Présentation

L’Atelier d’écriture de Solliès-Pont a commencé en septembre 2018 à l’initiative de Tristan Choisel, auteur de théâtre et de chansons. Pourquoi ? Pour s’initier à l’écriture de formes brèves (nouvelles, saynètes…), pour perfectionner son style ou pour simplement explorer son potentiel créatif. Nous sommes sept à partager nos textes dans la bienveillance, un peu d’humour et toujours avec beaucoup de plaisir. L’association « L’Atelier de Solliès-Pont » abrite cette initiative et vous pouvez nous rejoindre si, comme nous, vous avez l’âme d’un écrivain amateur.

Ce blog est la mémoire de notre travail. Il sert à mettre en lumière quelques-uns de nos textes. Enfin, il permet de communiquer entre nous plus facilement.

jeudi 21 décembre 2023

Comment gaspiller son temps

 

Qu’est ce que je fais encore avec lui. A quoi ressemble mon existence depuis que je le connais ? J’ai tiré un trait sur toute vie sociale, je refuse sorties et invitations de peur de rater une occasion de le retrouver. Je m’isole. Il m’isole. Je suis entravée, je perds ma liberté petit à petit, je deviens une femme de l’ombre.

Ce soir encore il m'a dit qu’il ne savait pas s’il allait pouvoir venir.  Alors une nouvelle fois j’attends fébrilement, seule chez moi, attentive à la moindre vibration de mon portable, guettant ses SMS. Je m’en veux de lui être aussi soumise. 

Il y a quelque temps il m’a même promis une escapade amoureuse sur les côtes normandes. Je l’attends encore.

Bien sûr il me dit qu’il n’aime plus sa femme, qu’il ne peut pas vivre sans moi, que je suis sa bouffée d’oxygène, qu’on va trouver une solution pour que cette situation soit moins pesante pour moi. Cela fait déjà six mois au moins et j’attends toujours.

Je ne devrais pas me plaindre ainsi puisqu’il m’a prévenue dès le début de notre histoire : il est marié et père de famille. Je savais très bien dans quoi je m’embarquais.

Oui mais voilà ce soir je réalise enfin que je ne veux plus vivre comme ça. Je gaspille mon temps et ma vie avec lui. Il faut que j’aie le courage de lui dire que notre histoire est finie. J’attends le bon moment...

Et puis non, une bonne fois pour toute rayer le verbe « attendre » de mon existence, je l’appelle tout de suite comme ça le problème sera réglé.

Zut il est sur répondeur….



Martine F

Consigne : Titre "Comment gaspiller son temps"

Mauvais accueil

 

C’est décidé aujourd’hui je vais voir mon voisin, le propriétaire de ce foutu gallinacé.  

-          - Bonjour, je suis votre nouvelle voisine. Je voudrais vous parler d’un petit désagrément qui me gâche la vie. Je suis venue m’installer à la campagne pour y trouver le repos et le silence loin des bruits de la ville, et tous les matins je suis réveillée dès l’aube par le chant de votre coq.

-          - Ah ! et alors il chante pas bien mon coq !!

-         -  Là n’est pas la question, ne vous moquez pas de moi s’il vous plait. Votre poulailler est presque sous mes fenêtres ; aussi peut-être pourriez-vous le déplacer de l’autre côté de votre terrain ou alors enfermer votre bestiole le soir dans une pièce noire, que sais-je moi. Comprenez bien qu’il y va de ma santé tout de même.

-          - Vous savez ma petite dame, ici vous êtes à la campagne. Les gens et les animaux qui y vivent ont toujours fait bon ménage. Ce n’est pas de ma faute si vous les gens de la ville vous vous faites de fausses idées. Mon coq était là bien avant vous, il fait tout simplement son boulot en chantant ainsi de bon matin. Je suis désolé mais je ne changerai rien à rien. Vous verrez vous finirez peut-être pas vous y habituer. Ou essayez les boules Quies !!! Sinon retournez donc à la ville retrouver ses bruits sans doute moins agressifs pour vos oreilles sensibles. Sur ce au revoir Madame, j’ai bien d'autres chats à fouetter.  

Q   Quel mufle ! Il a de la chance que je sois végétarienne, sinon son coq je l’aurais volontiers bouffé avec une bonne sauce au vin !



      Martine F

C   Consigne : Thème : Un mauvais accueil

M









samedi 16 décembre 2023

La mal aimée

Comme chaque année nous arrivons chez mes parents pour fêter Noël, les bras chargés de cadeaux.

Les enfants sont impatients de retrouver leurs cousins pour partager des jeux, des fou-rires. C’est une parenthèse appréciée dans la vie de tous les jours.

Comme chaque année nous sommes les premiers. C’est toujours ma mère qui ouvre, et ce sont toujours les mêmes mots : « ah ! c’est vous ! vous êtes déjà là, on ne vous attendait pas si tôt. » Pas de sourire, pas d’embrassades. On a beau être habitués, c’est toujours un choc. Heureusement mon père est plus chaleureux, je me plais alors à penser qu’on est les bienvenus !

Comme chaque année en revanche, quand mon jeune frère arrive avec femme et enfants, ma mère se précipite pour ouvrir. Car c’est lui qu’elle attendait. Elle rayonne ! Elle lui reproche presque de ne pas être arrivé plus tôt ! Elle l’embrasse, le serre dans ses bras, a un petit mot gentil pour chacun de ses petits-enfants.

Alors, comme chaque année, je me dis que c’est bien la dernière fois que je viens, que je vis cette frustration, ce sentiment d’être la mal-aimée, et, je dois l’avouer, la jalousie. Mais comme chaque année, pour faire plaisir à mes enfants, je reviens.

J’imagine parfois que, peut-être déjà à ma naissance, ma mère a murmuré « je ne t’attendais pas, toi."
 
 
Anne
 
Consigne : thème : mauvais accueil

jeudi 14 décembre 2023

Un mauvais accueil

           C’était la première fois qu’Amélie remettait les pieds dans le Sud de la France, depuis son départ précipité vers l’Angleterre, il y a dix ans.

Pourtant, ce n’était pas faute d’avoir essayé. Mais à chaque tentative de retour, elle trouvait un prétexte pour ne pas partir. 


Une fois, elle avait même réservé un vol Direct « Londres Gatwick / Marseille Marignane » et s’était rendue jusqu’à l’aéroport. Dans la salle d’embarquement, des éclats de voix avaient attiré son attention. Un couple se disputait avec virulence sous le regard triste de leur petite fille, une jolie blondinette tout juste en âge de marcher. 

Alors elle avait fait demi-tour. D’abord en marchant lentement, pour se donner une chance de changer d’avis. Mais lorsque dans le haut parleur, elle entendit son nom, dernier appel, dernière chance de partir, elle s’était mise à courir d’une traite jusqu’à sa voiture. Là, dans ce parking de Gatwick qu’elle connaissait par coeur, elle avait pleuré à chaudes larmes, sur le capot de sa BMW, son bagage Vuitton jeté par terre, piètre spectacle d’une sublime Businesss Woman trentenaire en manteau de laine Saint Laurent.


