Présentation

L’Atelier d’écriture de Solliès-Pont a commencé en septembre 2018 à l’initiative de Tristan Choisel, auteur de théâtre et de chansons. Pourquoi ? Pour s’initier à l’écriture de formes brèves (nouvelles, saynètes…), pour perfectionner son style ou pour simplement explorer son potentiel créatif. Nous sommes sept à partager nos textes dans la bienveillance, un peu d’humour et toujours avec beaucoup de plaisir. L’association « L’Atelier de Solliès-Pont » abrite cette initiative et vous pouvez nous rejoindre si, comme nous, vous avez l’âme d’un écrivain amateur.

Ce blog est la mémoire de notre travail. Il sert à mettre en lumière quelques-uns de nos textes. Enfin, il permet de communiquer entre nous plus facilement.

vendredi 29 novembre 2019

Le bal des libellules

Un buffet conciliabule, tenu par les merles et les grives, précède le grand « bal des libellules ». Les genêts, les thyms et les  romarins ont organisé la fête pour la venue de l’étranger. Rapidement, entre deux friandises, l’étranger se transforme en oreille. Le soleil lui dit se désespérer d’avoir perdu ses filtres. Le désert de glace lui confie de trop pleurer. Les océans et les rivières grondent d’être engorgés de ses larmes. Les plaines lui signalent se noyer. Les saisons lui indiquent se déboussoler. Les forêts se lamentent de se dénuder. Les animaux observent leurs entrailles se plastifier. La terre lui révèle trembler. Le sable craint de se multiplier. Les volcans lui déclarent se réveiller. Le cosmos lui confie s’asphyxier.
L’étranger dit « Je suis le commencement et la fin. »


8 lignes : la nature occupe une place importante.

jeudi 28 novembre 2019

Et je me demande bien à quoi j'ai servi (saynète)


Soit en monologue


Ils se sont rencontrés par une belle journée d’été. Ils se sont appréciés, séduits, aimés, et je suis né : le divin enfant.
J’étais l’enfant de l’amour, le prolongement de leur être ; j’étais leurs espoirs révélés, la réalisation de leurs désirs inachevés, la succession assurée, leur raison de vivre.
Puis ils se sont distanciés, oubliés, ignorés ; ils se sont bagarrés, déchirés.
Ils m’ont oublié, ignoré, déchiré.
Ils se sont séparés.
Et je me demande bien à quoi j’ai servi.



Soit pour deux comédiens


— Ils se sont rencontrés par une belle journée d’été. Ils se sont appréciés, séduits, aimés,

— et je suis né : le divin enfant.
J’étais l’enfant de l’amour, le prolongement de leur être ; j’étais leurs espoirs révélés, la réalisation   de leurs désirs inachevés, la succession assurée, leur raison de vivre.

— Puis ils se sont distanciés, oubliés, ignorés ; ils se sont bagarrés, déchirés.
— Ils m’ont oublié, ignoré, déchiré.
— Ils se sont séparés.

— Et je me demande bien à quoi j’ai servi.





Texte adapté de la microfiction du même titre. Consigne : En 15 mn un texte qui se termine par : «…Et je me demande bien à quoi j’ai servi »




Je me demande bien à quoi j'ai servi

Si, si, viens, on a besoin de toi.
Vous êtes sûrs, vous êtes déjà quatre, c’est suffisant.
Mais non, on ne sait jamais, et puis tu es tellement plus forte que nous !
Bon, j’arrive.
Nous voilà partis dans le vieux 4X4. Nous roulons longtemps avant d’atteindre notre destination.
Ils sortent les tronçonneuses, les haches, les scies, les caisses et ils se mettent au travail. Certains abattent les arbres, d’autres ébranchent les troncs, d’autres encore débitent le bois et remplissent les caisses.
Et moi, je les regarde faire, attendant avec impatience qu’ils aient fini.
Le ciel pâli, la nuit va bientôt arriver, alors ils décident de tout remballer et de rentrer.
Ouf ! On rentre.
Pendant le trajet de retour, je pense et me demande bien à quoi j’ai servi.








Consigne : en 15 mn, une fiction se terminant par "Et je me demande bien à quoi j'ai servi".

