenir, ne pas prendre de risques, je m’éloigne.


 

 

Consigne : Une fiction de 15 lignes qui se termine brutalement, de façon inattendue et brusque dans l’écriture.

Aliette

lundi 20 septembre 2021

Pas avec lui !

Non, cela ne se peut ! Petit Paul refuse. Encore et encore.
Il s’entête. Il se renferme. Il n’exprime pas les raisons de son obstination.
Petit Paul se sent seul, abandonné. Il ne sait comment échapper à son père.
Pour autant, le juge décide qu’il vivra avec lui.
Petit Paul ne veut pas se séparer de sa maman. Bien sûr, elle a changé. Elle n’est plus comme avant…
C’est bizarre, lorsque nous nous promenons au parc, elle ressemble à un robot dont les piles sont épuisées.
Sa petite mère ! Si souriante et taquine !
Les souvenirs heureux se voilent peu à peu, au point de vouloir s’effacer.
Ce dont il se souvient parfaitement, ce sont les disputes des parents.
Cris, coups, voisins, police et ambulance hurlante.
Un moment le hante, celui où Maman disparaît entre deux hommes en blouse blanche…







Consigne : en 15 lignes « Un personnage qui tente d’échapper à quelque chose ».



Catherine

 

 

samedi 3 juillet 2021

Playa blanca

Rien que le nom vous fait rêver, hein ? Eh bien allons y !
Nous roulons lentement, dans la poussière, évitant soigneusement les nids de poule. La route se gagne à la sueur. Mais enfin, nous y voilà arrivés dans notre paradis sauvage de sable blanc après des heures sur la piste ! Sitôt plongés dans son eau turquoise, vivifiante, brillante, voilà que le ciel s'enrage ! De dépit nous reprenons le volant vers l'enclave bétonnée, grillagée, des hôtels clubs, cet enfer moderne. Un vigile barre l'accès de ce rêve tropical et comme si notre voiture se refusait, voilà qu'un pneu crève à l'instant ! Nous la sentons vaciller. Nous regagnons précautionneusement la seule station. La roue bloquée par des agglomérats de poussière résiste. La station n'est pas équipée. Heureusement, nous sommes au pays de la Solidarité ! Chaque cubain qui passe joue sa virilité d'un coup de pied énergique sur cette gente récalcitrante. Puis au septième elle lâche prise, cède enfin, crevée et remplacée par sa sœur jumelle qui elle est aussi bien amochée ! On nous confie l'adresse d'un "Ponchero", qu'on finit par dénicher quelque part dans la campagne, à la nuit tombée ."Hasta la victoria siempre"! Mais la jauge d'essence est au plus bas ! Venceremos ! Nous la trouverons l'essence, au marché noir, et honteux d'avoir participé à la corruption au pays de la Révolution ! 
Playa Blanca,vous en rêvez ? Vous en voulez encore?






consigne: une panne
 
 

Chemins de papier

Il y a la vie dehors, frémissante, flamboyante, fulgurante.
Pour elle pourtant, cela ne remplit pas son existence : une quête de l'impossible la retient dans le silence et la solitude. Éblouie par la clarté du monde, elle aimerait la capturer, d'autres fois submergée par sa cruauté, elle se construit un abri d'encre et de papier. Elle se console du désarroi du quotidien en se fabriquant un rêve, un idéal.
Quelle étrange et dérisoire manie que de chercher le mot le plus juste, le plus drôle ou le plus pur.
Quel acharnement obstiné que d'agencer les noms, les verbes et les adjectifs.Se délecter de l'un, s'en pourlécher, le humer ou finalement l'abandonner.
Quel obscur désir que de pénétrer les mots, leur couleur, leur odeur, leur musique douce ou violente.
Quelle vive sensualité que de laisser crisser la plume sur le papier.
Quel étrange rituel que de s'installer près de la fenêtre, sur un bureau un peu patiné ou trône maintenant un ordinateur, depuis qu'elle s'est entichée de cet atelier d'écriture du vendredi. Son doigt caresse les touches et des sensations jusque là inconnues affleurent. Très souvent, ça dérape aussi, un mauvais karma, certains jours, quand du bout du doigt tout est effacé par un effleurement malhabile. Alors le découragement la saisit, cet outil la dégoûte, la déçoit ! Mais elle retourne bien vite à son opium. C'est plutôt au soir que les idées s'improvisent. Mot après mot, une phrase se construit qui finit toujours par l'étonner.
Vendredi, elle se mettra à nu en lisant son texte, et elle saura d'instinct si ça vaut quelque chose ou rien, comme un animal renifle le monde, à un silence embarrassé qui suit sa lecture ou à de petites retouches suggérées...
Elle échangera, un rêve de larme contre un rêve de rire, un rêve de révolte contre un rêve de voyage.
Tristan recueillera les mots, les animera et veillera sur eux avant que nos personnages de papier ne s'envolent.




Consigne : inspiration citation Pierre Soulages : C'est ce que je fais qui m'apprend ce que je cherche.
 
 

samedi 19 juin 2021

Choix

Il lève les yeux vers le plafonnier. Une lumière blanche et crue vient percuter sa rétine.

Deux solutions :

-           - Soit il est dans un mauvais film : « Nous avons les moyens de vous faire parler ! »

-           - Soit il est allongé chez son kiné et l’électricien s’est trompé en changeant le néon.

Un bon massage ou une séance de torture.

Dans la vie on est parfois confronté à des choix drastiques.

 

 

Consigne : En 15 lignes, écrire une fiction qui se termine brutalement, de façon inattendue, sur une impression d’inachevé.