Mais aujourd’hui elle avait réussi à le prendre cet avion. Elle atterrit à Orly et héla un taxi en direction de la gare de Lyon. Ensuite, elle monta dans un TGV pour se rendre à Nice, la Ville de son enfance. Elle fit l’effort de ne pas penser et de focaliser son attention sur le paysage fantomatique qui défilait à toute vitesse sous ses yeux.


Quelques heures plus tard, une voix annonçant le TGV en gare de Nice la tira de ses rêveries. Sur le quai bondé, un père Noêl dont la hotte débordait de bonbons agitait sa clochette en tonitruant d’une voix enjouée des « HOHOHO » pour le plus grand bonheur des jeunes enfants en âge d’y croire encore.


Sa fille à elle n’y croyait sans doute plus. Elle allait avoir dix ans le 24 décembre. Célia…, sa fille unique… elle ne l’avait jamais revue.


Un mois après sa naissance, Amélie avait fuit à Horsham, petit village dans le Sussex, au Sud de Londres, pour fabriquer des sculptures dans un atelier de design, abandonnant Célia à ses grands-parents sans explication.


Lorsqu’elle était tombée enceinte, elle avait inventé une histoire rocambolesque d’un amour interdit avec un jeune aristocrate qui ne l’épouserait jamais. Ses parents étaient furieux mais l’avaient obligé à garder cet enfant puisque le Seigneur lui avait envoyé. A 20 ans à peine, elle n’avait pas eu le courage de s’opposer à leur volonté. Comment leur dire qu’elle avait été violée par son oncle Albert, ce frère si charismatique dont son père ne tarissait pas d’éloges ? Alors elle était partie, hébergée chez ses amis rencontrés lors d’un worskshop de design à Paris, pendant ses études artistiques. Nourrie et logée contre un emploi de créations de sculptures, elle avait tentée d’oublier en se jetant à corps perdu dans son travail. Au fil du temps elle était devenu une sculptrice reconnue, non seulement au Royaume-Uni mais également dans le monde entier.


Depuis dix ans, un détective français qu’elle avait engagé lui envoyait chaque mois des photos et des nouvelles de sa fille et de sa famille. Le mois dernier, il lui avait appris que son oncle venait de décéder. Alors elle sut qu’elle pouvait rentrer. Rien ne pourrait excuser son absence et son silence mais elle leur dirait la vérité. Elle était prête… Prête à affronter leur mauvais accueil… Prête à affronter leurs reproches… S’ils l’aimaient, ils comprendraient. Elles, elle les aimait avec force depuis toujours et elle osait espérer que sa fille voudrait bien lui pardonner sa longue absence, peut-être même venir vivre avec elle à Londres. 


Elle croyait fermement aux Miracles de Noël !!!


Michèle


Consigne : un texte dont le titre est "Un mauvais accueil"

mardi 12 décembre 2023

La rumeur

 

        
- Tu sais Paul je ne comprends pas pourquoi ils ne me croient pas là-haut à la Direction. Je leur ai dit que les bruits qui courent sur moi sont totalement infondés, qu’ils doivent me croire sur parole puisque je ne peux en apporter la preuve. Malheureusement j’ai bien senti qu’ils doutaient de ma sincérité. Et cette rumeur qui s’amplifie de jour en jour. Quand je passe dans les couloirs je vois bien les sourires de convenance. Je sens les regards appuyés dans mon dos. Je n’y comprends vraiment rien. Je me demande qui est à l’origine de ça ; j’ai bien ma petite idée mais je n’ai encore aucune preuve. Tu vois ce qui me sidère c’est que mes plus proches collègues puissent croire à une chose pareille ; ils me connaissent bien ; chacun sait que je suis bien incapable de faire ce dont on m’accuse quand même. Cette situation m’obsède, je n’en dors plus la nuit, je suis totalement épuisé. Ma femme n’arrête pas de me dire que ça va passer comme c’est venu, que c’est le lot des rumeurs. Elle n’a absolument pas conscience de la gravité de ma situation, c’est tout de même mon honneur qui est en jeu. J’ai l’impression que personne ne peut me comprendre. Même toi qui est mon ami. D’ailleurs là maintenant, je te sens sceptique. Alors toi non plus tu ne me croirais pas ? Pourtant je peux t’assurer que tout n’est que mensonge.

 - Que tu dis.


Martine F

Consigne : titre : Que tu dis (l'animateur a suggéré, à la lecture du texte, que l'autrice mette un autre titre)





lundi 11 décembre 2023

Lorsque les rêves se délitent

Eh oui, j’en avais rêvé depuis l’enfance. Et le propre des rêves c’est de vouloir se réaliser. Mais le souffle de la vie et des années délitent les rêves. Pourtant, ils reviennent, s’accrochent, persistent pour se concrétiser, comme une incessante mélodie. Cette petite musique me berça longtemps.

Au tout début, ce fut sur le vieux piano désaccordé. Il vivait paisiblement près de la voiture de mon père dans le garage. Je pianotais en compagnie d’une vieille Méthode Rose dénichée aux hasard de mes explorations. Oh joie ! Je jouais et chantais les petites berceuses préférées de ma maman. Mi ré do do, sol la si ou Au clair de la lune, Meunier tu dors, Frère Jacques... Docile, le piano se laissait faire. J’imaginais un début de carrière prometteur.

Un déménagement a rompu ce charme naissant. Le vieux piano ne nous a pas suivi. Notre séparation, couronnée de tristesse, laissa s’envoler mes rêves comme des nuages emportés par le vent.

Durant des années, je regardais mes mains en regrettant de ne pouvoir les poser sur les touches noires et blanches d’un piano. Ces bouts de doigts qui créaient la musique…


J’avais oublié la capacité des rêves à résister, à s’agripper.

J’ai donc pris mon courage à deux mains en prenant des cours de piano à cinquante-six ans et ce pendant six ans. Un vaste chantier nourrit de solfège, de gammes, d’exercices, de partitions. Je retrouvais même ma bonne Méthode Rose. Fidélité à l’enfant du garage.

Un travail quotidien, acharné et studieux, pour un rendu sous forme de flaque d’eau en présence de mon professeur. J’ai tenu ce que j’ai pu tenir. Plus j’avançais, plus je mesurais l’ampleur de la tâche et de mes faibles capacités.