Subitement

Maria s’assit sur son banc préféré au jardin du Luxembourg pour regarder passer le monde. Son petit corps chétif de vieille dame démodée lui permettait de passer totalement inaperçue. Le mercredi après-midi accueillait beaucoup d’enfants. Comme à son habitude, elle les observait. Deviner leur caractère en fonction de leur comportement pour ensuite imaginer ce qu’ils deviendraient plus tard était une activité qui comblait sa curiosité et occupait ses après-midis oisifs. Elle considérait chaque enfant comme une énigme qu’il fallait résoudre. Son regard s’arrêta sur un petit garçon qui l’intriguait. Il tenait à la main un bâton qu’il agitait gracieusement en tous sens. « Ah ! Voilà notre chef d’orchestre », pensa-t-elle. Le petit garçon, conscient du regard de la vieille dame sur lui, s’approcha et, subitement, pointa le bâton sur elle en s’écriant : « Bang, bang, je t’ai tué ! ». Subitement, le chef d’orchestre s’était envolé.





Consigne : écrire une micro fiction de 8 lignes avec le titre : subitement

Subitement

"Peux-tu expliquer à l’assistance les processus que tu as mis en place pour créer ? Tu interviens dans dix minutes !!!"
Merci du cadeau. Encore un coup du hasard ou du destin ? Par quoi commencer ? Comment dire l’essentiel ? Comment partager mon histoire ? Qui m’a guidé ?
Je regarde derrière, mon passé enfoui, je creuse dans mon moi, Je me dénude. Je visualise chaque couche de ma vie, tel un diaporama avec ses couleurs, ses odeurs, rien n’est érodé. J’exhume mon passé.
"C’est à toi !"
Je prends le micro, je tremble, "raconte ma belle, raconte, dis-leur comment tu as tricoté maille après maille pour créer ton ouvrage." Mon cœur, avec ses tocs tocs lancinants, fait s’écouler l’amour dans tout mon être. Subitement les mots jaillissent.




Micro fiction titre « subitement » 8 lignes




Si tu me disais exactement

- Si tu me disais exactement pourquoi on est là et où l’on va ?
- C’est une surprise !
- Cela ne me dit rien de bon.
- Attends un peu… ne sois pas si impatiente !
- Mais j’ai bien d’autres choses à faire que de te suivre dans tes délires.
- Allez viens, détends-toi et tu verras que tu ne seras pas déçue.
- La dernière fois que tu as voulu me faire une surprise on s’est retrouvés au poste de police.
- Oh ! c’était trop drôle ! Tu aurais dû voir ta tête devant les policiers !
- Oui peut être mais tu n’étais pas mieux que moi.
- Bon, ferme les yeux, on est arrivés.
- Aïe, aïe, aïe… j’ai un peu peur…
-Talala ! Ouvre les yeux !
- Wouah ! C’est nul !
- Mais attends tu n’as pas tout vu...



Dialogue pour 2 personnages commençant par "si tu me disais exactement"

La drague

Un homme et une femme attendent devant l’arrêt de bus. La femme se trouve devant lui et lui tourne le dos.

Lui (il la regarde un instant, admiratif, puis se lance) : Bon, voilà qu’il pleut…
Elle (se retourne, étonnée) : Pas très original pour une entrée en matière !
Lui : Désolé, je n’ai rien trouvé de mieux et puis quand on ne sait pas à qui on a affaire on reste prudent… Mais je peux mieux faire.
Elle (après un temps) : Vous auriez pu dire : « Belle journée par cette nuit étoilée… »
Lui (surpris, puis il se reprend) : Ah, je vois, une originale. Reprenons depuis le début si vous le voulez bien.
Elle : Je vous écoute.
Lui (il réfléchit puis se lance) : Il pleut sous un soleil de plomb, vous ne trouvez pas ?
Elle : Mieux, beaucoup mieux. Voyons que répondre (un temps) : « Mettons-nous à l’abri en attendant l’éclaircie. »

Elle se met sous l’abri de bus. Il la suit.
Lui : Oui, très bonne idée. A quelle heure doit passer l’éclaircie ?
Elle : Vers 8h, je crois mais cela dépend du temps.
Lui : Du temps qu’il fait ou du temps qui passe ?
Elle : Des deux.
Lui : Ah, voilà notre bus, pouvons-nous continuer cette agréable discussion assis côte à côte dans le bus ?
Elle : Désolée, ce n’est pas NOTRE bus mais le vôtre, moi, je prends le prochain.