Alors ce fut l’arrêt subit, une espèce de petite mort. Je renonçai. Face à l’étonnement de mon professeur, je ne pus que lui répondre :

« Ça ne m’amuse plus ! »






Consigne en atelier du 24/11/23 : Excipit : « Ça ne m’amuse plus »

Catherine

Promesses

Je jure qu’avant ce soir je lui téléphonerai. Je ne peux plus reculer. Cela finit par me peser. Mais j’ai beau jurer chaque jour, je me réveille le lendemain avec une gueule de bois, confus de ne pouvoir tenir mes promesses. Faut-il que j’aille à confesse pour me soulager ? Avec deux Pater et Ave maria cela devrait régler le problème.

Et demain, nouvelle gueule de bois accompagnée de nouvelles résolutions. Je jure qu’avant ce soir et patati et patata...On prend les mêmes et on recommence.

C’est sûr qu’il ne se doute pas que cela me mine. Il doit penser que je suis le dernier des salauds. Après tout, il a peut-être raison. Je sais qu’il a raison. Ce n’est pas à lui d’appeler. Mais moi, je n’y arrive pas.

Cette impuissance se lit dans mon miroir lorsque je me rase. J’ai du mal à me regarder. Le problème c’est qu’il est impossible de se raser sans se regarder. Alors je jure. Promis d’ici ce soir. Et la journée recommence à l’identique des précédentes. Je finis par avoir des poches sous les yeux. Que dis je... des valises, celles que je remplis de honte au fil des jours en ne l’appelant pas.

Mais, c’est sûr d’ici ce soir, je l’appelle !





Consigne en atelier du 01/12/23 : Incipit : Je jure qu’avant ce soir

Catherine

samedi 9 décembre 2023

Que tu dis

Il fait froid ce soir là quand il rentre chez lui. Il se presse afin de retrouver la chaleur du foyer et le repas que sa femme a dû préparer. Mais, quand il entre, il trouve l’appartement dans l’obscurité et sa femme assise près de l’entrée.
 
"Que fais-tu là assise dans le noir ?"
 
"Je pars", lui dit-elle.

Il remarque alors le sac posé à ses pieds. Il la regarde comme si c’était une étrangère. Il ne reconnaît plus la femme avec laquelle il a passé tant d’années, qu’il a aimée de tout son cœur même si ces derniers temps ce n’était plus pareil. La routine s’était installée, il la négligeait, lui préférant la compagnie de ses amis, les jeux de cartes au café.

Comme s’il sortait d’un mauvais rêve, il la fixe encore et encore cherchant à retrouver ce visage qu’il connaît si bien pour s’y accrocher. Mais rien ne transparaît, elle est comme statufiée attendant un mot, une réaction. Elle voit bien ses poings fermés. Il se contient pour ne pas hurler, ne pas frapper. Il s’approche, cherche à lui prendre les mains qu’elle lui refuse. Il murmure "mais pourquoi ? qu’ai-je fait ? explique toi, dis moi, je peux comprendre. "

Elle se lève et dit : "comprendre, non tu ne le peux pas. Je pars pour un autre. Voilà, c’est dit".





Anne



Consigne : titre : Que tu dis


lundi 4 décembre 2023

Là- bas si j'y suis


 
Aout 2003, c’est l’été de la canicule. Une terrible canicule, 40 degrés ! 
L’herbe est sèche, rase, le causse caillouteux. Il n’y a même pas un souffle pour soulever la poussière sur ce plateau austère du Larzac.
Paul, Michel, Alain font la queue devant les citernes pour le ravitaillement en eau. 
Jöelle, Françoise et moi avons mis les enfants encore petits à l’abri du soleil sous une vaste tente où des Kurdes en costume traditionnel se tiennent par la main, dansent et chantent en cercle. On craint quand même que cette chaleur irrespirable leur donne la fièvre. Et si une envie se mettait à nous tenailler le ventre pour une évacuation pressante, comment faire ?  Il y a bien des cabines Algeco, elles nous rebutent mais il faudra s’y résoudre. Tant pis, il ne faudra pas traîner, on se pinçera le nez, se dit-on dans un fou rire.  Pas encore de toilettes sèches en ce début des années 2000.
Au cœur de cette déferlante de 150 000 personnes : jeunes, vieux, paysans, urbains, femmes, enfants ; on se sent accordés. Une sensation d’ébriété a en être. 
D’autres ont du rebrousser chemin, après bien souvent des heures de voiture car le site est saturé. Sous des banderoles arc en ciel, on lie conversation avec la diversité du monde, avec des jeunes en tee-shirt imprimés du slogan « Un autre monde est possible ». 
On a besoin d’y croire. 
Le terme Altermondialiste s’invente.
Après tout, on peut se passer « des choses » : bagnole, fringues, téléphone …puisqu’on est venus avec juste une tente, trois duvets, un sac à dos, une gourde, puisque qu’on a marché des kilomètres depuis la voiture, à pied et sous le soleil pour être là.
« Le monde n’est pas une marchandise. »
On renoue avec l’authenticité. On s’exalte. Avec des centaines de gens on partage en un geste militant la soif, l’eau, l’inconfort, la chaleur. On expérimente la sobriété. Nos enfants se construirons dans ce modèle, on s’en persuade comme d’une évidence.
On partage le sort des réfugiés. Des réfugiés du capitalisme. 
150 000 personnes rassemblés sous 40 degrés, venues dire Non à la marchandisation de la santé, de l’eau, des services… Non à L’OMC et à sa gestion anti démocratique. Partout des conférences, une fournaise d’idées, une ébullition de propositions. 
C’est une grande fête.
Une foule venue commémorer une victoire après des années de lutte sur ce plateau. Une foule venue soutenir le chantre de la désobéissance civile : José Bové. 
Le soir il prend la parole, il sort de prison pour avoir arraché des plants OGM. Pour nous protéger de ce fléau.  Il parle de sa voix ferme et douce. De la prison, pas une plainte, non, mais de ses compagnons de cellule, de la solitude, de la condition des prisonniers. Il est amaigri mais debout.
Il remercie de son accent aveyronnais les camarades venus le soutenir chaque jour à l’extérieur de la prison, l’importance de leur voix de l’autre côté des murs, pour ne pas céder au découragement.
On est très émus.
D’autres camarades ont été aussi jetés en prison pour avoir démonté un  temple de l’impérialisme Américain, un MAC DO. Une insulte pour Millau. Une domination toxique pour le monde entier.  
A la nuit, les enfants s’endorment sur  les paroles de Manu Chao au loin :

«  Clandestino…
Correr es mi destino
Para burlar la ley
Perdido en el corazon
De la grande babylon  »

Et nous euphorisés de vivre intensément ce moment solidaire, historique; on tarde à céder au sommeil avec cet air qui nous trotte dans la tête :

« Je dormais à poings fermés… »
Je rêvais d'un autre monde
Où la Terre serait ronde
Où la lune serait blonde
Et la vie serait féconde »



Christiane

Consigne : 45 lignes, thème libre



 

samedi 2 décembre 2023

Les maux pour le dire



Il va partir, c’est décidé. Mais comment leur dire ? Est-ce qu’ils vont comprendre ?



Il arrête sa voiture au pied de l’immeuble où il doit les rejoindre. Il reste là les bras posés sur le volant, tenant sa tête entre ses mains. Il ne se sent pas le courage de sortir, de monter les affronter.

Son portable vibre, un message, ils s’inquiètent, lui demandent si tout va bien, s’il n’a pas oublié leur soirée. Il les imagine déjà un verre à la main, parlant de tout et de rien, heureux d’être ensemble. S’ils savaient…

A-t-il le droit de tout gâcher ainsi. Il sait pourtant qu’il doit absolument leur parler, leur expliquer sa décision de vive voix ; il aurait tout aussi bien pu leur laisser un simple message dans leur boîte mail mais ça aurait été trop lâche de sa part, il les estime trop pour agir ainsi.

Il s’extrait enfin de la voiture, se dirige vers l'entrée de l'immeuble lentement, la tête rentrée dans les épaules, les yeux rivés au sol ; il parle à l’interphone d’une voix à peine audible. Dans le hall, devant l’ascenseur son doigt hésite à appuyer sur le bouton.

Il ne pensait pas que ce serait si dur. Il se croyait fort chez lui à préparer ses arguments et explications. Mais là maintenant il perd toute confiance en lui. Dans l'ascenseur le temps de la montée jusqu'au quatrième étage est une véritable torture.

Arrivé sur le palier, la porte de l’appartement est déjà ouverte, ils n’attendent plus que lui. Impossible de reculer maintenant. Il doit avoir une drôle de tête car tous l’observent bizarrement, silencieux tout à coup.




Martine F.


Consigne : sujet : le personnage n'ose pas dire quelque chose.

dimanche 26 novembre 2023

La sorcière

Quand je retourne dans la ville de mon enfance, il m'arrive de me souvenir de cette rue aux maisons accolées les unes aux autres, avec de petites fenêtres sur leur façade et des derniers étages donnant sous les toits où des espaces exposés aux quatre vents servaient à faire sécher le linge.

Bien que cette rue ne ressemble plus à celle de mon enfance, elle restera toujours pour moi un lieu auquel on s'attache.

Je me revois enfant, jouant avec les copines et les copains de mon âge ; dans cette rue, habitait une dame âgée toujours vêtue de noir avec, été comme hiver, un fichu sur sa tête et toujours portant un grand sac sur son dos (qu'on appelle dans le midi une bourriche) ; les copains l'avaient surnommée la sorcière ; pourquoi ?

Le soir, dans mon lit, j'imaginais son habitation : une salle éclairée par des bougies, avec des rats, de grosses araignées tissant leur toile aux quatre coins du mur, des serpents, des hiboux, des sacs remplis d'herbes de toutes sortes, et des tas de flacons portant le nom de la mixture et puis dans une grande cheminée un immense chaudron où infusaient des tas de plantes... (je revois dans mon imagination le film de Blanche Neige où la méchante belle mère trempait la pomme dans une potion empoisonnée).

Quand je devais passer, seule, devant chez elle je courrais le plus vite possible comme si la pauvre femme allait me sauter dessus.

Un jour, ce qui devait arriva, je trébuchai juste devant sa fenêtre ; aussitôt la voilà qui sort de chez elle, je panique, je tremble de peur mais j'essaie de ne pas le montrer ; elle s'approche de moi et gentiment me sourit et me dit : viens entre, je vais te soigner tu as une belle écorchure

Je me voyais déjà changée en rat, lapin ou je ne sais quoi...

Elle me prend par la main et me fait entrer dans sa maison, et là : pas de hiboux, pas de rats, pas de serpents, pas d'araignées et surtout pas de chaudron.

La pièce est bien éclairée, très propre, elle me fait asseoir et m'offre un petit gâteau, sort des pansements et avec délicatesse soigne mon écorchure.

- Comment t'appelles tu ?

- Claude.

- Moi, c'est Louise pourquoi courrais tu si vite ?

- Je devais faire une course pour ma maman.

Louise me sourit et me tend à nouveau un petit gâteau après m'avoir soignée et mis un pansement.

Je la remercie bien gentiment et lui dit au revoir.

- Tu sais, tu peux revenir me voir quand tu veux.
 
 
 
Claude
Consigne : 45 lignes, thème libre

vendredi 24 novembre 2023

Découpé

Je ne comprends pas. Je bouge encore mais il me manque quelque chose d’essentiel, c’est sûr. Je ne sais plus par où commencer pour refaire le film pour comprendre ce qui se passe. Je me souviens vaguement.

Ma mission était de le supprimer, lui le tortionnaire, ce traître. J’avais peur de le rater, ce salaud. Je ne sais plus si j’ai été à la hauteur mais je me souviens de la puanteur du cachot. Et ces rats qui couraient partout. J’avais peur qu’ils sucent mon sang qui dégoulinait de partout. Oui, c’est ça, ils m’ont battu, écartelé, brûlé. Je suis persuadé que je n’ai pas parlé, mais crié, ça oui, je hurlais. Ai-je accompli ma mission ou a-t-elle échoué ? Le résultat, je le connais, ils m’ont attrapé.

Un flash... je vois la guillotine dressée au milieu de la foule. Alors c’est bien ça, c’est mon corps qu’il faut chercher. Avec un peu de chance il bouge lui aussi. J’espère qu’il va prendre l’initiative de me rejoindre parce qu’une tête seule ne peut se déplacer. Lui aussi a besoin de moi, allez bouge et reviens !

Que la force soit en moi pour recoller les morceaux !





Consigne en atelier du 06/10/23 Un personnage a perdu quelque chose ou quelqu’un et il le cherche.

Catherine


mardi 14 novembre 2023

Le roi de la rue

Dans le bateau, il l'a serré très fort contre lui. L'homme ne voulait pas de ce ballon. Une source d'emmerdes ce ballon. Un risque de noyade supplémentaires, de pleurs, de cris... Mais Yaya est tenace. Sans un mot il l'a serré encore plus fort ; ça a été des discussions, des bousculades... Mais Yaya ne l'a pas lâché.  

Le ballon pour compagnon, jamais sans lui,  avec lui il pourrait continuer jusqu'au bout du monde. Mais ici il est bien, il ne voudrait plus repartir. Il se sent dans son univers. Tout lui est familier.
Aujourd'hui dans cette rue, dans le vacarme et la pagaille, avec son ballon, il n'est pas encore le roi du stade mais il est le roi de la rue !