Consigne : écrire un dialogue de 10 répliques entre deux personnages qui commence par : « Bon, voilà qu’il pleut… ».





mercredi 27 novembre 2019

Une connaissance

Comme cela est contrariant !  Ma mémoire me joue encore des tours. Et ma myopie aussi qui ne fait qu’aggraver les choses.
Il est entré dans la pizzeria avec cette femme blonde à ses côtés. Ils ont dépassé notre table et se sont assis au fond à gauche, devant le comptoir.
Je connais cet homme. Mais dans quel cadre l’ai-je déjà rencontré ? Par contre, cette femme, j’en suis certaine, ce n’est pas la sienne.
Mine de rien, je les observe. Lui me tourne le dos mais je le vois parfois de profil ; j’examine sa posture, son bras droit négligemment étalé sur le dossier de la deuxième chaise. La femme, de face ; j’étudie son regard, ses mimiques. Ils ne paraissent pas en proximité, pas vraiment détendus. Des relations de travail ? Mais il est tard…
Je m’amuse de mes propres questionnements. Je suis la voyeuse qui voit flou et a la mémoire qui flanche. 
Et puis soudain tout se relâche : ils rient — et l’atmosphère entre eux devient si fluide… Juste après, ils se lèvent pour sortir du restaurant. C’est alors que l’homme croise mon regard. Je comprends qu’il m’a reconnue. J’ai envie de le rassurer : « Sois tranquille mon gars, ta femme n’en saura rien ! »
Mais qui est donc ta femme ?



Consigne : en 15 mn, une fiction où le (la) narrateur(trice) reconnaît une personne sans être capable de dire où elle l'a rencontrée la première fois.



Félix

Consigne : écrire un texte de 15 lignes. Le narrateur a perdu son chien.

 
Oh que ça fait du bien de s’étirer ! D’abord les pattes avant, en plantant mes griffes dans le tapis, puis les pattes arrière, l’une après l’autre, longuement. Mes maîtres ne savent pas faire ça et ils perdent quelque chose de très jouissif. Tant pis pour eux. En ce moment ils sont complètement affolés car ils ont perdu Elliot, un détestable compagnon qu’ils ont osé m’imposer après trois ans de bons et loyaux services. Avant Elliot, je régnais en maître à la maison. Ils m’adoraient tous, j’étais câliné et gâté. Lorsque ce gros lard est arrivé, j’ai dû accepter de partager sa compagnie et ses jeux puérils. Quelle galère ! Il est devenu le centre d’attraction. Ce n’est pas juste. De plus, il ne parle pas mon langage et aboie à me casser les oreilles ! Je pense qu’il est un peu bête, sans jeu de mots. Moi, j’espère que sa disparition va changer la donne et que je vais retrouver un peu de mes faveurs d’antan. Ah, retrouver les caresses de Caroline, confortablement lové sur ses genoux sans que le monstre ne se jette sur elle en lui léchant la figure. Retrouver les jeux de Stéphanie avec sa pelote de laine. Écouter avec délectation les compliments sur ma personne : « Regarde comme il est beau notre petit Félix ! ». Bref, j’espère bien ne jamais le revoir cet abruti d’Elliot ! Entre-nous, mes maîtres ne sont pas très malins. Ils n’ont rien remarqué, mais moi, je sais reconnaître un chien quand il est amoureux ! Ce pauvre Elliot n’échappe pas à la règle et j’ai ma petite idée où le trouver mais je me garderai bien de leur en parler.



Bon, voilà qu'il pleut

Consigne : une saynète de 30 secondes pour deux personnages commençant par "Bon, voilà qu'il pleut".




- Bon, voilà qu’il pleut.

- Je n’ai encore senti aucune goutte

- Moi non plus, mais je le vois au loin.

- Chut ! Retiens ta langue ! Ignorerais-tu qu’il est dangereux de s’exprimer ainsi en ville ?

- Contempler le ciel ne devrait pas être un délit ! Contempler le ciel est un délit passible de la peine capitale ! Et pourquoi t’emparer d’un privilège destiné à Macron Ier ? Contempler le ciel c’est contempler la grandeur de l’Univers, lui seul le peut. Ta soif de pouvoir te perdra !

- Ton idolâtrie te perdra ! Ce régime me force à effectuer un sacrifice auquel je n’ai pas consenti. Mais vois-tu, je n’ai pas oublié que contempler le ciel est une subsistance primaire pour l'âme.

Cela dit, elle s’en va. Son interlocuteur la regarde partir en haussant les épaules.

- Ma foi, elle s’est prise pour Antigone.
 
 
 

lundi 25 novembre 2019

Eparpillement

Consigne : Un texte de 8 lignes intitulé Éparpillement (l'autrice ayant choisi la forme saynète, le texte entre dans la série de saynètes "Tranche de vie").