 

Christiane

L' amour sorcier

Puisque Aphrodite amoureuse de l’écume
Puisque Tristan triomphant du dragon
Puisque le charme de Viviane
Puisque Ariane déjà reniée

Il y a bien mille et un labyrinthes d’amour

Puisque la malédiction d’Orphée
La jeunesse pétrifiée de Pénélope
La virginité offerte de Marie
La damnation de Juliette

Il y a bien des lèvres barbouillées de rêves

Des tourments de Bérénice
À la perversité de Justine
Des yeux d’Elsa à la folie de Zelda
Des feintes à la candeur de Jane

Il y a bien mille et un filtres et mythes d’amour

Puisque les liaisons dangereuses
Dans l’ivresse et la folie
Je t’attends les mains nues
Nul chemin tracé

L’avenir toujours à réinventer
Le soleil et la mer retrouvés
L’enfance recommencée
Mon cri et le tien mêlés

 

Christiane.

Consigne : L'amour

Ne plus jamais

Amina, Malika, Rachel
Voilées
Violées
Brûlées

Enfants des kibboutz, de Kaboul ou de Kiev
Sacrifiés
Martyrisés
Abandonnés

J’ai entendu parler

De la nuit de la Saint-Barthélemy
De la nuit de Cristal
De  celle de Syrne, de Serbie

Des archanges de la terreur
D’anges conquistadors
Des cadors du Chili, du Salvador

Je sais

enfants orphelins, femmes, hommes
Jetés sur les routes
Noyés sur la mer

Assez

De plaintes blêmes
De mains déchiquetées
De soupirs étouffés

Ange de bonté

Penche toi sur la terre
Éclaire la
Conduit la

Ange de clarté

Prend pitié
Prend ma main

Refleurisse la rose et le jasmin

Il est encore temps

Pour les rêves ressuscités
Le jardin des délices
La poésie des lendemains
 
 
 
Christiane
 
Consigne : titre : Plus jamais

Pas à pas



Mais qu’est-ce qu’elle fait là ? Ce n’est pas la première fois qu’elle se pose cette question. Elle ne peut s’en prendre qu’à elle-même, personne ne l’a obligée à venir. On ne l’a pas prise par surprise non plus, elle connaît l’endroit et ses difficultés, elle y est déjà venue quelques années auparavant.

Elle avance lentement sous la chaleur, courbée sous le poids du sac à dos, en fixant bien ses pieds pour éviter toute chute. Quand elle redresse la tête elle ne voit que cette foutue pente qui n’en finit pas. Une pause de temps en temps, pour reprendre son souffle. Les autres sont déjà loin devant, peu importe, ils l’attendront un peu plus haut. Chacun son rythme ; ils se moquent souvent gentiment d’elle lui disant qu’elle marche à un train de « sénatrice ».

Sa seule consolation, mais pas la moindre, ce paysage qui l’entoure et dont elle ne se lassera jamais. Elle sait qu’arrivée en haut de cette maudite pente ce sera un pur moment de plaisir et d’émerveillement.

A cette pensée, la voilà à nouveau motivée et revigorée ; elle progresse d’un bon pas ; elle sait qu’ici elle va se vider la tête de tous les soucis qui l’encombrent, que ses yeux ne vont pas savoir où se poser tant il y a de choses à observer et à découvrir, que ses oreilles vont écouter le silence qui règne dans ces lieux, à peine troublé ici et là par le murmure d’un torrent, un chant d’oiseau, celui d’un grillon, les sifflements des marmottes, le bruit de ses pas sur le sentier, celui de l’air dans les ailes des grands rapaces qui planent à la recherche d’une proie.

Elle aime l’immensité de ces paysages à perte de vue. Ça lui plait de n’être qu’un tout petit rien à l’échelle de ces lieux ; malgré cela la nature généreuse se donne à elle dans toute sa beauté mais pas si facilement non plus, ici tout se mérite, la récompense ne lui est donnée qu’au prix de bien des efforts. Elle aime ces défis, ce dépassement de soi.

Mais cette montagne si ensorceleuse sait aussi se montrer cruelle et dangereuse, elle le sait ; la prudence y est de mise. Ses orages soudains sont redoutables et maintes fois elle l’a maudite trempée des pieds à la tête, apeurée par les éclairs qui courent sur les rochers en faisant un bruit effrayant.

Pourtant pour rien au monde elle ne manquerait ses rendez-vous avec elle ; ces moments-là lui sont indispensables ; elle saura toujours où aller quand elle ressentira un besoin inexorable de fuir.

Mais pour combien de temps encore ? Un jour elle n’aura plus la force de grimper ainsi, elle le sait et le redoute.

Quand cette pensée l’envahie, elle s’assoie pour être au plus près d'elle et lui parle pour exorciser ses angoisses : « tu sais tu n’as pas fini de me voir arpenter tes sentiers, j’en ai encore tellement à découvrir, ne crois pas que je renoncerais à toi si facilement. Et si j’y suis malgré tout obligée, j’irai voir ta grande rivale, la mer, tout aussi fascinante, et je me laisserai bercer par son doux clapotis en rêvant à toi. »

lundi 13 novembre 2023

Ne plus jamais

Chers frères et sœurs Plusjamaïstes



Nous voilà réunis en notre centième année de notre ère plusjamaïste devenue le ciment de notre humanité. Je rends hommage à tous nos ascendants qui ont lutté pour nous permettre de vivre en toute sérénité. Ils se sont battus, déchirés, tués. Les peuples ont souffert et subi des atrocités innommables, gravées dans la mémoire des hommes et des femmes que nous sommes aujourd’hui. Ne pas oublier pour ne pas reproduire. Nous vivons libres. Nous sommes les simples habitants de notre planète où plus aucune frontière ni religion n’existent. Notre seule vocation est de protéger cette Terre et toutes les créatures qui la peuplent, sans distinction d’espèces, de races, de richesses, de différences. Nous vivons tous en harmonie. Nous avons vaincu la misère, les rivalités de pouvoirs, la cupidité et la stupidité après des millénaires dysharmoniques et sanguinaires. Depuis un siècle, l’Homme a compris que son passage unique sur Terre relevait de l’éphémère et que rien ne justifiait l’appétence à la domination. Il a enfin découvert les sublimes joies de la solidarité, de l’égalité, de la fraternité et de la diversité. Des portes ouvertes grâce à l’art gravé dans notre ADN.

Je vous invite maintenant à chanter ensemble pour que nos descendants vivent dans cette absolue beauté. Chantons :

Ne plus jamais oublier

Ne plus jamais massacrer

Ne plus jamais envier

Ne plus jamais se replier

Ne plus jamais s’enrichir

Ne plus jamais détruire notre Terre

Ne plus jamais polluer

Ne plus jamais saccager

Ne plus jamais détruire

Ne plus jamais dénigrer



Allez en paix, tous ensemble !





Consigne pour le 13/10/23 : en titre « Ne plus jamais »

Catherine


vendredi 13 octobre 2023

Point de rupture



Une claque. C’est douloureux. Il me trompe, j’en ai la preuve. Elle a vingt ans de moins que moi, combat inégal. D’ailleurs aucune envie de lutter.