Dans le réfectoire, Miss Balayette avec la brosse du balai regardant le ciel, et Miss Marmiton avec une louche appuyée sur son front.
MISS BALAYETTE : Les sacripants ! Regarde mon balai, les haricots rouges collés sur ses poils le fait ressembler à un buisson de houx.
MISS MARMITON : Nom d’une pipe, ils ont pris mon chili con carne pour des grenades.
MISS BALAYETTE : Ils ont malaxé ton plat en fabrication ciment, les gâchées ont même atterri sur mes vitres.
MISS MARMITON : Ils sont complètement fous ces ados, quand on me cherche, on me trouve. Ils veulent bouffer léger, ils auront la plume dans l’assiette. Ma pauvre je te plains : comment vas-tu te sortir de ce chantier ?
MISS BALAYETTE : T’inquiète, je fais comme les tontons flingueurs : « j’éparpille par petits bouts façon puzzle, je dynamite, je disperse, je ventile. »

Rien à craindre

Consigne : écrire un texte intitulé "Rien à craindre".

 


Ce jour là, Thierry guide la créature dans le village. Mi énorme salamandre, mi laideron de crapaud, elle le suit telle une oie apprivoisée. Il faut reconnaître que c'est un sacré exploit, elle a des qualités uniques d'obéissance, de reconnaissance et je dirai même de fierté. Pour passer les rue étroites elle pousse les curieux tant ses ailes de douze mètres ressemblant à celle de la chauve-souris sont immenses. Les enfants jubilent et ne sont même pas surpris par ce bruit effrayant qu'elle fait en se déplaçant. Les adultes sont plus inquiets.
"Ça nous fait flipper, l'on voit des choses bizarres dans sa propriété, des éprouvettes, des cuves, l'autre jour il parlait même de molécules", disent les voisins.
La créature est juste là, au milieu des gens et c'est là que tout change. Elle déploie et agite ses immenses ailes qui retombent lamentablement. Le vol s'avère sans succès et l'on devine même une infirmité de son aile gauche. Les enfants se moquent. Honteuse elle se carapate en furie, balayant tout sur son passage.
"Tous aux abris", s'écrient les gens qui décampent paniqués.
Thierry leur lance en rigolant "Rien à craindre, j'ai la télécommande."




samedi 23 novembre 2019

Subitement

Consigne : un texte de 8 lignes intitulé Subitement.



Ce n’était pas une idée qui avait germé tranquillement dans l’esprit de Clara. Plutôt une vision apparue quasi subitement lors d’une visite au rayon de produits d’hygiène du supermarché. Des années que Clara vivotait entre les petits boulots et les indemnités chômage. La conseillère de Pôle Emploi qui venait des ASSEDIC, avait été formée « à l’arrache » à la recherche d’emploi. Elle avait simplement vérifié que la demande entrait bien dans le nouveau dispositif. Peu importa qu’il n’y ait pas eu d’étude de marché ; la région n’avait-elle pas son quota de fabriques avec La Seyne, Bormes, Seillans ? Dans tous les cas, Clara aurait fait fi de ces considérations. Elle avait décidé : « Finie la galère, je serai savonnière ! » 




Eparpillement

Consigne : un texte de 8 lignes intitulé Eparpillement.




Le revêtement de la chaussée était rendu glissant par une pluie fugace.
La semelle de ses baskets usés n’adhérait plus. Elle a chuté, les bras en avant.
Son sac s’est ouvert, dispersant tout en vrac : son porte maison, ses clés de conduite, son téléphone monnaie, ses cartes portables de poche, un roman d’Amma la grande mère, son permis bleu et gris, un tube de granules dans du papier doré, une photo islandaise, son miroir à lèvres, un carré de chocolat Ignatia 15CH, son rouge vital.
Elle s’est relevée, a considéré le puzzle.
Elle a toujours aimé les casse-tête chinois.





vendredi 22 novembre 2019

Qi-Gong

Consigne : texte libre de 15 à 20 lignes.