Je fais le bilan de notre histoire : il est négatif c'est sûr. A qui la faute ? Peu importe. A quoi bon chercher à savoir de quel côté penchera la balance.

Maintenant vite mettre ses affaires dans une valise et la déposer devant la porte. Changer la serrure.

Non, plutôt les balancer par la fenêtre et y a adjoindre tous les objets auxquels il tient tant. Ecrabouillés sur le trottoir. Plaisir d’imaginer sa tête quand il découvrira le désastre.

Et puis rester effondrée en larmes sur le canapé. Tous les pourquoi sans réponse qui tournent dans ma tête.

Ecouter en boucle une chanson bien triste pour plomber encore plus l’atmosphère.

Est-ce que je sais vraiment sur quoi je pleure ? Sa trahison sans doute, mon orgueil blessé, cet échec total.

Et puis le désamour qui s’installe déjà. Pas de seconde chance. Aucun désir de reconquête. Est-ce parce que la blessure est trop profonde ou est-ce mon amour pour lui qui s’était déjà émoussé ?

Peu importe. On referme le livre. Fin de l’histoire.

Mer ou montagne?

La montagne, et retrouver la vaste prairie. M'allonger les bras en croix dans l'herbe grasse, contempler le défilé des nuages sur fond bleu éclatant et fredonner Vénus, la voix de Baschung prise dans mes tripes.

« Là un dard venimeux, là un socle trompeur, plus loin une souche à demi-trempée dans un liquide saumâtre plein de décoctions d'acide qui vous rongerait les os. Et puis... L'inévitable clairière amie
vaste, accueillante, les fruits à portée de main et les délices divers dissimulés dans les entrailles d'une canopée plus haut que les nues »

Non, pas cette fois, mes os sont déjà rongés et même la promesse de pommes d'or et pêches de diamants ne m'encourage pas à y retourner.

La mer, oui… La magique crique encerclée dans un écrin à bijoux s'ouvre sur le large. Je sens déjà l'odeur des algues de mon enfance, prisonnière dans ma boîte à souvenirs. Rivages éloignés dans l'espace, le temps et toujours la permanence des émotions.

L'imperturbable étendue bleue, soumise aux caprices des vents, ne cesse d'aller et venir. Elle chatouille les galets et le sable ou se fracasse sur les rochers selon son humeur. Penchés, les pins parasols assistent au concert perpétuel sous la direction de bois flottés métamorphosés en baguettes de chefs d'orchestres déchus ou perdus en mer. Les coquillages, eux, vides de vie capturent le son de la mer. Les parois des rochers se préparent au bal et étalent leur robes de griffes de sorcières en fleur pendant que les crabes font des pas de côtés sous les rochers.

Mer ou montagne, j'hésite encore... Finalement je prends les deux depuis mon boudoir.




Consigne pour l’atelier du 22/09/23 : Description d’un lieu

Catherine

lundi 9 octobre 2023

Ressac

Émilienne s’éloigne à regret de la crique, le spectre des morts surgissant des eaux gravé dans sa mémoire. Elle escalade les rochers avec difficulté. Elle n’est plus aussi agile, son arthrose ralentit ses pas. Tomber ne ferait qu’aggraver un état de santé qu’elle essaie de conserver au mieux. Ses randonnées allègent le poids des ans qui la taquinent parfois. La marche devrait aussi lui permettre de mieux dormir, bien que ses nuits se raccourcissent avec les années. Elle ne s’en plaint pas. Ses journées rallongent et lui donnent plus de temps pour vivre à son rythme. Pour autant, elle chouchoute le précieux sommeil pour s’engouffrer dans les rêves et ouvrir tous les champs du possible. Cette autre vie cachée de tous, personnelle et discrète au point de s’en faire oublier. Émilienne soigne ses embarquements pour voyages incongrus. Sa mise en bouche pour un meilleur envol est la lecture. Puis lorsque ses yeux lui disent de cesser toute activité, elle obéit.

Émilienne s’envole. Émilienne s’endort. Émilienne rêve…

Émilienne crie.

- Je m’appelle Roxane, venez me secourir.

Tombée au fond d’un gouffre, elle essaie vainement de grimper. La terre s’effrite sous ses mains, sous ses pieds. Elle glisse encore plus bas.

- C’est moi Roxane, sortez moi de là. J’entends la mer qui se rapproche, elle va m’engloutir.

Et l’écho lui répète ses propos, inlassablement. Ressac, ressasse.

Soudain, elle ressent une propulsion. Elle jaillit à la surface quelques instants. Une femme l’aperçoit de loin, un instant, juste avant qu’elle ne disparaisse au fonds des abysses.





Consigne pour le 29/09/23 Mettre en scène le personnage de l’atelier précédent dans un autre contexte pour mieux le connaître
 
Catherine

 

samedi 30 septembre 2023

Tombeaux

Émilienne scrute la mer. La mer-miroir lui renvoie ses interrogations et ses agitations. Imperturbable elle frôle les pieds d’Émilienne et s’en éloigne dans un va- et-vient perpétuel. Le même mouvement des questions que l’Homme se pose depuis la nuit des temps : Quelle est ma place dans ce monde ? De quel maillon humain suis-je issu ? Quelles seront mes traces laissées en héritage ? Comment survivre ? Jusqu’où ira l’humanité ?

Bizarrement, Émilienne a le sentiment de ne pas être seule. Des milliers d’hommes, de femmes et d’enfants surgissent des flots. Ils lui hurlent le cauchemar de leurs vies brisées au point d’en être engloutis pour l’éternité. Des tombes eau.

La surface de la mer reste calme. Le tumulte provenant des abysses disparaît arrivé à la surface. Émilienne figée, sidérée, contemple la vaste étendue bleue devenue cimetière des inconnus, sans oriflamme.