Elle se tient debout les pieds nus joints, le regard droit devant elle. Elle se concentre sur sa respiration qui peu à peu s’apaise. Elle reste quelques instants parfaitement immobile pour faire le vide et profiter de l’instant présent. Puis, elle soulève légèrement le pied gauche pour le positionner doucement bien à plat dans un écartement qui fait la largeur de ses épaules. Elle rééquilibre son poids sur ses deux jambes, les genoux légèrement pliés. Elle ressent petit à petit le contact des orteils, de la plante du pied et du talon avec le sol. Elle imagine des racines qui la relient à la terre et la transforme en arbre. Elle est ancrée. Sa concentration s’amplifie sur sa respiration. Son regard devient vague, intériorisé. L’enchaînement peut commencer. Elle inspire profondément bras le long du corps, le poids du corps légèrement reporté sur les orteils, puis en expirant le poids du corps revient sur ses talons. En même temps, les bras se lèvent doucement jusqu’à la hauteur du buste, coudes légèrement pliés, paumes des mains ouvertes, offertes au ciel. En inspirant à nouveau, elle retourne les mains et écarte les bras en croix sur les côtés. Une autre expiration et les bras redescendent lentement sur les côtés dans un mouvement ample, comme un oiseau qui plie ses ailes. Les gestes sont lents, précis. C’est la respiration qui gouverne l’impulsion et qui donne à l’ensemble cette impression de légèreté. L’enchaînement qui se poursuit est formé de plusieurs figures différentes qui se répètent chacune trois fois. Le corps, l’esprit et la concentration forment un tout qui donne aux mouvements grâce et élégance. Elle se sent bien, à l’écoute de son corps et l’esprit libre de toutes pensées perturbatrices. Comme dans un rêve, la beauté du geste et du corps s’allie pour libérer le Qi, cette énergie intérieure qui nous maintient en vie.
 
 
 

Eparpillement


Dans le petit village de Saint-Pierre, les histoires se répandaient comme une trainée de poudre et devenaient des mythes ruraux. Pour leurs voisins, ç'en était trop ! Ils mirent tout en œuvre pour délocaliser le petit village. Les municipalités les plus prospères firent chanter une société immobilière dépendante de leur économie. Ainsi, Saint-Pierre fût reconstruite loin de là, dans le désert. C'était donnant-donnant pour les Saint-Pierrois : ils gagnèrent des infrastructures modernes et des aménagements urbains très exubérants pour une population d’à peine quatre cents habitants. Mais la nuit, les oreilles aguerries des Saint-Pierrois saisissent les histoires de leurs anciens voisins et ne manquent pas de les éparpiller pareil au vent qui souffle dans le sable de leur désert.





Consigne en atelier : Écrire un texte de 8 lignes intitulé Éparpillement



jeudi 21 novembre 2019

Si tu me disais exactement

— Si tu me disais exactement…
— Je n’arrive pas moi-même à comprendre ce qui s’est passé.
— Tu te moques de moi ?
— J’ai cru que j’y arriverais seule.
— De quoi parles-tu ?
— Que j’arriverais seule à démêler l’écheveau.
— Pourquoi ne pas m’avoir sollicité ?
— J’ai fait un rêve. Je devais aller droit au but, seule. Je ne pouvais pas faire autrement.
— Et maintenant qui va payer la note ?

*

— Et maintenant qui va payer la note ?
— Ne me culpabilise pas.
— Je m’inquiète simplement des conséquences de tes actes.
— Tu n’as pas cherché à savoir…
— Ne retourne pas la situation.
— De toutes façons ainsi nous serons quittes.
— Que veux-tu dire par là ?
— Que tu as une dette envers moi.

*

— Tu as une dette envers moi.
— Ça y est : « le cadavre dans le placard » !
— Ce n’est pas un cadavre.
— Accouche !
— Toujours le mot juste…
— Excuse-moi, je ne voulais pas…
— Non, tu ne voulais pas cet enfant et maintenant c’est trop tard pour moi.
— Tu l’estimes à combien ?
— Le prix de ma vacuité.




Consigne : un dialogue de quelques répliques commençant par "Si tu me disais exactement" (utilisable pour la série de saynètes "Tranche de vie") - l'autrice a écrit deux autres scènes, faisant suite à la première.







lundi 18 novembre 2019

Eparpillement

Consigne : une microfiction de 8 lignes intitulée "Éparpillement".



Prudemment à quatre pattes, il traque dans le faisceau lumineux de sa lampe frontale , tout écrou, boulon, rondelle, vis, ce maudit arsenal éparpillé aux quatre coins du salon ! Il les a bien comptés sur la notice écrite en chinois, ce ne sont pas moins de cinquante six éléments qui, lorsque sa main a malencontreusement lâché leur pochette d’emballage, ont chuté, roulé, rebondi dans une diabolique chorégraphie. Il a promis. Hélène la retrouvera ce soir à son retour, enfin montée, sa petite bibliothèque livrée en kit, depuis plus d’un mois ! Une idée géniale traverse son esprit : l’aspirateur ! Les piéger, tous, ce sera bien plus simple ensuite de vider le sac, de les récupérer, asphyxiés par les moutons de poussière !

vendredi 15 novembre 2019

Histoire d'un chien perdu

Consigne : 15 lignes tapuscrites – thème : chien perdu.