Consigne atelier du 22/09 : Une fiction dans le lieu conté précédemment

Catherine

vendredi 29 septembre 2023

Le bon marché

C’est une longue rue étroite.  Si étroite qu’il faut te contorsionner pour te faufiler dans la cohue. C’est la rue la plus vivante au monde.  Le caravansérail des temps modernes. C’est le marché du bonheur !  C’est le bon marché !  
Cette rue c’est la plus pauvre d’entre les pauvres. 
« La Rue Longue des Capucins ». 
Les Capucins d’il y a bien longtemps, c’étaient ceux de l’ordre des mendiants…
A tout heure du jour, tu te fais bousculer par des princesses en boubous, couvertes de bracelets d’or, d’autres voilées de noir de la tête au pieds. Tu pousses des coudes pour te frayer un passage, tu te dissous dans la foule.
Les odeurs de viande, de tripes te prennent à la gorge, des têtes de veau, des langues de bœuf, des cervelles d’agneau te prennent à témoin ; puis c’est les étals gluants de dorades, de sardines, de maquereaux. L’odeur de friture des pains à la semoule. Des pizzas au feu de bois. Si l’envie te titille de manger mangues, dattes, ananas : Afro-market t’en offre à profusion. L’arôme de la cannelle, du cumin, de la coriandre de chez Saladin te chatouille le nez.
Tu vois la queue devant « Allo le bled ». Ne t’arrête pas.
Tu cherches un balai, une théière, une marmite , un savon ? Tu trouveras ton bonheur chez : « Jiji la palme d’or ». 
Remonte un peu la rue . « Tom tailleur », toujours affairé sur sa machine à coudre, te confectionnera pour deux sous dans l’heure la robe de tes rêves. Le plus difficile sera de choisir un tissu parmi tous les coupons colorés soigneusement empilés du sol au plafond. Il y a dans son mouchoir de poche, toujours de la place pour quelques palabres avec un cousin du village.
Fatigué de zigzaguer entre les ballons des minots, redescend.
Tu te retournes en entendant « Marlboro ! Marlboro ! » On te les vend à la sauvette, à l’unité…
Sur des étals miniatures à même le sol : une paire de baskets, de lunettes de soleil, trois écouteurs…C’est le marché sauvage.
Marseille : Porte de l’orient. C’est pas les milles et une nuits mais des histoires y en a sur chaque pas de porte. C’est une rue aux maisons pouilleuses, où sévissent les marchands de sommeil. Des épaves sont jetées là, Du Cap vert, des Comores, du Cameroun, d’Arménie, de Roumanie… Des commères te diront c’est une rue de voleurs, de dealers, de camés.
La Rue Longue des Capucins. Tu pourras jamais la prendre sur le vif.
« C’est du vacarme, du chaos, un poème. »
Harassé , va t’attabler chez Yassine , commande un thé à la menthe, une corne de gazelle ou même une omelette ; si tu préfères la terrasse du bistrot «Tranquille » tu peux y déguster un kebab, une bière.
A regarder la rue, tu te sens chez toi, tu n’es jamais tout seul. 
Tu regardes, tu regardes la rue, la vie…


Christiane

Consigne : description d'un lieu

mardi 19 septembre 2023

Grenade

J’aime les grenades bien mûres, je crois te l’avoir dit. Mes mains saignaient quand je les cueillais, ce que je ne t’ai pas dit, c’est que je croquais dedans et ma bouche éclatait sous leurs grains. C’est là que j’ai eu peur, du sang partout.  J’avais l’impression, la nuit que même la lune pleurait des larmes de sang.
C’est là que j’ai eu vraiment peur, tout ce sang !
Voilà, alors je me suis planqué, je me suis allongé dans la boue. Tout se confondait, mon corps la boue, la boue, mon corps. J’ai rampé, rampé jusqu’à la haie de mûres. Je n’en pouvais plus. Il fallait que ça s’arrête. J’ai continué à ramper, me suis laissé rouler dans le fossé. J’ai entendu le murmure de la rivière, m’y suis laissé couler. Je me suis lavé la bouche, les yeux.
 J’ai du m’endormir.
Je ne sais plus ce que je te raconte André.
Je suis fatigué maintenant.
Et ce bruit dans mes oreilles…
Peut-être c’était seulement un rêve, un mauvais rêve, un cauchemar… 

 

Christiane.

Consigne : personnage du texte précédent dans une situation différente

lundi 18 septembre 2023

Sas pour SOS

Faut-il conduire les yeux fermés pour oublier ce trajet quotidien ? Fermer les yeux et foncer dans le mur rude de la réalité et en finir. Piort renonce à cette envie obsédante en pensant à son Petit Paul. Comment retrouver celle qui s'est échappée dans un monde inatteignable. Chaque jour différent et pareil à la fois. Il se voit à l'avance traverser la cour arborée de l'hôpital, les pas alourdis de désespoir. Un hôpital vétuste où l'on enfermait au cœur de la ville les fous dangereux pour eux mêmes et leurs familles.

Piort appréhende ces visites chronométrées sous protocole strict. Sonner, se présenter seul et attendre.

Bruit de clés. La porte s'ouvre sur la souffrance, la maladie et les vies éclatées sous contrainte.

Un sas entre deux mondes. Un espace réduit tout en longueur où se ressassent le passé. Piort aperçoit le visage d'Ondine. Elle le guette derrière l'oculus du service fermé. Derrière elle d'autres visages torturés s'agglutinent. Bruits de clé. La porte s'ouvre.

- Tu as bien enfermé Petit Paul ? Il est en danger. Ils veulent nous le voler. Ici je me bats parce qu'ils m’ordonnent de me séparer de Fantine. Je suis obligée de l'attacher autour de mon ventre pour ne pas qu'on me la prenne. Ce n'est pas bon pour sa croissance.

- Ne t'inquiètes pas. Petit Paul va bien, il t'embrasse.

Piort tente de la prendre dans ses bras mais Ondine le repousse.

Éternel recommencement. Mêmes obsessions, mêmes hallucinations, mêmes échanges. Bruit fracassant de clés. Fin de visite. Heure épuisée. Piort repart du même pas lourd. Il compte ses pas. Chaque pas, une misère. Il avance.



Consigne pour le 15/09/23 15l sur le thème de la folie

Catherine

dimanche 17 septembre 2023

Tout feu, tout flamme.

 
 « Tac tac tac tac tac… Pan !!!  Pan !!!  Psst !!!  Ça pète, de partout, tu entends ? Les grenades, les obus, les flammes c’est les astres qui saignent, mais mes mains repoussent le feu ! N’aies pas peur ! Non n’ai pas peur ! Voilà le spectacle est terminé ! C’était un spectacle magnifique, non ? Tous d’anciens amis ces acteurs, je les ai rencontrés il y a bien longtemps au milieu d’un champs de boue, le ciel était orange à ce moment là ! Depuis, je les ai perdus de vue. Mais tu vois, ils m’ont retrouvé et sont venus jouer ce spectacle ici, dans la cour, pour moi, tout spécialement.
André fasciné écoute. Puis pose des questions idiotes.
- Quel âge a ta sœur ?
- Oh ! Elle est très verte !
- Étais-tu à Verdun ?
- J’aime les grenades bien mûres.
 
 On est en 1916, l’halluciné est un rescapé du carnage de Verdun.
L’hôpital est en bord de Marne.
Breton a vingt ans, la confrontation avec la folie est un choc brutal. Il est affecté en tant que psychiatre à Saint-Dizier, en Haute Marne. 
Pendant six mois, il écoute les rêves, les phrases démembrées de délirants blessés dans leur corps et dans leur  âme. Sous le bruit de la mitraille certains ont perdu l’esprit.
Breton marche de longues heures dans la brume, le long de la rivière. Au fil de l’eau, des alliages mystérieux se forment dans son esprit.
Le surréalisme s’invente.