"C’est pourquoi, Madame ?
- Mon chien, il a disparu."

L’officier de police est aussi peu avenant que son sinistre commissariat.
"Nous ne traitons pas ce type de problème. Ici nous nous occupons des personnes, pas des animaux.
- Mais on m’a volé Toscane.
- Volé, ou disparu, ce n’est pas pareil.
- Volé ! Il y a dix minutes, et forcément je ne sais plus où elle est, elle a disparu.
- Je vais enregistrer votre plainte. Je vous écoute
- Je sortais Toscane, ma chienne de trois mois, comme tous les jours.
- Quelle race ?
- Dog argentin
- Chien de catégorie 1, en laisse ? Muselé ?
- Non, c’est un chiot !
- Ça s’est passé où ?
- Près de l’aire de jeux
- Là ou il y a le panneau "chiens interdits" ?
- Surtout là ou il y a tous les petits choufs, vous savez !
- Ensuite.
- J’ai lancé la balle à Toscane, elle s’est mise à courir, les gosses l’on attrapée et sont montés avec elle à bord d’une voiture qui passait à ce moment là.
- Si elle avait été tenue en laisse, ça ne serait pas arrivé !
- Monsieur l’agent, ils sont capables de la vendre, je vous en supplie faites quelque chose !"
Le policier s’est levé. Il saisit un document que l’imprimante à jet d’encre vient de cracher dans un bruit de gallinacée que l’on égorge. Il le tend à la plaignante
"C’est mon dépôt de plainte ?
- Non, c’est votre PV pour double infraction : non respect des règles concernant les espèces canines de catégorie 1, et non respect des espaces publics." Vous avez un mois pour le régler !







La dernière personne

Consigne : un texte de 15 lignes intitulé "La dernière personne".



Voilà cinq heures qu’ils sont sous l’eau. Les marins pompiers sont arrivés en zodiaque après mon appel. Ils me questionnent :
- A quel endroit les avez-vous quittés précisément ? Étaient-ils toujours en cordée ?
- Je les ai laissés lorsqu'ils s’enfonçaient toujours en cordée dans un gros rocher aux formes bizarres, près des îlots du Rascas. Le rocher a semblé se refermer derrière eux.
Plongeurs et sauveteurs brevetés, sur l’ordre du commandant, plongent à la recherche de mes amis. Le commandant, tout en suivant les opérations, me demande le déroulement de notre randonnée palmée.
- Nous déambulions au-dessus de la prairie d’herbiers de posidonies, là où le poulpe relâché pianote sur le rocher rouquin. Puis le rambou avec le sar rappeur nous ont rejoints, rattrapés par le ballet hip-hop de girelles jaunes striées de bleu. Les hippocampes trompetant avec leurs longs nez nous ont dirigés sur un air de salsa vers un chœur de castagnoles qui nous a poussés vers les profondeurs. Envoûtés par ce curieux chant nous avons suivi un mérou brun qui nous a acheminés à l’aplomb d’une structure rocheuse venue d’un autre monde. Là, j’avais des maux de sinus et d'oreilles insupportables, je suffoquais, je faisais des signes sans succès à mes amis, je me suis détachée de la cordée et je suis remontée à la surface.
- Quelle surprenante randonnée ! avez-vous rencontré d'autres plongeurs durant votre chimérique plongée ?
- Commandant, je vous assure que je n’ai pas fumé un joint, mais Poséidon avec son trident est la dernière personne que j’ai vue.





mardi 12 novembre 2019

Bon, voilà qu'il pleut

Consigne : saynète de 30 à 45 secondes commençant par "Bon, voilà qu'il pleut".




- Bon, voilà qu’il pleut !

- Pourtant je t’avais prévenue.

- Oui mais à la télé, la météo disait qu’il ne pleuvrait que dans la soirée.

- Tu vois, ils se trompent, alors que moi...

- Bon, c’est pas tout, aide moi plutôt à tout rentrer, ça craint si les tapis prennent la pluie.

- Et si c’était moi qui ne t’écoutait pas, tu en dirais quoi ?