Christiane.

Consigne : thème : La folie


 

 

 


mercredi 28 juin 2023

Maudit pays !

Ça se passe dans un pays maudit.
Un pays oublié, endormi, un pays qui dort mais ne rêve pas ; ou alors où les rêves sont des cauchemars. Qu'espérer d'autre du gris de ce ciel, du crachin et du vent qui vous gifle, une claque après l'autre sans répit.
Cette histoire ce n'est pas celle des trois petits cochons, non, c'est une histoire bien sordide. Une histoire pétrie de la boue des cours de fermes.
Ce pays c'est la Champagne, la Champagne Pouilleuse.
Ce n'est pas très glorieux ! Ça ne pétille pas très longtemps.
Ça vous écrase, ça vous enlise plutôt.
C'est une histoire de lisier et de sorcière dont ce pays est encore friand.
Comment imaginer un conte plus noir ? D'une noirceur dévorante.
Donc c'est l' histoire de La Marne et de ses frustres habitants, la fable de ce porcher dévoré par ses cochons.
Morale de cette histoire : " Tous les hommes sont des cochons."



Christiane.


Consigne : texte écrit en atelier avec consigne



lundi 19 juin 2023

A la tienne!

Tu n’y as vu que du feu quand je t’ai appelé. Tu t’es dit, ce couillon ne m’en veut même pas, il m’invite à boire une bière. Ne ris pas, je te connais bien, mais toi tu me connais vraiment mal. Soit disant c’était une blague, une blague de potache comme au bon vieux temps. Le problème c’est que nous avons vieilli et que tout devient plus sérieux.

Tu es vraiment doué ! Tu as voulu tester mes capacités de résilience conjugale. Alors, avec ma femme, vous vous êtes dit, on va s'amuser sur le dos de Jacques, mon vieux pote. Ta mise en scène était plutôt réussie. Tiens, là tu ne ris plus. Oui, je reviens à ce que je disais. Mais comment jouer ? Vous avez dû chercher un moment ou alors pas du tout.

Pour cette représentation, j’avoue, je vous mettrais une bonne note et des émoji cœurs. Cœurs, c’est contextuel uniquement. Sylviane t’avait préparé un apéro particulièrement raffiné. Oui, je sais. C’était pour s’entraîner à son concours de cuisine. Pourquoi pas. Après je ne sais pas si sa tenue aurait été adéquat pour ce concours. Bref. C’est vrai, je devais être en déplacement ce soir là, mais pardon, il a été annulé au dernier moment. Que fait le couillon de service dans ces cas là ? Il rentre chez lui. Tranquille ! Et là, il trouve son meilleur ami en train de rouler une pelle à sa femme. Quelle bonne blague !! Et tu aurais voulu que je ne te casse pas le nez ? OK je ne vous ai pas laissé le temps de vous expliquer, mais pour entendre vos fadaises, j’ai bien fait de cogner avant, après cela aurait été la mâchoire avec.

- C’était un jeu mais t’as pas d’humour !





Consigne pour le 26/05/23 : Excipit – T’as pas d’humour ( seule réplique du personnage après monologue du premier) 

Catherine

 

dimanche 18 juin 2023

Lendemain de fête



Emilie sortit de sa chambre l’esprit encore embrumé après sa courte nuit de sommeil. La veille la soirée s’était éternisée et avait été bien arrosée.

Arrivée au rez-de-chaussée l’état de la maison la désola. Il y avait des verres, des assiettes et des plateaux qui trainaient dans un effroyable désordre ; le sol était jonché de résidus alimentaires et de nombreuses tâches reflétaient la diversité des boissons servies.

Elle en avait la nausée, mais il fallait bien commencer à tout ranger et nettoyer avant le retour des parents. Sinon plus d’autorisation.

Parvenue à la cuisine, elle eut la surprise de découvrir un garçon assis à la table, endormi, la tête posée sur ses bras. Elle en fit le tour et n’arriva pas à savoir qui cela pouvait être.

Elle le secoua pour le réveiller. Il fut tout aussi surpris qu’elle de se trouver là.

- Mais qui es-tu ?

- Et toi qui es-tu ?

- Ben je suis chez moi. D’où sors-tu ? Je ne te connais pas.

- J’ai suivi des copains et je me suis retrouvé à ta soirée. Euh, j’ai bien l’impression qu’ils sont repartis en m’oubliant ici ! Il faut dire que j’en tenais une bonne !

- Eh bien finalement ça tombe bien ; tu vas m’aider à tout remettre en ordre. Après on sautera dans la piscine pour nous rafraîchir les idées et faire plus ample connaissance !!



Martine F.


Consigne : Un personnage qui se lève le matin et qui découvre chez lui quelque chose ou quelqu’un de tout à fait inattendu.

La cape rouge

Depuis qu’il a regardé plusieurs épisodes d’un dessin animé à la télévision, Eric voudrait acheter la figurine d’un personnage qu’il aime bien. 

Ce jour-là il a réussi à décider sa maman : les voici dans le magasin !

Il est émerveillé de voir que tous sont là sous ses yeux.

Après avoir longtemps hésité, il en saisit un et avec sa maman il se dirige vers la Caisse.

La file d’attente est impressionnante !

Sa maman n’est pas très contente mais Eric est tellement heureux.

Petit à petit les clients avancent. Ouf ! Il n’y a plus qu’une personne devant eux. 

Au moment où Eric pose la figurine sur le tapis, il s’écrie : “Je me suis trompé, je voulais celui avec la cape rouge !



Bernadette

Consigne : le personnage change d'avis au dernier moment.

jeudi 15 juin 2023

Retour

Elle essaie de se maintenir debout malgré le tumulte de son cœur. Elle ne tient que parce qu’elle s’appuie sur le chambranle de la porte. Elle peine à réaliser que c’est bien l’homme qui l’a quittée il y a déjà bien des années sans explication. Il était toute sa vie. Elle l’adorait, ne pensait, n'agissait que par et pour lui. Elle le regarde encore et encore, là, sur le seuil de sa maison sans même penser à lui dire d’entrer. Il a vieilli bien sûr, mais c’est bien lui. Elle aimerait mettre ses mains sur ce visage tant de fois caressé mais elle ne peut que se raidir afin de ne pas tomber. Elle cherche quelque chose à dire mais les mots ne franchissent pas ses lèvres. La confusion dans son esprit est telle qu’elle ne saurait d’ailleurs par quoi commencer. Comme en accéléré lui reviennent les images de la vie d’avant : l’amour, les rires, les folies, la tendresse, puis le chagrin, la douleur, le manque, la tentation du néant. Il avait été son soleil, il fut sa nuit. Une pensée l’effleure : tout recommencer comme si rien n’avait été ?

Peu à peu son cœur se calme. Elle le regarde, lui sourit. Et elle referme la porte.






Anne