- Excuse-moi mais j’ai tendance à faire confiance aux scientifiques.

- Tu as tort, tu vois bien.

- Bon alors explique-moi, qu’est-ce qui te permet de savoir mieux qu’eux ?

- Beaucoup de choses indescriptibles et surtout le chant du pic vert.

- Le pic vert, c’est quoi cette histoire ?

- C’est un oiseau qui ne chante que lorsque la pluie est toute proche de tomber, et crois-moi je l’avais bien entendu.

- Oui, mais comment le reconnaître ton pic vert ?

- Ben voilà, c’est là toute la subtilité, moi je le reconnais parce que justement je le connais.

- Mais tu le connais d’où ?

- Ah, ça commence à t’intéresser mais tu vois je ne suis pas certain que je vais t ‘initier à cette connaissance.

- Sympa, et pourquoi ?

- Tu n’écoutes déjà pas quand je te parle, j’ai bien des doutes sur ta capacité à tendre l’oreille pour un chant d’oiseau !

- Tu veux bien m'aider quand même s’il te plaît ?








lundi 11 novembre 2019

La dernière personne

Consigne : écrire un texte intitulé La dernière personne.

« Tu es tout chétif, arbore à toute heure un teint grisâtre et des yeux ternes, tu es dépourvu de charisme et évoques la maladresse. Nul n’est jamais impressionné en ta présence : pour les milieux que tu fréquentes, tu demeures très souvent un quidam et retenir ton nom est une tâche ardue. Ta démarche dégingandée évoque un bagnard traînant un boulet de huit kilos à sa cheville. Quelques fois, tu contemples ce boulet et admires la vitesse à laquelle le poids s’y est accumulé. Cette vieille chaîne qui te détient, s’est rouillée jusque dans tes os. Ta moelle est infectée par l’amertume. » 

Charles se détacha du miroir et porta une main à son front pour pousser un long soupir, ses traits se défirent du dégoût qu’il avait adressé à son reflet. Le jeune homme était exténué, alors il entreprit de rester étendu dans son lit. Son esprit recherchait ce qui avait pu provoquer son sentiment d'invalidité et ce qui l'empêchait de se surpasser. Il regarda ses mains et les imagina articulées d’un métal oxydé. Il devait y avoir encore matière à faire. Peut-être qu’en graissant sa vieille chaîne, il pourrait l’utiliser. 

Il s’endormit et vit en songe une île paradisiaque, qu’il parcourait sur un gravel, un vélo hybride qui avait été conçu entre le VTT et le vélo de route ; il y avait longtemps qu’il en voulait un. Un passant l’interpella : « Bienvenue chez vous à Lemnos, mon cher Hephaïstos ! Il serait bon que vous passiez à votre atelier pour vous forger de nouvelles chaînes, celles-ci ne tiendront pas longtemps la route. » Charles s’éveilla et constata qu'il avait pris une décision : il en avait assez d’être un looser, la dernière personne dans tous les domaines. Tant pis pour la compétition, il avait son propre chemin à parcourir et ce serait à vélo. 

samedi 9 novembre 2019

Bon, voilà qu'il pleut

Consigne : saynète de 30 secondes, deux personnages.


 
LUI (prés de la fenêtre). Bon, voilà qu'il pleut. C'est râpé pour le pique-nique, qu'est-ce qu'on va bien pouvoir faire ?
ELLE (en aparté). Moi je sais ce que je vais faire... une bonne petite séance de vidéo sous la couette.

Il se retourne.

LUI. Qu'est ce que tu dis ?
ELLE. Oh rien ! Ce n'est peut être qu'une petite averse.
LUI. Mais non, regarde le ciel, ça va virer à l'orage. C'est pas de chance, pour une fois que tu acceptais de sortir avec mes copains.
ELLE. Ok, tu ne vas pas en faire un drame. Avec tout ce qu'il y a à faire dans la maison, tu as de quoi t'occuper.
LUI. Hum... je crois que j'ai un idée bien plus sympa pour s'occuper. (Elle l'interroge du regard.) Si on allait tous les deux sous la couette ? Qu'en dis-tu ?
ELLE (en souriant). Mais il n'est que 11 heures !
LUI. Et alors ? Il n'y a pas d'heure pour les câlins.

Il la prend par la taille et l'entraîne vers la chambre. Elle se dérobe.

ELLE (avec un petit sourire malicieux). Si on allait déjeuner chez ma mère ?
LUI. Oh non ! Pas encore ! On y était la semaine dernière !
ELLE. Eh bien, allons chez la tienne!
LUI. Je préfère encore finir la peinture du couloir !

Et il sort en claquant la porte.



samedi 2 novembre 2019

Isabelle s'ennuie (saynète)

2 personnages : Yves, la quarantaine, Isabelle qui paraît avoir 22-23 ans.
Yves rentre dans son appartement où l'attend Isabelle. Il s'assied sur une chaise, face à la table. Isabelle pose le plat sur la table, tire une chaise et s'assied à son tour. Yves mange bruyamment tandis qu'Isabelle le regarde fixement.
                           Isabelle :
Tu n'as rien à me dire?
                           Yves :
Crunch, si, les pommes de terre sont fondantes mais le rosbif est un poil trop cuit, le cœur devrait être un peu plus rouge et moins rose.
                        Isabelle :
Mille excuses votre altesse, ça ne se reproduira plus. Entre deux bouchées, ne pourrais tu pas me parler ?
                        Yves (il boit) :
Aaah, bon de quoi veux tu que nous parlions ?
                       Isabelle :
Du fait que je suis enfermée ici toute la journée. Je ne vois l'extérieur qu'à travers les vitres des fenêtres. Je m'ennuie, JE M'EMMERDE.
                       Yves :
À t'entendre, on croirait que tu es retenue captive !
                         Isabelle :
Oui, je suis ta captive, une captive qui fait le ménage dans sa propre cage et qui prépare les repas pour son seigneur et maître.
                       Yves (il boit une nouvelle gorgée) :
Pas mauvais ce Bergerac rouge. À t'écouter, tu ne serais que ma bonne.
                        Isabelle :
Ta "bonne", c'est cela, tu as trouvé le mot juste. La prochaine fois que tu feras les courses, achète-moi donc une tenue de soubrette, comme ça je serai vêtue, et pour les corvées ménagères, et pour les fantaisies érotiques.
                      Yves :
Tu me fatigues. Que veux tu à la fin?
                       Isabelle :
Me promener. Accompagne-moi, sors-moi, s'il te plait, s'il te plait, s'il te plait ! (elle est toute excitée).
                       Yves (imperturbable) :
Ce n'est pas possible. N'insiste pas. Qu'y a t il pour le dessert. Rassure-moi, tu as bien prévu un dessert ?
                       Isabelle (désappointée) :
Oui, des choux à la crème.
                      Yves (enthousiaste) :
Très bien. Puisque tu es debout, tu veux bien m'apporter le dessert ainsi que le plateau de fromages, mon sucre d'orge.
                       Isabelle (elle revient de la cuisine, elle pose, sur la table, fromages et dessert) :
Ce sera tout ? Sa majesté ne voudrait pas un Irish coffee pour faire glisser le tout ?
                        Yves :
Très bonne idée ! Si tu pouvais m'en préparer un, ce serait le top.
Isabelle débarrasse la table des restes du rosbif et des pommes de terre.
                             Yves (en aparté) :
Ah, Isabelle, tu es une perle.
Isabelle revient de la cuisine avec un verre rempli d'un liquide surmonté d'un nuage de crème et le pose sur la table.
                            Yves (il en boit une gorgée) :
Impeccable, ni trop sucré, ni trop peu sucré.
Il termine son verre.
                               Isabelle (déçue par son attitude) :
As tu fini ton repas?
                               Yves (repu) :
Oui. À part la cuisson du rosbif, c'était parfait.
Pendant qu'elle débarrasse la table puis se dirige vers la cuisine, Yves quitte sa chaise pour s'assoir sur le canapé. D'une pression du doigt sur la télécommande, il allume la télévision. Isabelle revient de la cuisine.
                                Yves :
Viens t'asseoir à côté de moi, ma petite biche.
Isabelle s'assied à côté de lui. Il lui pose la dextre sur la cuisse et tente de l'embrasser dans le cou.
                              Isabelle (qui le repousse) :
Pas question ! Si tu veux m'embrasser, ce sera tout d'abord promenade romantique et dîner au restaurant.
    .                          Yves :
La promenade et le dîner, renonces-y, ma fauvette. Les lieux publics sont interdits aux androïdes domestiques.
                              Isabelle (elle l'empêche de se coller à elle) :
- Interdits ou non, débrouille-toi. Pas de sorties, pas de câlins. Je suis une androïde, comme tu aimes à me le rappeler, et non une bonne poire.